1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 (janvier 1957)a b Ce qui s’oppose coopère, et de ce qui diverge procède la plus belle harmonie. Héraclite Reconnaît
2 raclite Reconnaître nos différences Parlant de l’Absolu, que certains appellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total,
3 « aucune différence », il n’y aurait pas non plus d’ antinomie foncière entre la foi chrétienne de l’Occident et la pensée
4 plus d’antinomie foncière entre la foi chrétienne de l’Occident et la pensée religieuse de l’Asie1. Sur d’autres plans, po
5 chrétienne de l’Occident et la pensée religieuse de l’Asie1. Sur d’autres plans, pourtant, les différences éclatent. Ce s
6 nces éclatent. Ce serait faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines options fondamentales qu’il a prises
7 a prises au plan religieux. Au nom même du désir d’ union de l’humanité qui anime de part et d’autre les meilleurs esprits
8 s au plan religieux. Au nom même du désir d’union de l’humanité qui anime de part et d’autre les meilleurs esprits, il me
9 nom même du désir d’union de l’humanité qui anime de part et d’autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre
10 désir d’union de l’humanité qui anime de part et d’ autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre en toute fr
11 d’autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’ admettre en toute franchise l’existence historique et spirituelle de d
12 e franchise l’existence historique et spirituelle de deux expériences différentes, de deux voies longtemps divergentes, de
13 e et spirituelle de deux expériences différentes, de deux voies longtemps divergentes, de deux types d’aventure humaine qu
14 différentes, de deux voies longtemps divergentes, de deux types d’aventure humaine que l’on peut désigner par les termes s
15 e deux voies longtemps divergentes, de deux types d’ aventure humaine que l’on peut désigner par les termes symboliques, pl
16 r les termes symboliques, plus que géographiques, d’ Orient et d’Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’obj
17 symboliques, plus que géographiques, d’Orient et d’ Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’objet des essai
18 , d’Orient et d’Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’objet des essais de mise au point qui suivent. Cert
19 es contenus de ces termes sera l’objet des essais de mise au point qui suivent. Certains penseront qu’il est dangereux de
20 i suivent. Certains penseront qu’il est dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en valeur ce qui n
21 aleur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie, des antit
22  ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’une sagesse supérie
23 de nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’une sagesse supérieure saurait conduire à
24 prits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ; elle suppose bien plutôt la connaissance de
25 e suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’ être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les pass
26 se bien plutôt la connaissance des raisons d’être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer sous
27 e de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’av
28 r sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’ avance les deux vertus majeures qui dénotent une union véritable : à s
29 esse supérieure et vraiment unitive ne naîtra pas d’ aspirations mal informées, ni du refus de bien voir l’état présent des
30 îtra pas d’aspirations mal informées, ni du refus de bien voir l’état présent des choses, encore moins du recours à quelqu
31 nuit des temps, et noyant les problèmes concrets de notre siècle dans une condamnation globale de l’Occident2. « La nuit,
32 ets de notre siècle dans une condamnation globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont gris », dit le proverbe.
33 ts sont gris », dit le proverbe. Mauvaise formule d’ union, qui ne peut survivre à l’aube ! Si l’Orient et l’Occident doive
34 doivent un jour converger au lieu de s’ignorer ou de se combattre, ils le devront bien moins à un « retour aux sources » q
35 et toujours plus lucide vers les buts respectifs de leur double aventure. Mieux compris, mieux réalisés, ces buts se révé
36 , ces buts se révéleront un jour complémentaires, d’ une façon qui nous demeure encore indescriptible, mais dont le pressen
37 essentiment nous accompagne. Réalités externes de l’opposition Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et d’une
38 externes de l’opposition Admettons l’hypothèse d’ une origine commune, et d’une famille d’idiomes indo-européens dont le
39 Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et d’ une famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus a
40 hypothèse d’une origine commune, et d’une famille d’ idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus ancien témoigna
41 tons que le régime des castes, imposé aux peuples de l’Inde par les conquérants aryens, ait son origine en Europe, où Plat
42 s efforts des réformateurs religieux, du Bouddha, de l’islam, mais non pas des Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascensio
43 des Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascension de l’Europe se confond avec les succès de la lutte permanente contre les
44 ’ascension de l’Europe se confond avec les succès de la lutte permanente contre les castes. La démocratie hellénique, l’ex
45 les castes. La démocratie hellénique, l’expansion de la morale chrétienne, la Renaissance et la Révolution française marqu
46 ce et la Révolution française marquent les étapes de cette dissolution du système social tripartite hérité de l’ancêtre ar
47 e dissolution du système social tripartite hérité de l’ancêtre aryen. Sur l’arrière-fond commun, les différences s’accusen
48 n, les différences s’accusent. Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant la longue pa
49 Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant la longue parenthèse du Moyen Âge. À bien
50 e Moyen Âge a représenté la période « orientale » de l’Occident. Le symbolisme y dominait dans tous les ordres ; les trois
51 s traditions multipliées primaient sur tout essai d’ innovation ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour p
52 tipliées primaient sur tout essai d’innovation ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’i
53 nt il convenait par suite de s’évader, plutôt que d’ essayer de l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’une raison
54 enait par suite de s’évader, plutôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’une raison mal éclair
55 utôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs d’ un corps vil et d’une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacr
56 de l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’ une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral refoulait le ra
57  », la tendance individualiste ne pouvait trouver d’ exutoire que dans l’aventure mystique. Le véritable individu, au Moyen
58 à-dire le saint homme qui se « détache » du clan, de la coutume, de la magie, du dogme même, devenant hétérodoxe moins par
59 homme qui se « détache » du clan, de la coutume, de la magie, du dogme même, devenant hétérodoxe moins par la négation de
60 e même, devenant hétérodoxe moins par la négation de l’orthodoxie qu’il croit encore servir, que par son dépassement réali
61 son dépassement réalisé. Mais l’Orient n’a pas eu de Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tout vivant av
62 l’Orient n’a pas eu de Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tout vivant avec notre âge technique, trahit
63 fin du nôtre. À partir de la Renaissance, l’angle de divergence s’agrandit rapidement, pour atteindre à peu près 180° aux
64 dement, pour atteindre à peu près 180° aux débuts de notre siècle technique. Alors, la réalité de l’opposition à peu près
65 buts de notre siècle technique. Alors, la réalité de l’opposition à peu près diamétrale des deux mondes s’atteste aux yeux
66 -Unis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà d’ une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerin
67 que pèlerinages, sanctuaires, lieux et quartiers de ville sacrés ; arbres, fleuves, animaux sacrés ; hommes et femmes en
68 selle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’ églises dominent encore généralement la silhouette des villages et des
69 s pèlerinages ou lieux sacrés, quelques centaines de vieux châteaux (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’un s
70 s, quelques centaines de vieux châteaux (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’un sacré dont l’âge fait le prix
71 x (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’ un sacré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie, et qu
72 acré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie, et que cernent impatiemment les grands faubourgs industriels
73 ont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie , et que cernent impatiemment les grands faubourgs industriels et les
74 nt les grands faubourgs industriels et les décors de la technique. En Amérique : pas un seul lieu sacré en dehors des égli
75 rs des églises en faux gothique luxueux, dominées de très haut par les gratte-ciel ; pas un seul pèlerinage et pas un vrai
76 rai château. Plaines et villes immenses, dénudées de mystère, nettoyées de toute trace de religion primitive et de vénérat
77 t villes immenses, dénudées de mystère, nettoyées de toute trace de religion primitive et de vénération pour les choses, l
78 es, dénudées de mystère, nettoyées de toute trace de religion primitive et de vénération pour les choses, les plantes, les
79 nettoyées de toute trace de religion primitive et de vénération pour les choses, les plantes, les animaux ou le surnaturel
80 rtagé par toutes les classes. L’Occidental retour d’ Orient s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et
81 qu’il n’y voit qu’agitation désordonnée, absence de sens et d’harmonie, et pas un seul vrai spirituel… Réalités intern
82 voit qu’agitation désordonnée, absence de sens et d’ harmonie, et pas un seul vrai spirituel… Réalités internes de l’opp
83 pas un seul vrai spirituel… Réalités internes de l’opposition a) Symbolisme de l’Orient et de l’Occident 5. — L’Ori
84 éalités internes de l’opposition a) Symbolisme de l’Orient et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pa
85 s de l’opposition a) Symbolisme de l’Orient et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des
86 l doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de sa Quête inlassable du Réel. P
87 deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de sa Quête inlassable du Réel. Pour passer du sens géographique et hist
88 l. Pour passer du sens géographique et historique de nos deux termes à leur sens symbolique et spirituel, recourons aux ré
89 isionnaires que deux grands philosophes religieux de l’Iran et de l’Arabie, Avicenne et Sohrawardi, nous ont laissés sur c
90 ue deux grands philosophes religieux de l’Iran et de l’Arabie, Avicenne et Sohrawardi, nous ont laissés sur ce sujet fonda
91 ont laissés sur ce sujet fondamental6. Le récit d’ Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, c
92 e est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant avec l’Occident du monde terrestre et l’Extrême-
93 réside l’univers angélique ; à gauche, l’Occident de la Matière et du soleil couchant, au bord le plus lointain duquel s’é
94 ux qui le cultivent viennent d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, r
95 rs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de dis
96 t ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joi
97 un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y
98 évastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un e
99 un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procu
100 sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’un lieu
101 : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’ un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c’est-à-dire au lieu
102 et l’Occident (c’est-à-dire au lieu de rencontre de la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : « 
103 ’est-à-dire au lieu de rencontre de la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l
104 est celle que l’on connaît le mieux… » (Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, S
105 que l’on connaît le mieux… » (Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, Sohrawardi
106 Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage de l’âme,
107 e terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage de l’âme, son « exil » dans le
108 idental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage de l’âme, son « exil » dans les liens de la matière et du corps qui la r
109 pèlerinage de l’âme, son « exil » dans les liens de la matière et du corps qui la retiennent captive dans leurs noires fo
110 eurs noires forteresses, son départ vers l’Orient de l’illumination, de l’origine et de la délivrance. Et l’on retrouve ic
111 sses, son départ vers l’Orient de l’illumination, de l’origine et de la délivrance. Et l’on retrouve ici les mêmes signifi
112 vers l’Orient de l’illumination, de l’origine et de la délivrance. Et l’on retrouve ici les mêmes significations symboliq
113 retrouve ici les mêmes significations symboliques de l’Orient et de l’Occident que dans le récit d’Avicenne, auquel l’aute
114 s mêmes significations symboliques de l’Orient et de l’Occident que dans le récit d’Avicenne, auquel l’auteur rattache d’a
115 es de l’Orient et de l’Occident que dans le récit d’ Avicenne, auquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est une v
116 on conte, qui est une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères symboliques que ces deux auteurs att
117 à nos jours, tous les esprits occidentaux nourris de la pensée mystique du Proche-Orient8 ont accolés à nos deux termes. N
118 eux termes. Nous aurons le tableau suivant, formé de quatorze antithèses : Orient : l’aurore, le matin, le haut, la droit
119 droite, l’extrême raffinement, la lumière, l’Ange de la Révélation, le but dernier, l’âme, l’initiation, la sagesse, la ré
120 gauche, l’épaisseur opaque, la pénombre, le démon de l’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme,
121 paque, la pénombre, le démon de l’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matiè
122 isme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la passion, la
123 e par les liens matériels et passionnels, le lieu d’ exil. Cette unanimité dans l’interprétation, uniquement favorable à l’
124 ’interprétation, uniquement favorable à l’Orient, de nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne sa
125 t, de nos deux termes symboliques ne peut manquer d’ impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physiq
126 d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’ accidentel, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l
127 er. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour l
128 it la réduire à rien d’accidentel, de physique ou d’ anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en
129 et ceux-ci ne figurent pas pour autant l’Occident de la Chine ou de la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique ! El
130 igurent pas pour autant l’Occident de la Chine ou de la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc
131 cident de l’Amérique ! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occ
132  ! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. Mais, du p
133 me, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’est pas
134 ion » de la psyché occidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de l
135 is, du prestige de cet Orient qui n’est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon bénéficie très la
136 n’est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon bénéficie très largement dans nos esprits. Nous ver
137 ement dans nos esprits. Nous verrons par la suite de ce livre comment l’Occident historique, relevant un défi qui semblait
138 crasant et qu’il se portait à lui-même, acceptant de « s’enfoncer dans la matière », acceptant les passions et les corps à
139 ues pour l’âme et l’esprit, en a tiré le principe d’ une possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de so
140 en a tiré le principe d’une possible grandeur et d’ une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation
141 andeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous passons au pla
142 écues, métaphysiques et religieuses, l’opposition de l’Orient et de l’Occident revêt une valeur différente, encore que par
143 iques et religieuses, l’opposition de l’Orient et de l’Occident revêt une valeur différente, encore que par sa forme elle
144 lle semble correspondre au tableau que l’on vient d’ établir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas
145 un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrature du cercle ? » Le yogi répondit : « Nous cherch
146 te ainsi ce bref dialogue : « Dans ces deux voies de réalisations de soi, l’une allant du cercle au carré, et l’autre inve
147 dialogue : « Dans ces deux voies de réalisations de soi, l’une allant du cercle au carré, et l’autre inversement, s’expri
148 missions différentes, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est parto
149 érentes, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole
150 arré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la matière, et le cercle — ou la sphère — celui de l’esprit. En sorte
151 e la matière, et le cercle — ou la sphère — celui de l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle est la transformation
152 que la quadrature du cercle est la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisation de l’esprit. Tandis
153 l’esprit en matière, ou encore la matérialisation de l’esprit. Tandis que le passage du carré au cercle figure le retour d
154 ue le passage du carré au cercle figure le retour de la matière à l’esprit. La première opération signifie en termes humai
155 aspects variés. Christ et le Bouddha. — Le Fils de Dieu, incréé, transcendant, entre dans l’immanence et dans l’Histoire
156 et dans l’Histoire, se fait corps matériel, chair d’ enfant pauvre, assume les pires souffrances et finalement en meurt, af
157 ler aux hommes dans leur langage, dans les termes de leur existence, et de les sauver là où ils sont, par la seule foi dan
158 ur langage, dans les termes de leur existence, et de les sauver là où ils sont, par la seule foi dans l’action du pardon,
159 s sont, par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte s
160 seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais prin
161 ans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais princier pour al
162 ardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’ un roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solit
163 l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitude la pl
164 s dénuée, et là découvre que la voie du salut est de refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le Ri
165 es ; car il s’agit en réalité dans le premier cas d’ une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un ess
166 lité dans le premier cas d’une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme v
167 créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’ un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Con
168 de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance.
169 ns l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance. L’Oriental
170 . L’Oriental, tournant le dos au « monde » décide d’ atteindre le salut par tout son moi, mais par son moi seul, détaché, p
171 oi seul, détaché, progressivement illuminé : voie de la connaissance directe de l’Esprit. L’Occidental, tournant le dos au
172 vement illuminé : voie de la connaissance directe de l’Esprit. L’Occidental, tournant le dos au soleil, en lequel il croit
173 u soleil, en lequel il croit sans le voir, décide d’ imiter Dieu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie de l’obéiss
174 eu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie de l’obéissance active dans l’ombre de la foi. Le danger que court l’Ori
175 éation : voie de l’obéissance active dans l’ombre de la foi. Le danger que court l’Oriental, c’est l’ex-carnation trop fac
176 cile. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’ être, la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, po
177 sa raison d’être, la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, pour l’Occidental, c’est l’incarnation tr
178 i-même dans la matière et ses structures, on perd de vue les exigences et la maîtrise des réalités spirituelles.) Vérifie
179 és spirituelles.) Vérifier la Voie : deux formes d’ expérience. Pour l’Hindou, il s’agit d’arriver à la connaissance du di
180 eux formes d’expérience. Pour l’Hindou, il s’agit d’ arriver à la connaissance du divin non par le « saut de la foi », qui
181 iver à la connaissance du divin non par le « saut de la foi », qui ne procure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas
182 on puisse librement parcourir ; mais par le moyen d’ une ascèse soumettant le corps et le mental à l’âme, donc délivrant ce
183 mental à l’âme, donc délivrant celle-ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle aille ve
184 hant ce qu’elle fait. « Ô bien-aimé ! si imprégné de la Connaissance, si détaché, si versé dans la Loi, et si maître de lu
185 e, si détaché, si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la li
186 -anka.) Pour l’Occidental au contraire, il s’agit de connaître Dieu non pas en écartant le monde manifesté, ou bien en se
187 e manifesté, ou bien en se contentant à son sujet d’ intuitions directes et vagues (sur la nature de l’atome, par exemple)
188 et d’intuitions directes et vagues (sur la nature de l’atome, par exemple) qui ne permettent pas de refaire le chemin à vo
189 re de l’atome, par exemple) qui ne permettent pas de refaire le chemin à volonté par l’intellect et par l’action physique,
190 n efficace, afin de mieux pénétrer la Création et d’ en maîtriser le principe. « D’autant plus nous connaissons les choses
191 trer la Création et d’en maîtriser le principe. «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
192 t plus nous connaissons les choses particulières, d’ autant plus nous connaissons Dieu. » (Spinoza) Ainsi se croisent les d
193 outes, et parfois les méfiances. Car chacun pense de l’autre : est-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa
194 -ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même, est-il vraiment réel ? S’identi
195 triser les secrets du cosmos, et peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun
196 les secrets du cosmos, et peut-être demain de la vie , pense l’Oriental, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera t
197 -ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu
198 ar l’autre ne sont en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologies que tout cela ! c) Individu et T
199 et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile de le mettre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’a
200 mettre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’accordent au moins sur ce point, malgré les divergences d
201 ent au moins sur ce point, malgré les divergences de leur vocabulaire, de leur angle de vision ou de leur jugement de vale
202 oint, malgré les divergences de leur vocabulaire, de leur angle de vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose
203 es divergences de leur vocabulaire, de leur angle de vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît
204 s de leur vocabulaire, de leur angle de vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple
205 aire, de leur angle de vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens une
206 y sens une complexité dont j’essaierai maintenant d’ indiquer la nature en rapportant l’observation suivante, faite en Inde
207 ant l’observation suivante, faite en Inde. « Trop de monde partout ! Trois domestiques pour ma simple chambre d’hôtel. Sep
208 artout ! Trois domestiques pour ma simple chambre d’ hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans des boutiques minu
209 e le passage des voitures. Les trottoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et j’ai vu cinq personnes sur une seule bic
210 tiers anciens : celui qui entoure la grande pièce d’ eau sacrée, rectangulaire. Petites rues sinueuses, bordées de maisons
211 e, rectangulaire. Petites rues sinueuses, bordées de maisons étroites, cages d’oiseaux mal superposées. Regards luisants d
212 ues sinueuses, bordées de maisons étroites, cages d’ oiseaux mal superposées. Regards luisants dans la pénombre. Corps tass
213 s recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe d’ hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit
214 ’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plu
215 une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle ni plus s
216 poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle ni plus simplement adorable. Tintements d
217 olennelle ni plus simplement adorable. Tintements de cloches, irréguliers, seuls bruits. Mais ces petits garages, aux port
218 petits garages, aux portes grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’id
219 des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers de verroterie, une femme seule, un homm
220 guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers de verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et d
221 nt l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers de verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans
222 prêtre renouvelle les cierges noirs devant le jet d’ eau grêle. Je pense aux holy men, errant dans les campagnes, ou longue
223 uement assis en tailleur dans leurs niches… Point de culte public en Inde, de liturgie, d’église organisée. L’Hindou gréga
224 dans leurs niches… Point de culte public en Inde, de liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’est seul que devant
225 ches… Point de culte public en Inde, de liturgie, d’ église organisée. L’Hindou grégaire n’est seul que devant le divin. L’
226 st seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’assemble dans l’église où l’on chante des chœurs. Me
227 e dans l’église où l’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de pl
228 ’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de plus véritablement com
229 e dois citer Rudolf Kassner, essayiste autrichien de génie. Personne n’a mieux traduit l’impression qui submerge l’Europée
230 ’Inde, immergé dans la foule indienne. J’ai parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’il fait penser à « collectif 
231 il fait penser à « collectif », à je ne sais quoi d’ organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offr
232 à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’ encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offre ce mot : le
233 centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’ ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contradiction. 
234 mme magique, le corps magique n’a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu d
235 ’il n’a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu de sensibilité au sens du xviiie siècle, de souci moralisateur ou d’esp
236 épourvu de sensibilité au sens du xviiie siècle, de souci moralisateur ou d’esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité
237 sens du xviiie siècle, de souci moralisateur ou d’ esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité, il ne peut avoir cure n
238 , ignorant la curiosité, il ne peut avoir cure ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’une
239 ne peut avoir cure ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage.
240 e ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’ un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage. « On peut aller
241 stincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’ une personnalité ni d’un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre cec
242 ce, ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’ un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci : les contradictions
243 rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint, co
244 inexprimable, au sein de laquelle nos conceptions de liberté, action, de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de
245 n de laquelle nos conceptions de liberté, action, de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magiq
246 os conceptions de liberté, action, de personne et d’ histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme
247 rté, action, de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et
248 de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et tout-engloban
249 ntradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en
250 ou dissension, et ne cessent de refaire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du
251 faire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être qu
252 a voie consiste à libérer progressivement une âme de l’illusion d’être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition 
253 e à libérer progressivement une âme de l’illusion d’ être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme o
254  : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de
255 Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sank
256 aît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’on pense, s
257 et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhi
258 pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que
259 distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ;
260 ns les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par suite de p
261 ’évanouit ; il n’est pas de dialogue possible, ni d’ appel, ni donc de vocation, ni par suite de personne. De là découle un
262 est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par suite de personne. De là découle un monde de conséqu
263 l, ni donc de vocation, ni par suite de personne. De là découle un monde de conséquences précises, — un monde, littéraleme
264 ni par suite de personne. De là découle un monde de conséquences précises, — un monde, littéralement, comme j’espère le m
265 me j’espère le montrer. Revenons à la déclaration de Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune
266 déclaration de Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeliez Toi o
267 i. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitude religieuse orientale. Car il est bien certain que l’identi
268 vacue l’existence personnelle, et que la négation de la personne postule la suppression de la différence entre le Toi divi
269 la négation de la personne postule la suppression de la différence entre le Toi divin et le moi de l’homme. En revanche, l
270 ion de la différence entre le Toi divin et le moi de l’homme. En revanche, l’Occident s’atteste et s’actualise là où la di
271 magique. Yin yang Dans le symbole central de la pensée chinoise (le cercle divisé par un grand S qui représente la
272 si montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste présent dans la r
273 yang. Vérifiée par les sexologues, cette relation d’ inter-présence des opposés n’est pas moins évidente dans les zones res
274 est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occident. Qui voudrait nier, par exemple, qu’il y ai
275 vidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occident. Qui voudrait nier, par exemple, qu’il y ait en Occident d
276 udrait nier, par exemple, qu’il y ait en Occident de grands spirituels, ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne
277 qu’il y ait en Occident de grands spirituels, ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l
278 s physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankar
279 ns en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankara parfois
280 n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankara parfois préfigure le thomisme, et il
281 figure le thomisme, et il arrive à Maître Eckhart de s’exprimer comme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’ac
282 omme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’action, le quiétisme celui de la passivité. Les plus grands mystiqu
283 Gita fait l’éloge de l’action, le quiétisme celui de la passivité. Les plus grands mystiques de l’Europe ont pu se voir ac
284 celui de la passivité. Les plus grands mystiques de l’Europe ont pu se voir accuser d’athéisme sur la foi de leurs ultime
285 ands mystiques de l’Europe ont pu se voir accuser d’ athéisme sur la foi de leurs ultimes conclusions (condamnées et souven
286 rope ont pu se voir accuser d’athéisme sur la foi de leurs ultimes conclusions (condamnées et souvent détruites), tandis q
287 et souvent détruites), tandis qu’il ne manque pas d’ écoles hindoues pour affirmer la réalité du Moi, l’action de la Grâce,
288 indoues pour affirmer la réalité du Moi, l’action de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie » ou « loi ind
289 tion de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie » ou « loi individuelle » (Svadharma) semble rappeler l’idé
290 individuelle » (Svadharma) semble rappeler l’idée de vocation personnelle, tandis que nous inventons le collectivisme… Et
291 inventons le collectivisme… Et l’on aura beau jeu de m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies
292 ma thèse des deux Voies. À quelle école mystique de l’hindouisme appartient l’auteur de cette phrase : « Écarte les chose
293 cole mystique de l’hindouisme appartient l’auteur de cette phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ? De
294 Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il faut que tu aime
295 sonne, non-Image, … un Un pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’
296 ns lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’ un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien
297 é tout attachement » et s’être engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans l’action, gardant un
298 t pourtant il serait faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». La partie blanche contient un cer
299 aut un homme ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont
300 œurs, en Occident. Ils se fondent sur la négation de nos croyances communes, et de nos institutions. Ils représentent le p
301 ent sur la négation de nos croyances communes, et de nos institutions. Ils représentent le point d’Orient dans notre sphèr
302 et de nos institutions. Ils représentent le point d’ Orient dans notre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas d’Églis
303 otre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas d’ Églises. La Bible et les Vedas n’ont vraiment rien de commun, et l’usa
304 glises. La Bible et les Vedas n’ont vraiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’est pas du tout le même. La foule
305 qu’on en fait n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu re
306 t le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les siens, qu’ils se
307 nse à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas d’ effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. M
308 Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. Mais c’est sans dout
309 dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. Mais c’est sans doute lorsqu’on se pose la question : que v
310 qu’on obtient les réponses les plus révélatrices de l’Orient et de l’Occident, et rien n’illustre mieux la divergence rée
311 les réponses les plus révélatrices de l’Orient et de l’Occident, et rien n’illustre mieux la divergence réelle des résulta
312 tre où il décrit le corps magique : Une histoire d’ Hérodote traite d’un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il
313 e corps magique : Une histoire d’Hérodote traite d’ un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour X
314 dote traite d’un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement
315 fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement de la campagne contre les Grecs, demande au roi cette faveur : exempter
316 les Grecs, demande au roi cette faveur : exempter de la guerre un de ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à
317 de au roi cette faveur : exempter de la guerre un de ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à mort ce seul fi
318 s et couper le corps en deux moitiés dans le sens de la longueur. Et entre ces deux moitiés sectionnées depuis la tête jus
319 nées depuis la tête jusqu’au sexe, comme le corps d’ un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileron
320 a tête jusqu’au sexe, comme le corps d’un bœuf ou d’ un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront les armées
321 comme le corps d’un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’ un boucher, au beau milieu défileront les armées qui marchent contre l
322 en deux. Ce qui manque ici, c’est l’idée grecque de mesure et, en liaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée de l
323 recque de mesure et, en liaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée de son
324 iaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon secon
325 lle, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon second exemple, es
326 le l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Er
327 ité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’homme avec le libre arbi
328 er dans ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense de la personne, du destin, ce qu’il proclame moral ou immoral, son attit
329 ts et gestes. Ceci vaut surtout du cas qu’il fait de la vie même. Lorsqu’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d
330 gestes. Ceci vaut surtout du cas qu’il fait de la vie même. Lorsqu’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d’Arméni
331 u’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d’ Arménie, toucha le territoire des Assassins, leur grand-maître lui fit
332 x. Ils arrivèrent devant une place forte flanquée de très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction
333 nquée de très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’elles. Le grand maître voulut
334 urs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’ elles. Le grand maître voulut faire voir au comte que les siens lui ob
335 sol rocheux. Puis il demanda au comte s’il devait d’ un second signe livrer à la mort toute la garde des créneaux ; l’autre
336 ort toute la garde des créneaux ; l’autre le pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses
337 ire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses vassaux une telle docilité […]. Et chaque Européen éprouvera ici
338 acrifice, ordre et discipline, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte au cœur. Cette h
339 ine, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’ un monde étranger lui monte au cœur. Cette horreur saisira toujours ce
340 a toujours celui qui respecte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y pas
341 me un noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naî
342 trainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’e
343 tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’est pas moins significative, pour notr
344 blissent la même liaison entre le peu de cas fait de la vie humaine, et la négation de la personne, ou simplement de l’ind
345 nt la même liaison entre le peu de cas fait de la vie humaine, et la négation de la personne, ou simplement de l’individual
346 peu de cas fait de la vie humaine, et la négation de la personne, ou simplement de l’individualité. Pour tous les deux, la
347 ine, et la négation de la personne, ou simplement de l’individualité. Pour tous les deux, la liberté de l’homme a pour con
348 e l’individualité. Pour tous les deux, la liberté de l’homme a pour condition la personne. On dira que l’Occident a fait l
349 es à gaz, tandis que l’Orient professe un respect de la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pourtant, l’ad
350 az, tandis que l’Orient professe un respect de la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pourtant, l’adoration
351 ofesse un respect de la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pourtant, l’adoration de la vie en général n’e
352 s de détruire la vermine13. Pourtant, l’adoration de la vie en général n’entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bha
353 étruire la vermine13. Pourtant, l’adoration de la vie en général n’entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bhagavad-G
354 on de la vie en général n’entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a rien de bouddhique, enseign
355 la vie en général n’entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a rien de bouddhique, enseigne que l
356 de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a rien de bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’est vra
357 nches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de fois. La méte
358 ’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de fois. La métempsycose évacue
359 nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de fois. La métempsycose évacue les sanctions redoutées de la résurrecti
360 s. La métempsycose évacue les sanctions redoutées de la résurrection : le martyr qui revient, portant sa tête sous le bras
361 ient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en est-il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur de la
362 t ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur de la personne dans chaque individu, n’en a pas moins connu les tortures
363 eligieux). Elle a même inventé la guerre totale ! D’ où provient alors cette « horreur » et ce « plus violent des refus » q
364 au contraire, notre foi nous condamne. La cruauté de l’Oriental est fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans
365 . Il y a des différences. Et mon propos n’est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaisons tourn
366 lecteur à des comparaisons tournant à l’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte
367 des comparaisons tournant à l’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ce
368 de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. I
369 l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. Il y a seuleme
370 seulement deux expériences globales qu’il importe de déchiffrer. Mais l’infinie complexité de leurs données nous oblige à
371 importe de déchiffrer. Mais l’infinie complexité de leurs données nous oblige à n’examiner que des prises partielles et t
372 ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est-ce pas là que l’irritante question de la « supérior
373 férence. N’est-ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et de fai
374 là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et de fait perd sa pointe, puis
375 a « supériorité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et de fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas d’éléments
376 ité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et de fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas d’éléments mesurables,
377 de fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas d’ éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou d
378 éments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je cherchais à cerner le
379 , comme ce serait le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je cherchais à cerner les options primord
380 premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs antécédents, ou qu’au contraire elles initient l’histoire, t
381 nitient l’histoire, tout cela m’importe moins que de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’un contraste assez simpl
382 la m’importe moins que de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’un contraste assez simple entre deux conceptions de
383 que de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’ un contraste assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses
384 ’un contraste assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses fins, celle dont les conséquences ont formé l’Occid
385 assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses fins, celle dont les conséquences ont formé l’Occident. 1. L’O
386 testants européens, qui conçoit Dieu comme le Toi de l’homme ; et l’Asie par ceux des systèmes philosophiques et religieux
387 par ceux des systèmes philosophiques et religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’est autre que le Je pleinement ré
388 des auteurs modernes qui se réclament en Occident de la « pensée traditionnelle ». Ces utopistes à rebours projettent dans
389 s projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’ être vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sud
390 hors-castes étant les « résistants » au processus d’ intégration sociale. 4. Il y a peut-être en Inde autant d’idoles que
391 tion sociale. 4. Il y a peut-être en Inde autant d’ idoles que d’habitants, si l’on songe que le nombre des dieux connus d
392 4. Il y a peut-être en Inde autant d’idoles que d’ habitants, si l’on songe que le nombre des dieux connus du panthéon hi
393 chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde de représenter l’Orient, l’Europe chrétienne figurant l’Occident. Il y a
394 ’Europe chrétienne figurant l’Occident. Il y a là de l’arbitraire, mais comment y échapper sans brouiller le dessin de cet
395 mais comment y échapper sans brouiller le dessin de cet ouvrage ? Voici maintenant quelques raisons qui justifient le pro
396 de a joué en Asie un rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’est issu le bouddhisme
397 comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’est issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tib
398 r ensuite en Amérique du Nord. À la confrontation de l’Europe et de l’Inde qui garde une signification centrale, pourrait
399 érique du Nord. À la confrontation de l’Europe et de l’Inde qui garde une signification centrale, pourrait répondre la con
400 tion centrale, pourrait répondre la confrontation de l’Extrême-Occident et de l’Extrême-Orient, représentés par deux forme
401 épondre la confrontation de l’Extrême-Occident et de l’Extrême-Orient, représentés par deux formes « hérétiques » de la re
402 rient, représentés par deux formes « hérétiques » de la religion initiale : le moralisme américain et le bouddhisme zen, t
403 est vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s’esquisser qu’à partir du xixe siècle ; la secon
404 onde s’opère sous nos yeux, provoquée par le choc de la guerre entre le Japon et les États-Unis. 6. Cf. Henry Corbin, Avi
405 même auteur : Œuvres philosophiques et mystiques de Sohrawardi, tome 1, Téhéran, 1952. On y trouvera le texte des deux ré
406 le texte des deux récits que je mentionne. Celui d’ Avicenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : R
407 je mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit d’ Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l
408 cenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l’âme. Le premier date du
409 it d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l’âme. Le premier date du xe siècle, le second
410 Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l’âme. Le premier date du xe siècle, le second du xiie siècle. 7.
411 r Orient n’est pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de certaines traditions coraniques. 8. Je
412 la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de certaines traditions coraniques. 8. Je pense à Parménide et à Platon
413 intains disciples cathares et « courtois », à Pic de la Mirandole, à Jacob Boehme, aux romantiques allemands philosophes,
414 n avenue l’innovation individuelle, et que le but de la recherche humaine ne peut pas être le progrès ou l’invention, mais
415 du chercheur avec un Objet que l’on situe au-delà de tout changement possible. 11. Rudolf Kassner : Buch der Erinnerung.
416 a rendre inoffensive en la gorgeant du sang impur d’ un domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fai
417 abondamment piquer par poux et puces, dispensant de la sorte son maître d’avoir à tuer ces insectes. (Anecdote citée par
418 poux et puces, dispensant de la sorte son maître d’ avoir à tuer ces insectes. (Anecdote citée par R. Kassner, op. cit.)
419 ée par R. Kassner, op. cit.) a. Rougemont Denis de , « La voie et l’aventure », La Table ronde, Paris, janvier 1957, p. 9
420 anvier 1957, p. 9-22. b. Il s’agit du chapitre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera publié chez Albin Miche
421 l s’agit du chapitre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera publié chez Albin Michel en février 1957.
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
422 De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de
423 De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner
424 e à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
425 litique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
426 n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
427 e direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
428 x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
429 e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
430 uve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
431 , mais si difficilement au regard des Autres. Vue de dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous vivons la définit
432 sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
433 ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
434 de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
435 commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’ écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
436 ’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
437 que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’ emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
438 avec le plus d’emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
439 a nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
440 siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
441 pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
442 e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’ insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
443 ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement de ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
444 trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes
445 nion nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
446 (Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’arg
447 le pas ici de politique, mais seulement de formes d’ esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des
448 e politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes s
449 ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’ évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, inv
450 s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
451 ’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
452 gument, précisément, n’est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
453 n de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemands et
454 ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
455 édois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’ histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
456 e parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
457 ent toute union politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais : 1°
458 nion politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais : 1° les différe
459 e assise à cette union. Mais : 1° les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
460 cette union. Mais : 1° les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
461 Mais : 1° les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
462 différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
463 langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
464 rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
465 tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
466 Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas p
467 pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas plus que cette
468 ification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas plus que cette unification, d’a
469 supprimé ces différences. (Encore que les écoles d’ État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
470 s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
471 e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’ un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
472 européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
473 l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
474 alement imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
475 , et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
476 -plan millénaire sur lequel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
477 uel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
478 et historique, car ses frontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
479 re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’ Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
480 udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’ union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
481 t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a de sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
482 . Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet d’ un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
483 ues devient chez les écrivains libres une méthode d’ obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
484 ’obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’ une définition historique et géographique, occasion de discours permet
485 e définition historique et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
486 et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
487 ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
488 valent du procédé parlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
489 us les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur d’ une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
490 dant que j’écris14. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
491 oulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
492 es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne s
493 du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
494 e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
495 e raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
496 te alliance excluait à peu près les neuf dixièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe Auguste exc
497 ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’ avant Philippe Auguste excluait la Bretagne, l’Alsace, le Languedoc, l
498 re correspondre au réel, car il s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
499 l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
500 r sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
501 le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
502 ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté de sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
503 a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
504 affrontent inutilement je le crains, car il en va d’ une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
505 nt je le crains, car il en va d’une civilisation, d’ une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
506 l en va d’une civilisation, d’une culture et même d’ une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
507 ne culture et même d’une nation, à peu près comme d’ une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
508 à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
509 an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où fut écrite sa première page, posée sa première touche,
510 mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
511 noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’ une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
512 chemin du travail entrepris, qui a soudain changé de sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
513 ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
514 epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’ une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
515 e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
516 invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
517 s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
518 peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
519 et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’un usage bien plus an
520 de leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’ un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la bataille
521 ge bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
522 cien : il paraît déjà au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
523 ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’ un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
524 œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique d’ Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
525 chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’ Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
526 . L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
527 pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’ un sentiment nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’une enti
528 nt nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’ une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
529 s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
530 encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
531 anistes commencent à distinguer les deux concepts de christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
532 distinguer les deux concepts de christianitas et d’ Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
533 tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’ un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
534 homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’ Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
535 Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam de Mahomet II, c
536 II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
537 islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
538 homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
539 la fortune que devait connaître cette définition de l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
540 poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
541 ’elle implique sur la réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’une vraie culture européenne, en arguant non seule
542 a réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’ une vraie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une pa
543 raie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
544 ne pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
545 re est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
546 définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
547 ments prennent toute leur force contre le concept de cultures nationales, apparu au xixe siècle. Qu’as-tu que tu n’aies r
548 ’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
549 encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie de leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
550 es limites accidentelles et souvent fort récentes d’ un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
551 mites accidentelles et souvent fort récentes d’un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
552 premier coup que les réalités décisives ont cessé d’ être nationales au xxe siècle ? Notre économie, nos techniques, se dé
553 en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir de les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique on a
554 s que nos ci-devant grandes puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
555 es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
556 ée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
557 ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
558 nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
559 nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
560 confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’ émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
561 s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’ orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
562 et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
563 pirituel, culturel et politique, dans les limites d’ un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
564 s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’ une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
565 itaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup d’ intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
566 ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
567 s’obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forêt. (Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est née
568 ’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’ arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
569 st vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule en
570 stes qu’une Europe fédérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en sacrifierait que l’
571 dérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en sacrifierait que l’illusoire, j’entends
572 erait seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui es
573 que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
574 : la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’ un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
575 vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’ un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
576 l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
577 nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’ une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
578 … Tout cela suppose le développement ou le réveil d’ un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
579 trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’ appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
580 ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
581 mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait de culture au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à cet
582 fait de culture au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
583 nscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale, et
584 munauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale, et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la
585 ondition nécessaire de l’union supranationale, et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
586 qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
587 sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’ un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
588 i par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
589 ar son cadre institutionnel, mais par un style de vie , un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’a
590 titutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
591 système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
592 au rapport entre forme et contenu. Une politique d’ union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
593 ent possible que s’il y a tout d’abord communauté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
594 auté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’ unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
595 exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
596 , nos diversités constituent le ressort principal de notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
597 que, toujours risqué, cet art empirique et subtil de louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
598 e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret de la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
599 itique se joignent dans la seule et même exigence d’ une union fédérale de nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel
600 ns la seule et même exigence d’une union fédérale de nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel », La Table ronde, j
601 ors du réel », La Table ronde, janvier 1957. 15. D’ une lettre que m’écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence
602 enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’ une communication au 10e Congrès international des sciences historique
603 ques, Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis de , « De l’unité de culture à l’union politique », La Table ronde, Paris
604 Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis de, «  De l’unité de culture à l’union politique », La Table ronde, Paris, mai
605 mbre 1955). c. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à l’union politique », La Table ronde, Paris, mai 1957, p. 10
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
606 , le Droit, et Romain Rolland, que pour triompher d’ un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce q
607 l auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très
608 s rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seule
609 acte où M. Berl lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensen
610 toire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensent néanmoins que l’Europe reste à « faire » ;
611 x — si d’abord on nie qu’elle existe comme entité de culture et Aventure unique. Je ne pense pas avoir recommandé l’impost
612 s affamés » ? Je demandais simplement qu’on cesse de mettre en doute l’existence même de cette Europe qu’il faut sauver.
613 t qu’on cesse de mettre en doute l’existence même de cette Europe qu’il faut sauver. d. Rougemont Denis de, « [Lettre e
614 e Europe qu’il faut sauver. d. Rougemont Denis de , « [Lettre en réponse à Emmanuel Berl] », La Table ronde, Paris, mai
615 ris, mai 1957. e. Introduit par la note suivante de l’éditeur : « En réponse au post-scriptum d’Emmanuel Berl, que nous l
616 ante de l’éditeur : « En réponse au post-scriptum d’ Emmanuel Berl, que nous lui avons fait parvenir avant publication, Den
617 me numéro où paraissait l’article de Rougemont, «  De l’unité de culture à l’union politique », Emmanuel Berl, pris à part
618 ù paraissait l’article de Rougemont, « De l’unité de culture à l’union politique », Emmanuel Berl, pris à part dans le tex
619 r » par ce post-scriptum : « Je sentais l’urgence de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une
620 une Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date de sa naissance. En effet. Mais on a généralement su où était, ce que fa
621 e. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille de Stalingrad avec Staline ou avec Hitler ? Et, auparavant, avec ceux qu
622 g, avec Napoléon ou contre lui ? Il ne suffit pas d’ ignorer quand une personne est née pour avoir la certitude qu’elle vit
623 er, et même sans accepter une Europe qui naîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! s
624 une Europe qui naîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! si elle rétablit la concord
625 avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au tac à Kh
626 ires européennes qu’ils oublient les motifs mêmes de leur engagement. Tels les philanthropes de Octave Mirbeau qui, pour d
627 mêmes de leur engagement. Tels les philanthropes de Octave Mirbeau qui, pour défendre leur “œuvre” accablaient et exploit
628 stice, ni contre la paix. Libre à M. de Rougemont de hausser les épaules et de répondre : “Tout cela n’a de sens que pour
629 Libre à M. de Rougemont de hausser les épaules et de répondre : “Tout cela n’a de sens que pour les professeurs.” Le menso
630 usser les épaules et de répondre : “Tout cela n’a de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fût-c
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
631 fin du pessimisme (juin 1957)f Le fameux sens de l’histoire, argument numéro 1 de la séduction progressiste, paraissai
632 Le fameux sens de l’histoire, argument numéro 1 de la séduction progressiste, paraissait avoir mis une fois pour toutes
633 ilière ; voilà qu’il se détourne horrifié et vire de bord, aux accents de la Marseillaise, en direction de 1848. (André F
634 se détourne horrifié et vire de bord, aux accents de la Marseillaise, en direction de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au
635 ord, aux accents de la Marseillaise, en direction de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au lendemain de la révolution hongr
636 de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au lendemain de la révolution hongroise.) Cinquante ans d’analyses pessimistes de not
637 demain de la révolution hongroise.) Cinquante ans d’ analyses pessimistes de notre société et de son destin ont culminé dan
638 hongroise.) Cinquante ans d’analyses pessimistes de notre société et de son destin ont culminé dans l’utopie de George Or
639 te ans d’analyses pessimistes de notre société et de son destin ont culminé dans l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut
640 ociété et de son destin ont culminé dans l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut d’abord ce titre subversif à l’aube du s
641 if à l’aube du siècle : Les Illusions du progrès, de Georges Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant un supplémen
642 n se mit à citer Bergson, réclamant un supplément d’ âme pour ce corps subitement agrandi, le monde technique. Deux guerres
643 ique. Deux guerres mondiales, ruinant le prestige de l’Europe et sa puissance, trois révolutions portant au pouvoir des ty
644 e ce fut assez pour justifier le scepticisme amer de nos élites à l’égard de l’idée de progrès. Croire « encore » au progr
645 cepticisme amer de nos élites à l’égard de l’idée de progrès. Croire « encore » au progrès disqualifiait son homme, et l’i
646 rès disqualifiait son homme, et l’idée s’empressa d’ émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs de l’Europe, à peu prè
647 d’émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs de l’Europe, à peu près unanimes, entrèrent en dissidence et se mirent à
648 tivement ou cyniquement, au nom de la réaction ou de la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit
649 de la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’ une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison d
650 ution, ils ne nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d
651 nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’ une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde san
652 plus que d’une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la Fra
653 Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’ une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les
654 cadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’ un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contr
655 , d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contre l’homme, de l’homme
656 n Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contre l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin des
657 contre les robots, de la machine contre l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout.
658 chine contre l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain e
659 l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes de C
660 ntre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes de Chaplin, la
661 L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes de Chaplin, la métaphysique pure et les clichés primaires, les dénonciat
662 ne sans précédent, un asservissement sans recours de l’homme aux puissances anonymes, la machine, la police et l’État. Orw
663 dre à l’Europe de l’Ouest, à supprimer le facteur de résistance humaine, à désespérer d’une manière exemplaire — convainqu
664 er le facteur de résistance humaine, à désespérer d’ une manière exemplaire — convainquant les lecteurs qu’il voulait révol
665 prême. Et Kafka n’était plus que le Jean-Baptiste d’ une sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission
666 fka n’était plus que le Jean-Baptiste d’une sorte d’ Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission fatale. Les
667 sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’ une démission fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie
668 se nouvelle » d’une démission fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie et la révolution de Budapest ont re
669 sion fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie et la révolution de Budapest ont renversé le cours de cette
670 oznań, la résistance de Varsovie et la révolution de Budapest ont renversé le cours de cette immense dérive et restauré d’
671 t la révolution de Budapest ont renversé le cours de cette immense dérive et restauré d’un coup l’espoir. La nature humain
672 ersé le cours de cette immense dérive et restauré d’ un coup l’espoir. La nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans
673 qui n’avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs de résistance à Big Brother, niés par Orwell, ont éclaté dans les rues d
674 rother, niés par Orwell, ont éclaté dans les rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer un sens positif à la
675 ont éclaté dans les rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’
676 es rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’ imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’est attestée dans
677 de revendiquer et d’imposer un sens positif à la vie , niée par Kafka, s’est attestée dans le soulèvement des écrivains uni
678 des ouvriers unis aux étudiants. L’intelligentsia de l’Ouest voyait venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’Est
679 yait venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’Est lui répond Quarante-huit. C’est quatre-vingt-quatre inversé. Ja
680 e inversé. Jamais chiffres ne furent plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui compte en Europe,
681 fres ne furent plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle
682 à la fois, sous peine de ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde conna
683 s. On pourrait m’objecter Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’est-ce pas
684 r Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919
685 ère » ? On pourrait m’objecter Claudel, optimiste de style baroque et fonctionnaire du premier rang ; mais sa phrase est p
686 pour tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure d’ un défi. On pourrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement il a
687 il en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’ une manière encore plus évidente, soit qu’ils attaquent avec acharneme
688 e aussi, fût-ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moderne. À partir de 1919, les influences dom
689 dominantes sur nos élites créatrices sont celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remar
690 r nos élites créatrices sont celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce
691 créatrices sont celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait
692 elles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait retenu du précéde
693 onc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bour
694 s, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bourgeoisie. C’est e
695 ancêtres. Et c’est elle aujourd’hui qui est prise d’ angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui croit au
696 le progrès. C’est elle enfin qui cède au vertige de l’histoire, s’imagine que son heure est passée, que le Prolétariat do
697 vrai malgré lui. Curieux pouvoir des pessimistes de l’autre siècle sur les héritiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du
698 s pessimistes de l’autre siècle sur les héritiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du xixe fut optimiste en dépit des so
699 le travail l’enrichissait. Aujourd’hui, l’ouvrier d’ usine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la techn
700 hui, l’ouvrier d’usine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la
701 un peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la chaîne. Mais c’est le bourgeois qui en vient alors à craindre le r
702 rable des machines, et qui conçoit, avec cent ans de retard, un pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculair
703 laire entre la conscience et le réel, naît l’idée d’ une pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal d
704 et le réel, naît l’idée d’une pensée impuissante, d’ une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Bro
705 pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’ un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J
706 nte, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’ai tu jusqu’ici
707 ms, qui dominent pourtant ce tableau. L’influence de Marx et de Freud sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de
708 inent pourtant ce tableau. L’influence de Marx et de Freud sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de loin la co
709 e de Marx et de Freud sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de loin la conscience qu’elles en ont, la connaiss
710 sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de loin la conscience qu’elles en ont, la connaissance qu’elles ont pu p
711 onnaissance qu’elles ont pu prendre du Capital ou de la Science des rêves, et les jugements qu’elles avoueraient à leur su
712 peu sadique. Ce succès n’est pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’intention polémique qui di
713 dirigea leur entreprise, et qui imposa leur angle de vision même à ceux qui refusaient leurs thèses ou contestaient leurs
714 s arguments. Il s’agit, au plein sens des termes, d’ un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des ta
715 Il s’agit, au plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bou
716 u plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’ un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bourgeoisie du x
717 , d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’ un renversement des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdi
718 ment des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’ interdit deux sujets dans les conversations de la table de famille ou
719 ait d’interdit deux sujets dans les conversations de la table de famille ou des salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent.
720 it deux sujets dans les conversations de la table de famille ou des salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent. Tout devait
721 ient le Sexe et l’Argent. Tout devait avoir l’air de se passer dans le monde comme si ces choses n’existaient pas. Les gra
722 enfants naissaient dans les choux, et le langage d’ un homme tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) re
723 s intimes) restait prude. Subitement Marx attaque de sa voix grasseyante : parlons d’argent, c’est le secret du drame soci
724 ent Marx attaque de sa voix grasseyante : parlons d’ argent, c’est le secret du drame social. Mais Freud un peu plus tard :
725 t le secret du drame individuel. Et voilà le choc de la reconnaissance, l’illumination fulgurante, l’illusion que le facte
726 es. Appliquer l’analyse marxiste au milieu social de Freud, la psychanalyse au cas individuel de Marx, les critères freudi
727 ocial de Freud, la psychanalyse au cas individuel de Marx, les critères freudiens et marxistes à la Bourgeoisie même et au
728 Bourgeoisie même et au Prolétariat (cette figure de terreur longtemps refoulée dans l’inconscient de la Société) — tout c
729 de terreur longtemps refoulée dans l’inconscient de la Société) — tout cela met en lumière l’intention polémique qui anim
730 mes, sans doute, méritèrent à ce point qu’on dise d’ eux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens de l’expression. Qu
731 ux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens de l’expression. Que Freud soit dépassé dans son propre domaine, et surt
732 omaine, et surtout débordé par le retour en force de réalités religieuses qu’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx
733 de réalités religieuses qu’il tenait pour autant d’ illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf d
734 , se voient aujourd’hui démentis. L’élargissement de la conscience humaine aux dimensions de la planète fait apparaître la
735 gissement de la conscience humaine aux dimensions de la planète fait apparaître la psyché du monde bourgeois (seule étudié
736 s l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’ un Staline, son long règne et sa chute posthume, les grandes explosion
737 plosions libertaires du « Printemps » polonais et de l’Octobre hongrois, enfin l’essor libérateur de la technique dans les
738 t de l’Octobre hongrois, enfin l’essor libérateur de la technique dans les régimes capitalistes avancés, tout échappe à la
739 capitalistes avancés, tout échappe à la prévision de la fameuse dialectique marxiste. Toujours prônée par ses disciples co
740 ts, en est réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes impo
741 des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes importés », la dialectique n’est p
742  » comme eût dit Marx lui-même, et le « mouvement de l’histoire » un mauvais alibi pour nos démissions personnelles. Le dr
743 alibi pour nos démissions personnelles. Le droit d’ opposition redevient créateur. Et la question n’est plus de supputer l
744 ion redevient créateur. Et la question n’est plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la faire. L’u
745 ion n’est plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la faire. L’utopie masochiste d’Orwell prolongea
746 pputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la faire. L’utopie masochiste d’Orwell prolongeait le cauchemar stal
747 ’Histoire, mais de la faire. L’utopie masochiste d’ Orwell prolongeait le cauchemar stalinien, l’épurait, si j’ose dire, l
748 Tout portait l’intelligentsia à confondre ce rêve d’ angoisse avec notre avenir historique, à tenir cette logique démente p
749 que, à tenir cette logique démente pour l’annonce d’ une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une r
750 r l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’ un « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvé
751 A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’ une révolution écrasée, d’une révolte larvée de la jeunesse russe elle
752 n « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’ une révolte larvée de la jeunesse russe elle-même, pour briser le cour
753 e, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvée de la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours de cette fatalité e
754 la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours de cette fatalité et pour renverser nos destins ? Le traumatisme provoqu
755 URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’ un renouveau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauc
756 -il pas créé l’illusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serai
757 illusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’ un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait, en fin de co
758 lité ? On pourrait s’inquiéter si d’autres séries de faits, indépendants d’ailleurs des récents événements de l’Est, ne ve
759 s, indépendants d’ailleurs des récents événements de l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa
760 ettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en est-il de l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes assombriss
761 ers le triomphe du plan total, ordonnant toute la vie au service de l’État. Un certain déterminisme historique faisait prév
762 du plan total, ordonnant toute la vie au service de l’État. Un certain déterminisme historique faisait prévoir la « décad
763 minisme historique faisait prévoir la « décadence de l’Occident » et considérait comme fatal l’écrasement de l’Europe entr
764 ccident » et considérait comme fatal l’écrasement de l’Europe entre les blocs. Un certain déterminisme technologique, enfi
765 évèle une tendance générale au réveil des valeurs de liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS est l’avenir… » — L’
766  L’URSS est l’avenir… » — L’URSS était le paradis de la classe ouvrière, les USA le dernier bastion du capitalisme exploit
767 les USA se voyaient condamnés par le « mouvement de l’histoire ». Telle était la religion des « progressistes ». Voyons l
768 s marxistes mais les jette dans des crises aiguës de dialectique. Ils le jugent grossièrement matérialiste, et au surplus
769 jugent grossièrement matérialiste, et au surplus de mauvaise foi. Plus finement, Bertrand de Jouvenel, comparant les écon
770 uvenel, comparant les économies des États-Unis et de l’URSS, a montré que l’entreprise communiste n’apporte rien qui la di
771 e n’apporte rien qui la distingue essentiellement de l’entreprise capitaliste dans son développement historique, mais qu’a
772 e définie par la remise au travailleur des fruits de son travail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres e
773 l’URSS est l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’avenir, qui s’essouffle à rejoindre un « passé »
774  », répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’ avenir, qui s’essouffle à rejoindre un « passé » rituellement dénoncé
775 es prospectus publicitaires vantant les bienfaits de la cure, on se contente d’en vérifier les résultats, on voit que le p
776 vantant les bienfaits de la cure, on se contente d’ en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’Ouest, le se
777 ue le progrès est à l’Ouest, le servage et la loi d’ airain à l’Est, et qu’une classe ouvrière mieux informée qu’endoctriné
778 ieux informée qu’endoctrinée, si elle a à choisir d’ émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’ont fait la plupart d
779 ouvriers hongrois réfugiés en Autriche et libres de parler. Il n’en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, a
780 ibres de parler. Il n’en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’UR
781 cinq États « souverains » — incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à des parta
782 ent vers l’union fédérale, déclenché au lendemain de la guerre par les congrès de Montreux et de La Haye, a produit le Con
783 clenché au lendemain de la guerre par les congrès de Montreux et de La Haye, a produit le Conseil de l’Europe, CECA, le Ma
784 emain de la guerre par les congrès de Montreux et de La Haye, a produit le Conseil de l’Europe, CECA, le Marché commun et
785 e dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre san
786 mble, et ils commencent à le savoir. 330 millions d’ habitants à l’ouest du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’
787 oir. 330 millions d’habitants à l’ouest du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’Est, feraient un ensemble supéri
788 ns additionnés. Je ne parle que des chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’un Spengler, ou les spécu
789 non de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’ un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’un Toynbee, inspirées p
790 es d’un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’ un Toynbee, inspirées par l’idée mythique d’Évolution, — on monte, on
791 antes d’un Toynbee, inspirées par l’idée mythique d’ Évolution, — on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on m
792 lement — se verront démenties par le nouvel essor d’ une Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est une autre prophétie,
793 t une autre prophétie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui fut quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère d
794 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse.
795 plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’une Évolu
796 de nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’ une courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’un processus di
797 ous en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’ une Évolution bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont un Part
798 courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’ un processus dialectique, dont un Parti qu’on connaît trop tire les fi
799 rti qu’on connaît trop tire les ficelles. Cessons de chercher le sens de l’Histoire, alibi du refus de notre vocation ; ap
800 op tire les ficelles. Cessons de chercher le sens de l’Histoire, alibi du refus de notre vocation ; apprenons à le décider
801 de chercher le sens de l’Histoire, alibi du refus de notre vocation ; apprenons à le décider. Troisième illusion fatalist
802 ègne des robots. » — Les machines envahissent nos vies , nous allons devenir leurs esclaves. Elles asservissent déjà nos corp
803 t déjà nos corps, dictent nos gestes et le rythme de nos journées. Encore un peu, et les cerveaux électroniques dicteront
804 miner nos existences disciplinées. C’en sera fait de la liberté, et du droit d’hésiter, d’errer… Les savants, apprentis so
805 linées. C’en sera fait de la liberté, et du droit d’ hésiter, d’errer… Les savants, apprentis sorciers, ont déchaîné dans l
806 n sera fait de la liberté, et du droit d’hésiter, d’ errer… Les savants, apprentis sorciers, ont déchaîné dans le monde des
807 est faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement prise à la lettre, et donc fautive. Les machines e
808 re, et donc fautive. Les machines envahissent nos vies  ? Si seulement ! Car elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n
809 trée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire,
810 e m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire, dans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous
811 pagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez de l’esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’un appareil, pren
812 Vous n’êtes donc pas l’esclave du téléphone, mais de votre seule curiosité. Le règne des machines, à vous entendre, nous i
813 gne des machines, à vous entendre, nous isolerait de la Nature ? Mais je vois au contraire que l’express et l’avion, le sc
814 a Nature, et non l’homme, qui aurait ici le droit de se plaindre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne l’a pas cité, q
815 la Bombe n’a jamais rien fait sans l’ordre exprès d’ un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’es
816 ais rien fait sans l’ordre exprès d’un président, d’ un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et le
817 que vous l’aurez bien mérité. L’Apprenti sorcier de la légende déchaînait une force inconnue. Mais nos savants font tout
818 ls humains que je connaisse qui aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni l
819 audire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvriers du xixe et les
820 se sont vus transformés en « compléments vivants d’ un mécanisme mort », selon l’expression terrible et juste de Marx. Or
821 isme mort », selon l’expression terrible et juste de Marx. Or il se trouve précisément que les robots viennent les délivre
822 précisément que les robots viennent les délivrer de la chaîne. Éloquemment entretenu par Bernanos, un malentendu sans par
823 ’est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient encore sur la foi de quelques films et de la sci
824 illions de personnes le croient encore sur la foi de quelques films et de la science-fiction. C’est encore moins un homme
825 le croient encore sur la foi de quelques films et de la science-fiction. C’est encore moins un homme esclave de la machine
826 ence-fiction. C’est encore moins un homme esclave de la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que
827 t si rarement dénoncée, a provoqué la destruction de plusieurs millions de vies humaines. C’est ici qu’il convient de rapp
828 , a provoqué la destruction de plusieurs millions de vies humaines. C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage de la
829 provoqué la destruction de plusieurs millions de vies humaines. C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage de la cons
830 llions de vies humaines. C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage de la conscience dont j’ai parlé. Le mal dénoncé
831 C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage de la conscience dont j’ai parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl M
832 n n’écoutait pas, tenait à la semi-automatisation de la production industrielle. Tout retour en arrière étant exclu, le re
833 tomatisme total, libérant l’ouvrier non seulement de ses efforts sur la matière trop lourde ou dangereuse à manier, mais a
834 re trop lourde ou dangereuse à manier, mais aussi de la monotonie et du rythme inhumain de travail qu’imposaient la machin
835 mais aussi de la monotonie et du rythme inhumain de travail qu’imposaient la machine et la chaîne. Le remède était donc l
836 pplication générale prit récemment le nom anglais d’ automation. Il est curieux que la pensée occidentale, découvrant le pé
837 ée occidentale, découvrant le péril avec cent ans de retard, ait porté sa colère contre le remède… L’automatisation complè
838 olère contre le remède… L’automatisation complète de l’usine, loin d’augmenter le mal si longuement déploré par ceux qui n
839 emède… L’automatisation complète de l’usine, loin d’ augmenter le mal si longuement déploré par ceux qui ne le subissaient
840 roduisant jour et nuit sous la seule surveillance d’ un groupe d’opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionn
841 ur et nuit sous la seule surveillance d’un groupe d’ opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionne, la suppre
842 ement, partout où elle fonctionne, la suppression de la condition prolétarienne. Généralisée dans l’avenir, elle rendra su
843 ndra superflu et sans objet le moment dialectique de la révolution donnant le pouvoir aux ouvriers d’usine. C’est ainsi le
844 de la révolution donnant le pouvoir aux ouvriers d’ usine. C’est ainsi le développement plus poussé de la technique, non l
845 d’usine. C’est ainsi le développement plus poussé de la technique, non l’action du parti communiste, ni même de la classe
846 hnique, non l’action du parti communiste, ni même de la classe ouvrière, qui sera l’agent du dépassement concret des confl
847 et des techniciens. C’est le problème des moyens de culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle brusquement a
848 s, tous alertés, au-delà des problèmes classiques de plein-emploi et de temps de travail, le problème de l’emploi du temps
849 -delà des problèmes classiques de plein-emploi et de temps de travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’h
850 problèmes classiques de plein-emploi et de temps de travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’homme. Le
851 plein-emploi et de temps de travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’homme. Le problème de la liberté.
852 ploi du temps, qui se pose à l’homme. Le problème de la liberté. Le problème du sens de nos vies… Je propose à nos philos
853 e. Le problème de la liberté. Le problème du sens de nos vies… Je propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie,
854 roblème de la liberté. Le problème du sens de nos vies … Je propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin
855 nos vies… Je propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et
856 hilosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et de la fatalité des tyrannies
857 a bourgeoisie, du déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et de la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser po
858 déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et de la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces su
859 ture, et de la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces sujets affligeants, leur ayant accordé asse
860 ces sujets affligeants, leur ayant accordé assez de complaisance, et de considérer la nouveauté de l’époque : bel exercic
861 nts, leur ayant accordé assez de complaisance, et de considérer la nouveauté de l’époque : bel exercice pour une pensée ré
862 ez de complaisance, et de considérer la nouveauté de l’époque : bel exercice pour une pensée régulatrice, que d’en maîtris
863 e : bel exercice pour une pensée régulatrice, que d’ en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle de
864 en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’ un demi-siècle de rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le
865 vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle de rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le savons, mais qui
866 ous le savons, mais qui court désormais le danger de survivre aux dangers prévus. Je propose à l’intelligence un rôle nouv
867 propose à l’intelligence un rôle nouveau : celui de créer la liberté en la cherchant, en acceptant d’envisager ses risque
868 de créer la liberté en la cherchant, en acceptant d’ envisager ses risques et de les courir d’abord en imagination. Je prop
869 herchant, en acceptant d’envisager ses risques et de les courir d’abord en imagination. Je propose une idée renouvelée du
870 e propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà de nos illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroiss
871 e du Progrès, au-delà de nos illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroissement de nos biens, ni la so
872 de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car toute solution concevable
873 pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car toute solution concevable serait la fin de notre libert
874 maux, car toute solution concevable serait la fin de notre liberté. J’imagine au contraire le progrès véritable dans l’acc
875 ais pour ouvrir des portes. f. Rougemont Denis de , « La fin du pessimisme », Réalités, Paris, juin 1957, p. 27-29.
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
876 xième fois par un jury étrange, composé à la fois de fonctionnaires français des Arts et Lettres (anciens ministres des Be
877 ciens ministres des Beaux-Arts directeurs, etc.), de militaires (le maréchal Juin), d’écrivains (Maurice Genevoix, Marcel
878 ecteurs, etc.), de militaires (le maréchal Juin), d’ écrivains (Maurice Genevoix, Marcel Brion, Paul Vialar), de critiques
879 ns (Maurice Genevoix, Marcel Brion, Paul Vialar), de critiques (Robert Kemp) et d’une directrice de théâtre (Mary Morgan).
880 rion, Paul Vialar), de critiques (Robert Kemp) et d’ une directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu p
881 ), de critiques (Robert Kemp) et d’une directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour trouver dans
882 ce monde s’est entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre qui « exalte le plus clairement les quali
883 oral au lecteur ». C’est donc sa récente Aventure de l’homme occidental (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce
884 ntal (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beau
885 emont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’ un jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dern
886 a revanche. Aux photographes qui me mitraillaient de flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire
887 ue lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’homme occidental qui paraît simultanément à New York, Londres et P
888 de Rougemont, à répandre un peu plus les raisons de croire à l’Europe. On sait que cet historien, ce philosophe s’est, de
889 t, depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée de faire l’Europe comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se
890 comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait-ce
891 finit l’Europe, j’assure que, plutôt que discuter de frontières mouvantes, il vaut mieux se préoccuper de définir la civil
892 frontières mouvantes, il vaut mieux se préoccuper de définir la civilisation européenne à travers son histoire et d’en mes
893 civilisation européenne à travers son histoire et d’ en mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma co
894 ion est tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence de l’Europe. Mais où voit-on cette décadence ? La planète e
895 à fait optimiste : on parle en effet de décadence de l’Europe. Mais où voit-on cette décadence ? La planète entière est en
896 ntaliser. Personne ne se convertit au mode de vie de l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’Inde : ne se mettent-elles pas
897 ropéenne ? L’Europe dévore les nuits et les jours de Denis de Rougemont. Il ne peut écrire de livres qu’entre onze heures
898 es jours de Denis de Rougemont. Il ne peut écrire de livres qu’entre onze heures du soir et quatre heures du matin, mais c
899 importants ouvrages : l’un qui établira une sorte de morale de la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin justifie les
900 ouvrages : l’un qui établira une sorte de morale de la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin justifie les moyens. À
901 est pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette morale de la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Ro
902 Le second ouvrage essaiera de situer cette morale de la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question d
903 era de situer cette morale de la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question de feux rouges et de feux
904 a vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question de feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodité générale.
905 st, dit Rougemont, une question de feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodité générale. Une morale personn
906 nt, une question de feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodité générale. Une morale personnaliste en quelq
907 nuel Mounier pour fonder une nouvelle philosophie de la personne humaine. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont u
908 Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et philosophes qui sourient avec une pointe de condes
909 ciens et philosophes qui sourient avec une pointe de condescendance devant les ouvrages de fiction, devant la création rom
910 une pointe de condescendance devant les ouvrages de fiction, devant la création romanesque. C’était sans songer à l’auteu
911 éation romanesque. C’était sans songer à l’auteur de ce Nicolas de Flue dont nous n’avons pas encore eu la représentatio
912 eu la représentation scénique, nous satisfaisant de la version en oratorio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut
913 faisant de la version en oratorio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegger trouva une
914 nt sut se montrer poète et où Honegger trouva une de ses plus grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia Den
915 Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprime
916 is écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas r
917 édige comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’homme occidental . Le style me paraît aussi important que les idées
918 idées qu’on veut défendre. g. Rougemont Denis de , « La fin justifie les moyens », Tribune de Lausanne, Lausanne, 9 jui
919 Denis de, « La fin justifie les moyens », Tribune de Lausanne, Lausanne, 9 juin 1957, p. 7.
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
920 lus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de c
921 opéennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de chose toute tentative v
922 plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’ exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Ce
923 ; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle
924 iger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’ aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais c
925 de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. Nous l’oublions souvent
926 pas nos grandeurs, car la musique est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague,
927 est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’ un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il f
928 e d’un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’une réflexion sur no
929 uation dominée par le malentendu et toute chargée de tragédies latentes. En voici la formule la plus simple, je crois : la
930 a formule la plus simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en
931 de nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin
932 le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de
933 drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civi
934 de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est
935 Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est pas loin de
936 ensemble des terres habitées, mais que la densité d’ occidentalisation varie d’une manière considérable selon les pays, et
937 es, mais que la densité d’occidentalisation varie d’ une manière considérable selon les pays, et à l’intérieur même de pres
938 onsidérable selon les pays, et à l’intérieur même de presque tous les pays. L’Europe latine, anglo-saxonne et germano-scan
939 germano-scandinave, conservatoire et laboratoire de toute l’histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ord
940 conservatoire et laboratoire de toute l’histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ordres divers qui ont ca
941 ire de toute l’histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ordres divers qui ont caractérisé notre civilisat
942 re, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ ordres divers qui ont caractérisé notre civilisation, des origines jus
943 et certains pays du Commonwealth forment une zone de diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moins dense,
944 des valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise à l’Asie Mineure turque, en passant par les Balka
945 i furent éliminées avec les anciennes classes, et de valeurs autochtones et populaires systématiquement refoulées. Reporté
946 efoulées. Reportées sur un planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un roug
947 pourraient être représentées par une petite tache d’ un rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Amériques et l’Aus
948 tralie seraient en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en quadrillé rouge et blanc. Quant à l’As
949 Hong Kong17 et des décors industriels aux confins de la jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient d’adopter coup sur
950 a jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient d’ adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’Europe : le marxisme
951 Chine vient d’adopter coup sur coup une doctrine d’ État venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occ
952 d’adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’ Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occident ; l’alp
953 ’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occident ; l’alphabet substitué aux idéogrammes ; et le contrôle de
954 ammes ; et le contrôle des naissances. Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’ir
955 ntrôle des naissances. Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’irrégularités de t
956 de la diffusion de notre civilisation résume tant d’ aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’influences tantôt v
957 notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’ irrégularités de transmission, d’influences tantôt vagues et générales
958 ion résume tant d’aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’influences tantôt vagues et générales et tantôt sélec
959 ’aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’ influences tantôt vagues et générales et tantôt sélectives à l’excès,
960 signifier, en fin de compte, l’occidentalisation d’ un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importe
961 n fin de compte, l’occidentalisation d’un peuple, d’ un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machine
962 te, l’occidentalisation d’un peuple, d’un État ou d’ un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos arme
963 d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’ importer nos machines et nos armements, là nos formes politiques, part
964 . Plus tard, telle nation neuve ou telle fraction de son intelligentsia décide d’adopter nos conceptions sécularistes de l
965 ve ou telle fraction de son intelligentsia décide d’ adopter nos conceptions sécularistes de l’existence, désacralisée, rat
966 sia décide d’adopter nos conceptions sécularistes de l’existence, désacralisée, rationalisée, scientiste et démocratique.
967 es et intellectuelles qui explique seul la genèse de ces « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’emploi et don
968 ces « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de val
969 « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’ emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeur
970 onne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé d’instinct par les masses ou expressémen
971 ntale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé d’ instinct par les masses ou expressément combattu par leurs guides spir
972 Le décalage sans cesse croissant entre le rythme d’ expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en
973 sans cesse croissant entre le rythme d’expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fom
974 re le rythme d’expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entie
975 iétantes, des malentendus pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « V
976 oi n’y joignez-vous pas un petit livre expliquant d’ où viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée de les construire
977 viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée de les construire et comment ils expriment et transportent, en fait, tou
978 expriment et transportent, en fait, tout un monde de valeurs complètement étranger à nos croyances traditionnelles ? » Une
979 emme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils eurent app
980 ndaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’ une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre
981 ait des leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gamme, elle
982 e Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gamme, elle leur dit : composez maintenant une chanson dans le
983 it : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne ra
984 e goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne
985 e que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne et ne faisaient que réinventer les lieux co
986 et ne faisaient que réinventer les lieux communs de chansons européennes qu’ils ne connaissaient pas. Ainsi chaque machin
987 i chaque machine exportée est, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré nos fonctionnaires,
988 ils commandent, aux sentiments, aux sources mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos rai
989 x sentiments, aux sources mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos fo
990 urces mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gou
991 mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie . Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gouverneme
992 ie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’ art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vo
993 achines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir a
994 t de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes d’équi
995 t agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes d’ équilibres anciens, appelant d’autres ensembles de valeurs, mais ne po
996 d’équilibres anciens, appelant d’autres ensembles de valeurs, mais ne pouvant les communiquer, les expliquer et les faire
997 expliquer et les faire vivre. Les trois aspects de notre message Que répondre à ces Orientaux, et bientôt à ces Afric
998 cains, qui nous demandent avec anxiété, non point de les laisser comme ils sont, dans leur « sagesse » intacte et leur fam
999 ans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos valeurs ? Ils nous obligent à nous interroger sur ce qui
1000 s interroger sur ce qui va de soi dans nos façons de penser et nos conduites habituées ; à prendre conscience, devant eux,
1001 tes habituées ; à prendre conscience, devant eux, de ce que nous croyons et voulons ; à réviser sous leur regard méfiant l
1002 à réviser sous leur regard méfiant les illusions de notre « universalisme » ou à découvrir ses vraies bases. Classons d’a
1003 s. Classons d’abord les éléments caractéristiques de la civilisation occidentale en trois ordres : produits, principes de
1004 occidentale en trois ordres : produits, principes de vie publique et valeurs. Produits : les machines, la technique, l’in
1005 identale en trois ordres : produits, principes de vie publique et valeurs. Produits : les machines, la technique, l’indust
1006 e, l’industrie, le confort matériel, les procédés de construction et d’alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitau
1007 confort matériel, les procédés de construction et d’ alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’em
1008 n, l’hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’emploi ; la commune et les syndicats ; le suffrage universel, les p
1009 hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’ emploi ; la commune et les syndicats ; le suffrage universel, les parl
1010 l’instruction publique et la presse ; les œuvres d’ art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spir
1011 lique et la presse ; les œuvres d’art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spirituel ; la séparat
1012 ue et la presse ; les œuvres d’art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spirituel ; la séparation
1013 ; la séparation des pouvoirs et la réglementation de leurs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté de l’individu ou
1014 rs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté de l’individu ou du groupe garantie par la justice (habeas corpus et dro
1015 e garantie par la justice (habeas corpus et droit d’ association) ; le droit à l’opposition (majorité possible de demain),
1016 ion) ; le droit à l’opposition (majorité possible de demain), le droit de libre expression, le droit au travail et à la sé
1017 pposition (majorité possible de demain), le droit de libre expression, le droit au travail et à la sécurité sociale ou pri
1018 aites, etc.), la souveraineté nationale et l’idée d’ une loi internationale… Valeurs : la personne humaine considérée comm
1019 humaine considérée comme inviolable ; le respect de la vérité objective, condition du progrès de la recherche autant que
1020 pect de la vérité objective, condition du progrès de la recherche autant que de la liberté, l’interdépendance étroite de l
1021 , condition du progrès de la recherche autant que de la liberté, l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice,
1022 tant que de la liberté, l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger l
1023 berté, l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la
1024 ce étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des
1025 erté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consistant
1026 ntie interne des libertés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non
1027 rtés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive de la dive
1028 vers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive de la diversité (ainsi les voix distinctes s’accordent dans nos chœurs) 
1029 s’accordent dans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la matière et du corps ; la croyance à la raison et à l
1030 ans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la matière et du corps ; la croyance à la raison et à la rationalité
1031 alité du cosmos ; la foi au transcendant, l’amour de Dieu et du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plu
1032 s à exporter et les plus rapidement acceptés hors d’ Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqué
1033 dement acceptés hors d’Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqués, mais principalement contre
1034 ent acceptés hors d’Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqués, mais principalement contre nou
1035 vent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’importe de montrer, c’est comment ces produits et ces principes procèdent en réa
1036 es produits et ces principes procèdent en réalité de nos valeurs, et ne trouvent que par elles, dans le champ magnétique q
1037 asse généralement pour le produit le plus typique de l’Occident. D’où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais com
1038 nt pour le produit le plus typique de l’Occident. D’ où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais comment expliquer
1039 plus typique de l’Occident. D’où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais comment expliquer que l’Europe ait seul
1040 en Europe, une conjonction sans précédent : celle de la science, s’établissant enfin sur les bases autonomes du calcul et
1041 issant enfin sur les bases autonomes du calcul et de l’expérimentation ; de la philanthropie illuministe, héritière des rê
1042 ses autonomes du calcul et de l’expérimentation ; de la philanthropie illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de
1043 illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de la raison profane, égalitaire, balayant les coutumes sacrées et les e
1044 outumes sacrées et les entraves ancestrales. Mais d’ où venaient cette science et cette raison hardie rénovant les institut
1045 nt les institutions, et cette ambition singulière de transformer le monde matériel ? Si l’on remonte à leurs origines, on
1046 rèce et le christianisme, c’est-à-dire le respect de la vérité objective, la dialectique et la libre critique d’une part,
1047 ritique d’une part, et d’autre part la conviction de la réalité de la matière, objet futur des sciences physiques (réalité
1048 part, et d’autre part la conviction de la réalité de la matière, objet futur des sciences physiques (réalité niée par la p
1049 siques (réalité niée par la plupart des religions de l’Orient mais affirmée par le dogme de l’Incarnation) et la croyance
1050 religions de l’Orient mais affirmée par le dogme de l’Incarnation) et la croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu,
1051 ces des divinités monstrueuses ; il vaut la peine d’ en scruter les lois et il attend de l’homme d’être compris, révélé, vo
1052 vaut la peine d’en scruter les lois et il attend de l’homme d’être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant
1053 ine d’en scruter les lois et il attend de l’homme d’ être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant à nos princ
1054 re sauvé, selon saint Paul. Quant à nos principes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins dir
1055 sauvé, selon saint Paul. Quant à nos principes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins directe
1056 rincipes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’ une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondame
1057 d’une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondamentales élaborées aux origines mêmes de l’Europe ;
1058 aleurs fondamentales élaborées aux origines mêmes de l’Europe ; la notion grecque d’individu et la notion chrétienne de pe
1059 ux origines mêmes de l’Europe ; la notion grecque d’ individu et la notion chrétienne de personne. La première remonte aux
1060 notion grecque d’individu et la notion chrétienne de personne. La première remonte aux philosophes présocratiques, mais c’
1061 se lia par la suite indissolublement à la notion de vocation personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeur
1062 lement à la notion de vocation personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeurs grecques et chrétiennes que p
1063 on personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeurs grecques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dan
1064 aleurs grecques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dans ses différentes acceptions, ces dernières permettant de
1065 différentes acceptions, ces dernières permettant de rendre compte des tendances plus ou moins égalitaires ou aristocratiq
1066 ues, plus ou moins anarchisantes ou socialisantes de nos institutions. Tels étant les liens innombrables qui unissent les
1067 mbrables qui unissent les attitudes fondamentales de la psyché européenne et les principes ou les produits qui manifestent
1068 son activité, il apparaît clairement que l’usage de ces produits et le recours à ces principes ne peuvent aller sans impl
1069 ncipes ne peuvent aller sans impliquer le système de valeurs dont ils procèdent. User des uns ou invoquer les autres hors
1070 ou invoquer les autres hors du contexte spirituel de l’Occident, entraîne des conséquences incalculables et généralement c
1071 alculables et généralement chaotiques. Le contact de la civilisation occidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en
1072 e un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la
1073 politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette affaire, ca
1074 s. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’équilibre
1075 mes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’ équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est
1076 nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est la tâche la plu
1077 xtrêmes idéaux. C’est la tâche la plus importante de la seconde moitié du xxe siècle. Et c’est sans doute la première foi
1078 Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mondial des v
1079 pas de quartier européen ». h. Rougemont Denis de , « Le rôle mondial des valeurs occidentales », Occident, Bruxelles, o
1080 âce à ses voyages et à ses travaux, les problèmes de base qui se posent à l’Occident. Son dernier livre, L’Aventure occid
1081 ident. Son dernier livre, L’Aventure occidentale de l’homme , a été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Ce
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
1082 ontières ?[préface] (1958)j L’homme ne vit pas de pain seulement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi de l’Europ
1083 ement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi de l’Europe. Pour unir les 332 millions d’habitants qu’elle compte à l’o
1084 in. Ainsi de l’Europe. Pour unir les 332 millions d’ habitants qu’elle compte à l’ouest du rideau de fer — en attendant les
1085 ns d’habitants qu’elle compte à l’ouest du rideau de fer — en attendant les 98 millions retenus à l’est dans l’orbite russ
1086 l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans d’ institutions économiques ne peut évidemment suffire ; mais leur échec
1087 ntôt mortel. Or le Marché commun des Six, la zone de libre-échange des Dix-Sept, et leur future intégration dans le cadre
1088 ix-Sept, et leur future intégration dans le cadre d’ une Grande Europe associée aux nations africaines ne supposent pas seu
1089 ntellectuelle, par quoi j’entends un vaste effort de libre réflexion et d’imagination de la part des économistes, et une p
1090 i j’entends un vaste effort de libre réflexion et d’ imagination de la part des économistes, et une prise de conscience éco
1091 omique dans le grand public. L’étude des réalités de base et des problèmes présents de l’économie, incroyablement négligée
1092 de des réalités de base et des problèmes présents de l’économie, incroyablement négligée par l’École, doit devenir partie
1093 ligée par l’École, doit devenir partie intégrante de la culture d’un honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la dém
1094 ole, doit devenir partie intégrante de la culture d’ un honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la démocratie foncti
1095 nnête homme vote, et sa voix détermine l’économie de son pays, que ce soit d’une manière directe comme en Suisse, ou plus
1096 oix détermine l’économie de son pays, que ce soit d’ une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés inter
1097 édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’ être lus que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre un public i
1098 erts liés par leur mission, et des savants privés d’ une large audience, peu ou point d’échanges efficaces. Il faudrait réf
1099 savants privés d’une large audience, peu ou point d’ échanges efficaces. Il faudrait réfléchir librement sur les problèmes
1100 uoi le Centre européen de la culture a jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine d’économistes, à la fois réputés et
1101 a jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine d’ économistes, à la fois réputés et indépendants, pour leur poser une qu
1102 ndants, pour leur poser une question populaire et d’ une simplicité presque choquante, une question qu’il jugeait présente
1103 vraisemblance. Que la répugnance professionnelle de nos séminaristes à « jouer » ainsi — répugnance sensible dans celles
1104 e du sérieux avec lequel ils ont essayé néanmoins de répondre à notre question. Nous nous étions efforcés de les persuader
1105 ondre à notre question. Nous nous étions efforcés de les persuader dès l’abord qu’il importait de réduire certaines object
1106 rcés de les persuader dès l’abord qu’il importait de réduire certaines objections de principe, ou mieux certaines craintes
1107 d qu’il importait de réduire certaines objections de principe, ou mieux certaines craintes vagues mais courantes. Car le g
1108 antes. Car le grand public — précédé par beaucoup d’ intellectuels et suivi par beaucoup de députés — n’hésite pas, lui, à
1109 up de députés — n’hésite pas, lui, à jouer le jeu de « ce qui se passerait si… » Seulement, il a tendance à jouer perdant,
1110 lement, il a tendance à jouer perdant, à préjuger de catastrophes dont rien ne prouve qu’elles se produiraient. Il ne croi
1111 xperts croient aux chiffres, et que les militants de l’Europe fédérée croient aux bienfaits automatiques de l’union, sans
1112 Europe fédérée croient aux bienfaits automatiques de l’union, sans avoir toujours calculé son prix. Nos économistes se son
1113 économistes se sont réunis deux fois, à six mois de distance, et leurs débats ont été chauds. Tout parti pris de militant
1114 , et leurs débats ont été chauds. Tout parti pris de militant leur eût paru indigne d’une attitude proprement scientifique
1115 Tout parti pris de militant leur eût paru indigne d’ une attitude proprement scientifique. Pourtant, un optimisme européen
1116 ant, un optimisme européen bien tempéré se dégage de leurs études, dont le plan fut arrêté en commun, la rédaction stricte
1117 se au point réciproque. Que pouvons-nous attendre de ces études ? Nous nous sommes refusés à leur donner après coup le tou
1118 t de leur véritable utilité. Elles ont déjà servi de base à plusieurs brochures de large diffusion18, à des articles et à
1119 lles ont déjà servi de base à plusieurs brochures de large diffusion18, à des articles et à des émissions de radio. Mais c
1120 ge diffusion18, à des articles et à des émissions de radio. Mais c’est leur publication en recueil qui leur donnera leur v
1121 cueil qui leur donnera leur vraie valeur, chacune d’ elles appuyant, nuançant ou parfois corrigeant les autres. Aux économi
1122 ls et commerçants, elles apporteront des analyses d’ une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien
1123 Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien de ce que vous redoutiez, mais beaucoup de bonnes choses qu’il vous rest
1124 qu’il vous reste à vouloir — avec au moins autant de lucidité que les totalitaires en apportent à vouloir un monde inhumai
1125 and public, ces études donneront une idée précise de la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs aut
1126 tant de peine à s’accepter, à saisir ses chances de grandeur, à guérir de son pessimisme et de ses crampes nationalistes…
1127 epter, à saisir ses chances de grandeur, à guérir de son pessimisme et de ses crampes nationalistes… Puisse cet ouvrage co
1128 hances de grandeur, à guérir de son pessimisme et de ses crampes nationalistes… Puisse cet ouvrage contribuer à ranimer un
1129 même qui suffirait sans doute à la rendre capable d’ exercer à nouveau sa vocation mondiale. 18. Voir en particulier : P
1130 faits , publications du CEC. j. Rougemont Denis de , « [Préface] Demain l’Europe sans frontières  », Demain l’Europe sans
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
1131 . C’est même elle, et elle seule, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’une unité existante, sur laquelle il devie
1132 me elle, et elle seule, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’une unité existante, sur laquelle il devient possibl
1133 eule, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’ une unité existante, sur laquelle il devient possible de construire no
1134 unité existante, sur laquelle il devient possible de construire notre union nécessaire. Ceux qui disent redouter on ne sai
1135 culturelle » comme conséquence lugubre et fatale de l’union politique, sont parfois en réalité des adversaires politiques
1136 ont parfois en réalité des adversaires politiques de cette union et le sort de la culture leur importe très peu ; mais ils
1137 adversaires politiques de cette union et le sort de la culture leur importe très peu ; mais ils sont plus souvent les inn
1138 ais ils sont plus souvent les innocentes victimes d’ une illusion scolaire : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe s
1139 victimes d’une illusion scolaire : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a
1140 de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a de nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux
1141 ’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a de nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux langues, aux coutumes
1142 lkloriques, et aux frontières naturelles (chaînes de montagnes ou rivières). On ne perdra pas son temps à expliquer que to
1143 oute institution culturelle soucieuse des destins de l’Europe. D’une part, une telle institution devra montrer que l’Europ
1144 st d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture d’ avoir dominé le monde, qui retourne aujourd’hui contre elle les armes
1145 que cette culture est commune à tous les peuples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes en sont nées, non l’inverse. D
1146 D’autre part, cette institution devra s’efforcer de réduire les résistances invétérées à notre union, les « blocs psychol
1147 éducation scolaire depuis un siècle, ou résultant de maladies chroniques de notre culture millénaire. On ne fera pas l’Eu
1148 is un siècle, ou résultant de maladies chroniques de notre culture millénaire. On ne fera pas l’Europe sans sa culture, c
1149 fonde et manifeste l’unité qui est la vraie base de notre union ; mais d’autre part, elle seule peut expliquer les divisi
1150 pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des traités : person
1151 iant des traités : personne n’y croit. (On attend de voir…) Et certes il fallait dire : unissons-nous ! Certes, il fallait
1152 s actions précises : 1° Réduire les préjugés, nés d’ une mauvaise éducation qui accrédite l’illusion générale de l’existenc
1153 vaise éducation qui accrédite l’illusion générale de l’existence première de « cultures nationales » et de « l’éternité »
1154 édite l’illusion générale de l’existence première de « cultures nationales » et de « l’éternité » de nos États-nations (fo
1155 ’existence première de « cultures nationales » et de « l’éternité » de nos États-nations (formés pour la plupart depuis mo
1156 e de « cultures nationales » et de « l’éternité » de nos États-nations (formés pour la plupart depuis moins de cent ans…)
1157 tats-nations (formés pour la plupart depuis moins de cent ans…) 2° Informer les élites et les masses, leur montrer le dram
1158 r les élites et les masses, leur montrer le drame de l’Europe, mais aussi le rôle décisif de cette Europe dans les transfo
1159 le drame de l’Europe, mais aussi le rôle décisif de cette Europe dans les transformations du monde au xxe siècle, sa voc
1160 n avenir si elle s’unit. 3° Créer des instruments de coopération pour les différentes branches de la culture, sans tenir c
1161 ents de coopération pour les différentes branches de la culture, sans tenir compte des frontières nationales quand les pro
1162 n fait dans ce sens depuis que la grande question de l’union européenne s’est trouvée posée, au lendemain de la dernière g
1163 nion européenne s’est trouvée posée, au lendemain de la dernière guerre ? Parallèlement aux mouvements fédéralistes, une s
1164 allèlement aux mouvements fédéralistes, une série d’ instituts d’études européennes se créent dès 194620. Ils nouent des li
1165 ux mouvements fédéralistes, une série d’instituts d’ études européennes se créent dès 194620. Ils nouent des liens entre eu
1166 entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’ une vingtaine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang univ
1167 taine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europe, à La Haye, décid
1168 és, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europe, à La Haye, décide la création d’un Centre européen de la cu
1169 ongrès de l’Europe, à La Haye, décide la création d’ un Centre européen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950.
1170 Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès européen de la culture se réunit à Lausanne, et définit les tâches du Centre euro
1171 ches du Centre européen de la culture, du Collège d’ Europe (Bruges), d’une association des universitaires, et d’un Laborat
1172 péen de la culture, du Collège d’Europe (Bruges), d’ une association des universitaires, et d’un Laboratoire européen de re
1173 Bruges), d’une association des universitaires, et d’ un Laboratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous l
1174 des universitaires, et d’un Laboratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le nom de CERN, à Genève.)
1175 recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le nom de CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’une résolution du con
1176 de CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’ une résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tar
1177 eil de l’Europe, issu d’une résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tard, et comporte dès le début
1178 te dès le début une direction culturelle, coiffée d’ un Comité d’experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait r
1179 but une direction culturelle, coiffée d’un Comité d’ experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait ratifier une
1180 péens, crée des bourses, organise des expositions de peinture, patronne la révision des manuels d’histoire, et prépare une
1181 ons de peinture, patronne la révision des manuels d’ histoire, et prépare une série de publications scientifiques. Une Asso
1182 sion des manuels d’histoire, et prépare une série de publications scientifiques. Une Association des universitaires d’Euro
1183 scientifiques. Une Association des universitaires d’ Europe et une Association européenne des enseignants se fondent en 195
1184 péenne des écoles propose chaque année des sujets de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne des
1185 s de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 parti
1186 ays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 participants. Une Fondation européenne de la culture a été cr
1187 de 300 000 participants. Une Fondation européenne de la culture a été créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année
1188 des volumes, thèses, mémoires et numéros spéciaux de revues sur l’Europe et ses problèmes compte déjà, depuis dix ans, plu
1189 compte déjà, depuis dix ans, plusieurs centaines de titres, parus dans toutes nos langues, sans parler de milliers de bro
1190 itres, parus dans toutes nos langues, sans parler de milliers de brochures. Cet effort est immense. Est-il trop dispersé p
1191 dans toutes nos langues, sans parler de milliers de brochures. Cet effort est immense. Est-il trop dispersé pour porter p
1192 ens ? Hélas ! la somme totale des budgets annuels de toutes les organisations que je viens de citer (à l’exception du CERN
1193 nstruction) équivaudrait à peine aux possibilités d’ une des « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique d
1194 Il serait temps que nos États prennent conscience de ces deux vérités primordiales, à savoir : 1° que l’Europe n’a dû sa p
1195 puissance qu’aux inventions, procédés et systèmes de tous ordres directement issus de sa culture et que, par suite, sans l
1196 édés et systèmes de tous ordres directement issus de sa culture et que, par suite, sans la vitalité de cette culture, elle
1197 de sa culture et que, par suite, sans la vitalité de cette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte :
1198 tinent s’obstinent à lui refuser même le centième de l’aide que lui accordent chez eux les empires ascendants et réalistes
1199 ux les empires ascendants et réalistes des USA et de l’URSS21. ⁂ Le Centre européen de la culture Sans attendre que
1200 ndre que ce problème ait reçu la moindre promesse d’ un début de solution raisonnable, le Centre européen de la culture a d
1201 problème ait reçu la moindre promesse d’un début de solution raisonnable, le Centre européen de la culture a décidé dès 1
1202 e Centre européen de la culture a décidé dès 1950 de tenter l’aventure d’exister. Il existe depuis sept ans. Son exemple p
1203 la culture a décidé dès 1950 de tenter l’aventure d’ exister. Il existe depuis sept ans. Son exemple peut éclairer. J’essai
1204 ans. Son exemple peut éclairer. J’essaierai donc de le décrire, très brièvement, pour illustrer les considérations, un pe
1205 es, qui précèdent. La mission générale du CEC est de contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de la c
1206 ssion générale du CEC est de contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de la culture dans tous nos peu
1207 l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de la culture dans tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de ren
1208 ns tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études et d’in
1209 r offrant : un lieu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études et d’initiatives. Fondé sous les ausp
1210 contre, des instruments de coordination, un foyer d’ études et d’initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement européen
1211 instruments de coordination, un foyer d’études et d’ initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement européen, le CEC est
1212 éen, le CEC est issu des délibérations du congrès de La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau d’études s’ouvrait à
1213 e La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau d’ études s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l’instituti
1214 49, un Bureau d’études s’ouvrait à Genève, chargé d’ élaborer le travail de l’institution projetée, et d’organiser une « Co
1215 s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l’institution projetée, et d’organiser une « Conférence européenne de
1216 élaborer le travail de l’institution projetée, et d’ organiser une « Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réu
1217 jetée, et d’organiser une « Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réunit à Lausanne en décembre 1949, et form
1218 n association régie par la loi suisse, elle jouit de la personnalité juridique. Ses ressources sont assurées par des dons
1219 nt assurées par des dons et subventions provenant de sources privées ou officielles, par les cotisations de ses membres et
1220 urces privées ou officielles, par les cotisations de ses membres et par la vente de ses publications. Le choix des objecti
1221 ar les cotisations de ses membres et par la vente de ses publications. Le choix des objectifs du CEC est déterminé par deu
1222 u CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’ un problème culturel qui se pose à l’échelle européenne, et ses possib
1223 pose à l’échelle européenne, et ses possibilités de solution pratiques. Un budget réduit au strict minimum opératif, un p
1224 s qui distinguent cet organisme privé et européen de la plupart des organisations gouvernementales et internationales exis
1225 nt leur autonomie, tout en agissant dans le cadre d’ un programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce progra
1226 amme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent
1227 onc les grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent entre autres le Congrès de
1228 tions passées, qui furent entre autres le Congrès de compositeurs et critiques musicaux à Rome, en 1953, le Prix européen
1229 tiques musicaux à Rome, en 1953, le Prix européen de littérature, et l’initiative de la création du CERN, bornons-nous à d
1230 le Prix européen de littérature, et l’initiative de la création du CERN, bornons-nous à décrire les trois principaux cham
1231 ornons-nous à décrire les trois principaux champs d’ activité entre lesquels se répartissent les secrétariats du CEC : éduc
1232 quer dans les nouvelles générations la conscience d’ une commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissen
1233 conscience d’une commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissent notre culture et notre civilisation,
1234 ’une commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissent notre culture et notre civilisation, au-delà des
1235 e commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissent notre culture et notre civilisation, au-delà des nati
1236 actuelles ; d’autre part, exposer l’état présent de l’Europe, son drame mais aussi ses possibilités d’avenir au plan mond
1237 e l’Europe, son drame mais aussi ses possibilités d’ avenir au plan mondial, si elle unit ses forces pendant qu’il en est t
1238 st temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des expériences-pilotes d’éducation européenne prenant app
1239 ns plusieurs de nos pays des expériences-pilotes d’ éducation européenne prenant appui soit sur le corps enseignant d’une
1240 éenne prenant appui soit sur le corps enseignant d’ une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu
1241 seignant d’une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leur fournit des moye
1242 u urbain. Il leur fournit des moyens audiovisuels d’ enseignement, des publications spéciales, des experts ou moniteurs, et
1243 t des subventions, réparties selon les directives d’ un Comité d’éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pa
1244 tions, réparties selon les directives d’un Comité d’ éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pays (y compri
1245 États scandinaves). Enfin, il les fait bénéficier de ses moyens d’information européenne. Ceux-ci consistent en publicatio
1246 ves). Enfin, il les fait bénéficier de ses moyens d’ information européenne. Ceux-ci consistent en publications, films et c
1247 ix à huit numéros spéciaux consacrés à des sujets d’ intérêt européen, et largement diffusés en plusieurs langues. Des pla
1248 rgement diffusés en plusieurs langues. Des plans de causerie , établis en tenant compte des milieux populaires ou des gro
1249 es militants auxquels ils s’adressent, permettent de multiplier les exposés documentés donnés dans de petits groupes de tr
1250 de multiplier les exposés documentés donnés dans de petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit des
1251 exposés documentés donnés dans de petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit des orateurs aux organ
1252 és dans de petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit des orateurs aux organisations intéressées par
1253 téressées par les problèmes européens. Une série, de films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisation. Enfin
1254 e films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assurée par les A
1255 est en cours de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assurée par les Actualités européennes , fascicule men
1256 portants Séminaires, l’un sur l’avenir économique d’ une Europe sans frontières intérieures l’autre sur les conséquences po
1257 ences pour la culture, l’éducation et les loisirs de la nouvelle révolution technique que symbolise le terme d’automation.
1258 velle révolution technique que symbolise le terme d’ automation. En outre, le CEC élabore actuellement trois plans nouveaux
1259 bore actuellement trois plans nouveaux : création d’ un Institut technologique de formation européenne, pour les ingénieur
1260 nouveaux : création d’un Institut technologique de formation européenne, pour les ingénieurs ; convocation d’une Confére
1261 ion européenne, pour les ingénieurs ; convocation d’ une Conférence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’un Dialogue
1262 férence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’ un Dialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association des instituts d’
1263 urope. Parallèlement l’Association des instituts d’ études européennes , qui groupe 19 instituts de niveau universitaire,
1264 ts d’études européennes , qui groupe 19 instituts de niveau universitaire, et l’Association européenne des festivals de m
1265 taire, et l’Association européenne des festivals de musique , qui groupe 21 grands festivals, poursuivent la coordination
1266 21 grands festivals, poursuivent la coordination de leurs programmes et de leurs publications, grâce à leurs secrétariats
1267 oursuivent la coordination de leurs programmes et de leurs publications, grâce à leurs secrétariats assurés par le CEC. Ce
1268 éenne des enseignants et celle des universitaires d’ Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’affiliation, sauve
1269 Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’ affiliation, sauvegardant l’autonomie des trois institutions tout en a
1270 réelles et organiques qui sont l’une des sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit n
1271 s sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement de les uniformiser. Cependant,
1272 fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement de les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur offrir les moyens p
1273 ment de les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur offrir les moyens pratiques d’échanger leurs expériences, de gro
1274 il est urgent de leur offrir les moyens pratiques d’ échanger leurs expériences, de grouper leurs forces en vue de certaine
1275 es moyens pratiques d’échanger leurs expériences, de grouper leurs forces en vue de certaines actions communes, et de mett
1276 s forces en vue de certaines actions communes, et de mettre en pool celles de leurs activités ou de leurs ressources — mai
1277 nes actions communes, et de mettre en pool celles de leurs activités ou de leurs ressources — mais celles-là seules ! — qu
1278 et de mettre en pool celles de leurs activités ou de leurs ressources — mais celles-là seules ! — qui semblent bien devoir
1279 là seules ! — qui semblent bien devoir bénéficier d’ une intégration plus poussée. À l’heure où les institutions économique
1280 ure où les institutions économiques et politiques de l’Europe naissante proclament leur volonté de concentrer autant que p
1281 ues de l’Europe naissante proclament leur volonté de concentrer autant que possible leurs services et leurs assemblées, un
1282 ort parallèle doit être entrepris dans le domaine de la culture. Coordonner les autonomies, telle doit être à mes yeux la
1283 à mes yeux la devise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un autre parallèle s’impose, entre la situation politique
1284 la situation politique et la situation culturelle de l’Europe. Minorisée aux Nations unies, menacée dans ses positions mon
1285 s mondiales par des empires qui l’accusent encore de colonialisme, mais la maintiennent en fait sous la pression constante
1286 a maintiennent en fait sous la pression constante de leur expansion économique ou idéologique, l’Europe reste sans voix po
1287 ntredisent souvent et ne convergent jamais, faute d’ une institution unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’un mini
1288 tion unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’ un ministère des Affaires étrangères européennes. Mais de même, dans l
1289 chnique d’une part, et les civilisations diverses de l’Asie, de l’Afrique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent des s
1290 ne part, et les civilisations diverses de l’Asie, de l’Afrique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent des solutions qu
1291 nt d’autre part, appellent des solutions qu’aucun de nos États-nations ne peut élaborer, et moins encore faire accepter à
1292 re accepter à lui tout seul. Ces difficultés sont d’ ordre culturel (spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’être
1293 (spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’ être politiques. Là encore, l’Europe mise au défi en tant qu’ensemble
1294 culturel, reste sans voix. C’est ici la nécessité de relations culturelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’une c
1295 lturelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’ une coordination entre nos forces culturelles, et le besoin de représe
1296 nation entre nos forces culturelles, et le besoin de représentation commune de ces forces vis-à-vis du reste du monde nous
1297 lturelles, et le besoin de représentation commune de ces forces vis-à-vis du reste du monde nous appellent et nous poussen
1298 fficace pour unir nos élites que la confrontation de leurs diversités avec d’autres cultures ou civilisations : vue de l’e
1299 tés avec d’autres cultures ou civilisations : vue de l’extérieur, l’Europe forme un tout évident. En retour, nos différent
1300 le dialogue nécessaire avec les autres traditions de culture, que si elles se présentent au nom de l’Europe entière, sûre
1301 es se présentent au nom de l’Europe entière, sûre de sa vocation, donc ouverte à l’avenir. 19. On parle 6 langues en Fr
1302 etc. Le folklore révèle précisément la communauté de traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturell
1303 re révèle précisément la communauté de traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturelle, mais le Dan
1304 iens naturels ?…, etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957 de l’Association des instituts d’études européennes (AIEE) publié en nov
1305 r l’ Annuaire 1957 de l’Association des instituts d’ études européennes (AIEE) publié en novembre 1957 par le Centre europé
1306 A : 10 % du revenu national. k. Rougemont Denis de , « Europe et culture », Quelle Europe ?, Paris, Fayard, 1958, p. 69-7
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
1307 Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)l Cela se
1308 l 1958)l Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension d’Hitler, puis sa ruin
1309 Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension d’Hitler, puis sa ruine entraînant
1310 de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension d’ Hitler, puis sa ruine entraînant celle de l’Europe entière, la renaiss
1311 scension d’Hitler, puis sa ruine entraînant celle de l’Europe entière, la renaissance de l’idée d’union, et l’arme absolue
1312 raînant celle de l’Europe entière, la renaissance de l’idée d’union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires pres
1313 lle de l’Europe entière, la renaissance de l’idée d’ union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires presque immobi
1314 l’idée d’union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires presque immobilisés par la terreur d’y recourir… Que pen
1315 e deux empires presque immobilisés par la terreur d’ y recourir… Que pensaient et pressentaient ces deux génies de premier
1316 r… Que pensaient et pressentaient ces deux génies de premier ordre, à la veille même du déchaînement dont ils avaient choi
1317 ille même du déchaînement dont ils avaient choisi d’ examiner les causes, afin de proposer les moyens de le prévenir ? On l
1318 ’examiner les causes, afin de proposer les moyens de le prévenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et d’anxiété rétr
1319 yens de le prévenir ? On les relit avec une sorte d’ avidité et d’anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des question
1320 évenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et d’ anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des questions, dans un do
1321 sonnable et moyen. L’autre répond dans la rigueur de sa pensée : il est chez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre
1322 ison. Mais pourquoi la raison n’a-t-elle pas plus de force ? Pourquoi les masses suivent-elles leur « classe régnante » ?
1323 les instincts ? Et comment supprimer « le besoin de haine » dégénérant en « psychose collective » ? C’est écrit de Potsda
1324 générant en « psychose collective » ? C’est écrit de Potsdam et sous l’œil des barbares. Freud répond de sa Vienne natale
1325 Potsdam et sous l’œil des barbares. Freud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’en aura plus pour longtemps — et
1326 e n’en aura plus pour longtemps — et le pacifisme d’ Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’un praticien courtois,
1327 e d’Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’ un praticien courtois, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il,
1328 en analytique d’un praticien courtois, mais dénué d’ illusions. Non, la force, dit-il, n’est pas le contraire du droit. Car
1329 t. Car le droit n’est en somme qu’une autre forme de la violence inévitable. C’est la violence née de « l’union de plusieu
1330 de la violence inévitable. C’est la violence née de « l’union de plusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être
1331 ce inévitable. C’est la violence née de « l’union de plusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être brisée que pa
1332 de « l’union de plusieurs faibles ». La violence d’ un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant s
1333 nce d’un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur l’intérêt et sur le sentiment les lois de l
1334 ondant sur l’intérêt et sur le sentiment les lois de leur communauté. Il s’agit donc de transférer le pouvoir à quelque « 
1335 iment les lois de leur communauté. Il s’agit donc de transférer le pouvoir à quelque « plus vaste unité ». Mais la Société
1336 ité ». Mais la Société des Nations ne dispose pas d’ une force à son échelle et ne provoque pas l’« identification » créatr
1337 et ne provoque pas l’« identification » créatrice de communauté. Passant aux grandes questions naïves anxieusement posées
1338 maîtrise en invoquant l’Éros vital et l’instinct de mort, également essentiels à l’homme. « On ferait œuvre inutile à pré
1339 » Mais peut-on les canaliser vers d’autres formes d’ expression que la guerre ? Ici, Freud va nous étonner. D’une part, il
1340 es ; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’ une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient l
1341 ’autorité : ce serait celle d’une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient les masses. Mesures à t
1342 ns aucun doute. Mais on ne peut prendre son parti de la guerre, pourtant « biologiquement fondée ». Car l’évolution cultur
1343 ment fondée ». Car l’évolution culturelle, à tant d’ égards contre nature, fait que certains hommes d’aujourd’hui éprouvent
1344 d’égards contre nature, fait que certains hommes d’ aujourd’hui éprouvent en présence de la guerre bien autre chose qu’une
1345 ain ? Freud confie son espoir lointain à l’action de ces deux éléments : le développement de la culture, et la crainte des
1346 l’action de ces deux éléments : le développement de la culture, et la crainte des effets d’une guerre totale. Einstein p
1347 loppement de la culture, et la crainte des effets d’ une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une irréfutable
1348 guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’ une irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondial. J’y reviend
1349 une seule idée, d’une irréfutable logique : celle d’ un gouvernement mondial. J’y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic
1350 Pour le reste, son diagnostic joue sur des images d’ Épinal. La « classe régnante » et les marchands de canons tiendraient
1351 d’Épinal. La « classe régnante » et les marchands de canons tiendraient la presse, l’école et les « organisations religieu
1352 raient ainsi les masses, les poussant à la haine, d’ où sortirait la guerre… Mais ce qui « règne » en Occident, il y a beau
1353 n publique qui les prépare, résultent aujourd’hui de l’État, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas
1354 des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur complicité, mais plutôt de leurs dissensions. Quand bien même ce
1355 ises — et non pas de leur complicité, mais plutôt de leurs dissensions. Quand bien même ces puissances pousseraient toutes
1356 usseraient toutes dans le même sens à l’intérieur d’ une même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans
1357 ns à l’intérieur d’une même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans certains cas, annulée par la pre
1358 ar la pression contraire d’autres empires. L’idée d’ une classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique pop
1359 es empires. L’idée d’une classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner
1360 idée d’une classe régnante fauteuse de guerre est d’ un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein l’
1361 gence critique, lui qui voyait pourtant et vivait de si près la montée d’Hitler au pouvoir, malgré l’opposition des partis
1362 ui voyait pourtant et vivait de si près la montée d’ Hitler au pouvoir, malgré l’opposition des partis, des nantis, des Égl
1363 des partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plei
1364 tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plein de bon sens dans sa conversation, cédait facilement aux clichés quand il
1365 hés quand il s’exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifistes » Freud, au contraire, paraît plus
1366 l que jamais. En réduisant l’opposition classique de la Force et du Droit à celle de deux violences, il définit les condit
1367 osition classique de la Force et du Droit à celle de deux violences, il définit les conditions de toute politique réaliste
1368 elle de deux violences, il définit les conditions de toute politique réaliste. Quatre ans après l’échange de lettres qu’on
1369 te politique réaliste. Quatre ans après l’échange de lettres qu’on va lire, Hitler réoccupait la Rhénanie. À Paris, le pré
1370 e, la force du Droit ! » Traduite dans les termes de Freud, cette déclaration signifiait qu’à la violence d’un seul s’oppo
1371 ud, cette déclaration signifiait qu’à la violence d’ un seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais,
1372 a violence d’un seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’union
1373 d’un seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’union, cela reve
1374 es victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’ union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une forte page de rh
1375 it pas d’union, cela revenait à opposer aux chars d’ Hitler une forte page de rhétorique. Nous voici donc ramenés à la néce
1376 enait à opposer aux chars d’Hitler une forte page de rhétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’une autorité sup
1377 hétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’ une autorité supérieure à celle des nations « souveraines ». Einstein
1378 dictateurs, les « classes régnantes » au respect de la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve d’une autorité d’ordre
1379 de la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve d’ une autorité d’ordre moral, le psychologue paraît attendre davan­tage
1380 lle ? Tandis que le physicien rêve d’une autorité d’ ordre moral, le psychologue paraît attendre davan­tage de la terreur q
1381 moral, le psychologue paraît attendre davan­tage de la terreur qu’inspirent les armes physiques : « La guerre de demain,
1382 ur qu’inspirent les armes physiques : « La guerre de demain, écrit Freud, par suite du perfectionnement des engins de dest
1383 t Freud, par suite du perfectionnement des engins de destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adversaires,
1384 ns de destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adversaires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’une
1385 un des adversaires, et peut-être même des deux. » D’ où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissant
1386 saires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’ une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissante pour que l
1387 éplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu d’ une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à
1388 s qui aboutira treize ans plus tard à l’explosion d’ Hiroshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue de deux génies, d
1389 explosion d’Hiroshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue de deux génies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore
1390 oshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue de deux génies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore qu’il en parle
1391 avoir ! Rêvons là-dessus. Einstein n’a pas cessé de protester contre le péril atomique, ni d’afficher un pacifisme désarm
1392 s cessé de protester contre le péril atomique, ni d’ afficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a sig
1393 fficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriquer la bo
1394 ièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’est-il point passé comme si le calcul p
1395 abitait en lui, déjouant les conclusions sincères de sa raison, l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme d’un suprêm
1396 n, l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme d’ un suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? E
1397 t conduit à doter l’homme d’un suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? En fait, la situation s’e
1398 des espaces intersidéraux ? l. Rougemont Denis de , « Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einst
1399 emont Denis de, « Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud », Réalités, Paris, avril
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
1400  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte des communes à l’all
1401 rd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’ une crise de trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’alli
1402 éalité il a fallu neuf mois, au terme d’une crise de trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’alliances et de
1403 rente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’ alliances et de guerres entre petits États souverains, et d’inexistenc
1404 , succédant à cinq siècles et demi d’alliances et de guerres entre petits États souverains, et d’inexistence d’un pouvoir
1405 s et de guerres entre petits États souverains, et d’ inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 fé
1406 s entre petits États souverains, et d’inexistence d’ un pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 février et le 17
1407 us obligent à un rappel des origines. Les manuels d’ histoire suisse donnent la date du 1er août 1291 comme celle de la nai
1408 isse donnent la date du 1er août 1291 comme celle de la naissance de la Confédération. Il y a là un étrange anachronisme.
1409 date du 1er août 1291 comme celle de la naissance de la Confédération. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se pr
1410 produisit ce jour-là, fut simplement la signature d’ un pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’Un
1411 e d’un pacte entre les trois « communes » rurales d’ Uri, de Schwyz et d’Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothar
1412 pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce c
1413 es trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’ Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col était le s
1414 Gothard. Ce col était le seul à relier au travers d’ une seule chaîne des Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’
1415 es Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’ où son importance stratégique, commerciale et même culturelle. On n’in
1416 rôle décisif qu’il devait jouer dans la formation de la Suisse et dans la détermination de la mission singulière de ce pay
1417 a formation de la Suisse et dans la détermination de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer
1418 et dans la détermination de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer la garde du col au nom de
1419 té impériale ; et cela dès 1231, c’est-à-dire peu d’ années après l’ouverture du col. Au nombre des seigneurs entreprenants
1420 es seigneurs entreprenants qu’il fallait empêcher de dominer la route figuraient en bonne place les Habsbourg, possesseurs
1421 uraient en bonne place les Habsbourg, possesseurs d’ une série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaie
1422 onne place les Habsbourg, possesseurs d’une série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’étendre
1423 ourg, possesseurs d’une série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’étendre leurs domaines vers
1424 u nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’ étendre leurs domaines vers le Gothard. Lorsque Rodolphe de Habsbourg
1425 tre leurs libertés locales et contre leur mission de gardiens du Col. Et c’est pourquoi, au début du mois d’août 1291, — «
1426 diens du Col. Et c’est pourquoi, au début du mois d’ août 1291, — « considérant la malice des temps, et afin de se défendre
1427 ps, et afin de se défendre et maintenir avec plus d’ efficace », les trois coopératives forestières prirent l’engagement de
1428 ois coopératives forestières prirent l’engagement de « s’assister mutuellement de toutes leurs forces, secours et bons off
1429 prirent l’engagement de « s’assister mutuellement de toutes leurs forces, secours et bons offices… envers quiconque tenter
1430 cours et bons offices… envers quiconque tenterait de leur faire violence, de les inquiéter ou molester, en leurs personnes
1431 nvers quiconque tenterait de leur faire violence, de les inquiéter ou molester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et
1432 devait « s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait, il a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin
1433 n jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’ hommes libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueu
1434 u cours des siècles par l’adhésion ou la conquête de communautés voisines, villes ou vallées, petits États indépendants, a
1435 locales, bailliages et pays sujets, toutes unités de langues et d’économies fort diverses. Ce long processus d’agrégations
1436 iages et pays sujets, toutes unités de langues et d’ économies fort diverses. Ce long processus d’agrégations contractuelle
1437 s et d’économies fort diverses. Ce long processus d’ agrégations contractuelles ou forcées, à la faveur de guerres civiles
1438 grégations contractuelles ou forcées, à la faveur de guerres civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit de la fin du
1439 civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit de la fin du xiiie siècle à la fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement
1440 cle à la fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement d’ alliances particulières et un sens remarquable de la foi jurée devaien
1441 d’alliances particulières et un sens remarquable de la foi jurée devaient rester, pendant toute cette période, le seul ga
1442 rester, pendant toute cette période, le seul gage d’ unité (relative) de ceux qui se désignaient comme les « Confédérés » (
1443 te cette période, le seul gage d’unité (relative) de ceux qui se désignaient comme les « Confédérés » (Eidgenossen, compag
1444 serment). Le Directoire français, en 1798, tenta d’ imposer une Constitution unitaire aux cantons. Cette expérience jacobi
1445 n unitaire aux cantons. Cette expérience jacobine de « République une et indivisible » échoua contre la résistance presque
1446 différentes religions et cette extrême différence de mœurs qui existent entre ses diverses parties. La nature a fait votre
1447 t fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’ un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’un
1448 En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’ une « organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé suiv
1449 ntérêt et son opinion ». L’année suivante, l’Acte de Médiation rétablissait l’indépendance des cantons. Au lendemain de la
1450 blissait l’indépendance des cantons. Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le
1451 ndépendance des cantons. Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le retour à l’
1452 le pouvoir central par une simple Diète composée de plénipotentiaires des États, et supprimait le terme de « citoyen suis
1453 énipotentiaires des États, et supprimait le terme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé l’Acte de Médiation. Le « Corps h
1454 rme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé l’Acte de Médiation. Le « Corps helvétique », ainsi que l’on nommait alors l’en
1455 l’espace délimité par les Alpes, le Jura, le lac de Constance et le Léman, n’était donc encore, après cinq siècles, guère
1456 près cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue d’ États souverains, une alliance visant à assurer leur sécurité collecti
1457 peu leur politique étrangère. La formule du Pacte de 1291, bien qu’élargie, subsistait essentiellement. Quant aux régimes
1458 ment. Quant aux régimes intérieurs, ils variaient de la démocratie directe (cantons primitifs) à la monarchie (principauté
1459 e (cantons primitifs) à la monarchie (principauté de Neuchâtel) en passant par les systèmes les plus complexes d’oligarchi
1460 l) en passant par les systèmes les plus complexes d’ oligarchies patriciennes pures ou mitigées. Un lien si lâche ne représ
1461 les grandes puissances unifiées, aux portes mêmes de la Suisse : l’Italie et l’Allemagne. Le problème brûlant qui se posai
1462 t aux Suisses, dans cette Europe où les campagnes de Napoléon venaient de susciter les passions nationales, était celui du
1463 passions nationales, était celui du renforcement de leur unité et de la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’a
1464 les, était celui du renforcement de leur unité et de la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché
1465 i du renforcement de leur unité et de la création d’ un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de
1466 emarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce problème dans l’unification systématique, à la manière jacobine, m
1467 rme à leurs anciennes traditions comme au respect de leurs diversités linguistiques, religieuses, politiques et sociales.
1468 t devenir une Nation ? mais bien : comment passer d’ une alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’i
1469 ation ? mais bien : comment passer d’une alliance d’ États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pa
1470 xixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre d’ une manière efficace et durable. 2. Crise du Pacte fédéral (1815-18
1471 éral (1815-1848) La crise ouverte par le Pacte de 1815 devait se prolonger, sans progrès appréciable, pendant trente-tr
1472 ésolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’ une guerre civile qui en fit éclater à tous les yeux la gravité littér
1473 aliste William Martin — ressemblait sous le Pacte de 1815 à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons souverains étaient les maî
1474 in — ressemblait sous le Pacte de 1815 à l’Europe d’ aujourd’hui. Les cantons souverains étaient les maîtres incontestés de
1475 antons souverains étaient les maîtres incontestés de leur politique économique. On comptait alors en Suisse 11 mesures de
1476 conomique. On comptait alors en Suisse 11 mesures de pieds, 60 espèces d’armes, 87 mesures de grain, 81 pour les liquides
1477 t alors en Suisse 11 mesures de pieds, 60 espèces d’ armes, 87 mesures de grain, 81 pour les liquides et 50 poids différent
1478 mesures de pieds, 60 espèces d’armes, 87 mesures de grain, 81 pour les liquides et 50 poids différents. » Le régime monét
1479 nétaire n’était pas moins chaotique. « Incapables de s’entendre sur aucune mesure commune, les cantons multipliaient les m
1480 ue toutes les erreurs que nous avons vu commettre de nos jours en Europe ont eu leurs précédents sous la Restauration22. »
1481 s analogues. Les cantons se montraient incapables de pratiquer une politique commune à l’égard des grandes nations voisine
1482 mais ils n’hésitaient pas à décréter des mesures de blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de 400 taxes
1483 contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de 400 taxes et droits de péages sur les marchandises passant d’un canto
1484 . On ne comptait pas moins de 400 taxes et droits de péages sur les marchandises passant d’un canton à un autre ou d’une c
1485 et droits de péages sur les marchandises passant d’ un canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait par
1486 es marchandises passant d’un canton à un autre ou d’ une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières
1487 le seul canton du Tessin « ne prélevait pas moins de treize taxes différentes sur la route du Gothard, avec obligation de
1488 férentes sur la route du Gothard, avec obligation de décharger chaque fois la marchandise pour la peser ». Le trafic étran
1489 évitait donc la Suisse. Bien plus, un industriel de Saint-Gall avait intérêt à faire passer ses produits destinés à l’Ita
1490 ue par les routes suisses traversant une douzaine de frontières cantonales, par des routes et des ponts également frappés
1491 es, par des routes et des ponts également frappés de droits. Si l’industrie suisse put survivre à de telles conditions, el
1492 s de droits. Si l’industrie suisse put survivre à de telles conditions, elle ne le dut qu’à l’initiative privée et à la ha
1493 ut qu’à l’initiative privée et à la haute qualité de sa main-d’œuvre, héritière d’un très vieil artisanat : les États fais
1494 à la haute qualité de sa main-d’œuvre, héritière d’ un très vieil artisanat : les États faisaient tout pour l’étouffer, so
1495 atteinte. (Les députés votaient sur instructions de leur État. La chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé de pr
1496 chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de résidence tous les deux ans.)
1497 eau chargé de préparer les affaires, et changeait de résidence tous les deux ans.) Les pressions étrangères, venant de la
1498 s les deux ans.) Les pressions étrangères, venant de la France, de Metternich, ou de la Grande-Bretagne, finissaient donc,
1499 .) Les pressions étrangères, venant de la France, de Metternich, ou de la Grande-Bretagne, finissaient donc, dans la plupa
1500 trangères, venant de la France, de Metternich, ou de la Grande-Bretagne, finissaient donc, dans la plupart des cas, par im
1501 n. « Je mènerai ces gens à la baguette, il suffit de les diviser ! », écrivait alors à son gouvernement l’ambassadeur de F
1502 , écrivait alors à son gouvernement l’ambassadeur de France. Il n’exagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une C
1503 en effet, une Confédération qui ne disposait que de contingents militaires levés et entretenus, chacun pour son compte, p
1504 verains ? (Elle avait bien en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son état-major, e
1505 n en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son état-major, et quelques fonctionnaires
1506 s du « service étranger », commandés par des fils de familles nobles suisses. Les idées libérales, qu’on nommait alors « r
1507 répandaient dans la bourgeoisie, et provoquèrent de nombreuses révolutions cantonales, visant et aboutissant souvent à dé
1508 et aboutissant souvent à déposséder le patriciat de ses droits exclusifs à gouverner. Cette agitation et ces déséquilibre
1509 séquilibres sociaux devaient nourrir le mouvement de « Régénération » qui se prononça dès 1830. Influencée par l’action de
1510 qui se prononça dès 1830. Influencée par l’action de nom­breuses sociétés plus ou moins « culturelles » (de chanteurs, de
1511 m­breuses sociétés plus ou moins « culturelles » ( de chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de t
1512 étés plus ou moins « culturelles » (de chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusi
1513 moins « culturelles » (de chanteurs, de savants, d’ étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui s
1514 urelles » (de chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui seules entrete
1515 chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal
1516 avants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal d’une patrie c
1517 rs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal d’ une patrie commune et d’une véritable fédération, la Régénération conq
1518 les entretenaient l’idéal d’une patrie commune et d’ une véritable fédération, la Régénération conquit le pouvoir dans plus
1519 ans plusieurs cantons en vue de hâter l’avènement d’ une Suisse unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons
1520 a pression des cantons « régénérés », le principe d’ une révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargé
1521 e d’une révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rappo
1522 fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle présenta après
1523 on de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle présenta après quelques mois comport
1524 omportait un commentaire dû à la plume du délégué de Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut la peine d’en citer quelques pass
1525 é de Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut la peine d’ en citer quelques passages, qui évoquent irrésistiblement des situatio
1526 ons que l’Europe a bien connues depuis, aux temps de la Société des Nations, puis au lendemain de la Deuxième Guerre mondi
1527 emps de la Société des Nations, puis au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Rossi remarquait d’abord que la faibless
1528 e du lien fédéral institué en Suisse par le Pacte de 1815 créait « une illusion plus dangereuse que l’isolement » par la f
1529 écrivait la paralysie qui frappe une Diète formée de délégués d’États souverains et non de députés des peuples : « Lequel
1530 paralysie qui frappe une Diète formée de délégués d’ États souverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a
1531 iète formée de délégués d’États souverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a dû souvent déplorer la for
1532 uverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle des délibérations fédé
1533 r sur les autres… Ces députés obligés quelquefois de résister aux vérités les mieux démontrées… Les magistrats directeurs
1534 servir deux maîtres, être tour à tour les hommes de la Confédération et les hommes du canton… Il n’est, ce me semble, auc
1535 es du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas
1536 veur, pas même la raison, d’ailleurs bien faible, de l’économie… » Et Rossi concluait en montrant les progrès « mémorables
1537 dérale dans l’élite et les masses : « Oui, l’idée d’ une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent l
1538 acteurs des temps modernes, c’est une des gloires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce sentiment pl
1539 ires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce sentiment plus d’énergie. Ce mémorable progrès, tout nous
1540 dée ait acquis plus de netteté, ce sentiment plus d’ énergie. Ce mémorable progrès, tout nous le révèle. Les paroles, les é
1541 és littéraires et savantes, les vœux, les projets d’ un grand nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise
1542 savantes, les vœux, les projets d’un grand nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est
1543 -même, et ce malaise général qu’il est impossible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une c
1544 u Pacte » se résumait essentiellement dans l’idée de créer un équilibre vivant entre la souveraineté des cantons et leur u
1545 voir fédéral ». La Ligue des cantons, enfin dotée d’ organes législatifs, exécutifs, judiciaires, administratifs et militai
1546 aires, devait être transformée en un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas à convaincre le
1547 un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas à convaincre les partisans de l’esprit de cloche
1548 e Rossi ne parvint pas à convaincre les partisans de l’esprit de clocher et de l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent l
1549 arvint pas à convaincre les partisans de l’esprit de clocher et de l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent le projet tim
1550 onvaincre les partisans de l’esprit de clocher et de l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent le projet timide et trop re
1551 dérante » du sentiment cantonal, souvent qualifié de « national » à l’époque. C’est ainsi qu’un député (le grand savant A.
1552 e Candolle) pouvait s’écrier en 1832 au Parlement de Genève : « Que veulent les partisans du nouveau Pacte ?… Une républiq
1553 … Une république fédérative au lieu d’une réunion d’ États souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des anté
1554 des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice de notre nationalité. » Un au
1555 ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice de notre nationalité. » Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée
1556 e notre nationalité. » Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’une Union suisse s’opposant aux seules réalités
1557 Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’ une Union suisse s’opposant aux seules réalités solides : le sentiment
1558 e qui l’avait rejetée ; Les adversaires du Projet d’ union l’avaient dénoncé comme introduisant « un brandon de discorde »
1559 l’avaient dénoncé comme introduisant « un brandon de discorde » parmi les cantons : il le devint en effet, de par l’acharn
1560 les évidences du bien commun, au nom des préjugés de la souveraineté. Les cantons catholiques, où le parti conservateur re
1561 bund, et à négocier l’intervention des puissances de la Sainte-Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pacte de 1815. L
1562 -Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pacte de 1815. Le Sonderbund pouvait compter sur l’appui de Guizot (protestant
1563 e 1815. Le Sonderbund pouvait compter sur l’appui de Guizot (protestant pourtant, mais d’abord antilibéral), de Metternich
1564 (protestant pourtant, mais d’abord antilibéral), de Metternich, du tsar, du roi de Sardaigne et du roi de Prusse. La Fran
1565 les cantons libéraux décrétèrent le bannissement de l’ordre des jésuites, en 1847, la guerre civile éclata. Les libéraux
1566 radicaux ») détenaient la majorité et disposaient de contingents militaires supérieurs en nombre et en armement. Mais ils
1567 tes à intervenir pour empêcher toute modification de régime favorable au libéralisme. Seul, Palmerston appuyait les réform
1568 formistes (considérés par les chancelleries comme de « dangereux tyrans » partisans de la Révolution) : il pressentait que
1569 celleries comme de « dangereux tyrans » partisans de la Révolution) : il pressentait que l’instauration d’une Suisse unie
1570 a Révolution) : il pressentait que l’instauration d’ une Suisse unie et libérale donnerait le signal du renversement de l’o
1571 e et libérale donnerait le signal du renversement de l’ordre imposé à l’Europe par la Sainte-Alliance. La courte guerre ci
1572 civile du Sonderbund (équivalent presque littéral de la guerre de Sécession américaine) fut suivie avec passion par l’opin
1573 derbund (équivalent presque littéral de la guerre de Sécession américaine) fut suivie avec passion par l’opinion européenn
1574 uragement efficace aux libéraux. Mais il convient de souligner qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un fa
1575 uligner qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle r
1576 la reddition. L’étranger n’avait pas eu le temps d’ intervenir. Les vainqueurs se montrèrent généreux : par souscription p
1577 protestants, ils contribuèrent à couvrir la dette de guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nation
1578 e de guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nationale ainsi créée, la Diète décida d’entreprendre
1579 nciliation nationale ainsi créée, la Diète décida d’ entreprendre sans plus de délai la rédaction d’une Constitution fédéra
1580 da d’entreprendre sans plus de délai la rédaction d’ une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur le
1581 déralistes sur les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’États à l’État fédératif (17 février-17 novembre 1848)
1582 ur les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’ États à l’État fédératif (17 février-17 novembre 1848) Tandis que l
1583 les diverses capitales européennes, tout au long de l’année 1848, les Suisses profitèrent du répit que leur laissaient, m
1584 pour accomplir en quelques mois la transformation de leur séculaire Ligue d’États en un État fédératif durable et fort. La
1585 es mois la transformation de leur séculaire Ligue d’ États en un État fédératif durable et fort. La commission de révision,
1586 un État fédératif durable et fort. La commission de révision, nommée par la Diète et comprenant un délégué par canton, se
1587 8. La majorité des commissaires étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres des co
1588 périeurs, d’autres des commerçants, des médecins, d’ anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes
1589 commerçants, des médecins, d’anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes d’expérience politique
1590 des médecins, d’anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes d’expérience politique, pas un seul
1591 de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes d’ expérience politique, pas un seul publiciste ou pur intellectuel. Dès
1592 r les discours démagogiques et les comptes rendus de presse qui « à peu d’exceptions près — comme le déclarait un des memb
1593 iques et les comptes rendus de presse qui « à peu d’ exceptions près — comme le déclarait un des membres — relatent ordinai
1594 des membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de
1595 e 31 séances plénières, ils élaborèrent un projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet de 1832,
1596 ils élaborèrent un projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet de 1832, mais les plus important
1597 s. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet de 1832, mais les plus importants furent le fruit original des discussio
1598 aborda l’examen. Une première lecture, un renvoi de quelques articles à une Commission, une seconde lecture et le vote fi
1599 Les votes populaires eurent lieu pendant le mois d’ août. Le 4 septembre, la Diète se réunit une dernière fois pour prendr
1600 nos jours. L’essor économique, social et culturel de la nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune des catastrophes prédite
1601 trophes prédites et calculées par les adversaires de la fédération ne se produisit. Souple synthèse des autonomies locales
1602 u cantonales d’une part, des nécessités pratiques de l’union d’autre part, la Constitution de 1848 ne mérite pas seulement
1603 ratiques de l’union d’autre part, la Constitution de 1848 ne mérite pas seulement l’épithète de fédérale : elle est précis
1604 tution de 1848 ne mérite pas seulement l’épithète de fédérale : elle est précisément fédéraliste, dans ses visées comme pa
1605 ositions. Le législatif, par exemple, s’y compose de deux chambres dont l’une représente le peuple, l’autre les États. L’e
1606 u par ces chambres réunies, combine les attributs d’ un chef d’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut
1607 ne les attributs d’un chef d’État à sept têtes et d’ un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres
1608 uts d’un chef d’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même
1609 un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’ un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des
1610 binet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des diff
1611 anton. Un Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil entre l’État central et les cantons, corporations ou part
1612 le problème théoriquement tenu pour « insoluble » de l’abolition des souverainetés nationales se trouve résolu par un comp
1613 ue, satisfait au bon sens. Escamotage ou solution de sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles : Article 1.
1614 1. Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance, … forment dans leur ensembl
1615 on ajoute que la Constitution assure les libertés d’ établissement, de culte, d’association, de pétition et d’expression, e
1616 Constitution assure les libertés d’établissement, de culte, d’association, de pétition et d’expression, et qu’elle établit
1617 on assure les libertés d’établissement, de culte, d’ association, de pétition et d’expression, et qu’elle établit l’égalité
1618 ibertés d’établissement, de culte, d’association, de pétition et d’expression, et qu’elle établit l’égalité devant la loi 
1619 issement, de culte, d’association, de pétition et d’ expression, et qu’elle établit l’égalité devant la loi ; qu’elle crée
1620 intérieurs et reporte les douanes aux frontières de la Confédération, quitte à indemniser les cantons ; qu’elle uniformis
1621 des cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure de révision « en tout temps » par initiative populaire ou parlementaire
1622 re ou parlementaire — on aura rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partie
1623 a rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la révision général
1624 l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la révision générale (de tendance un peu plu
1625 de révisions partielles, et la révision générale ( de tendance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé
1626 rice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus d’ un siècle ni l’esprit ni le caractère spécifiquement fédéralistes.
1627 listes. 4. Une expérience-témoin L’adoption de la Constitution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité des histori
1628 xpérience-témoin L’adoption de la Constitution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité des historiens suisses comme l
1629 des historiens suisses comme l’événement capital de l’histoire des Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’exp
1630 e l’histoire des Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’expériences souvent amères, confirma les droits et les
1631 Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’ expériences souvent amères, confirma les droits et les devoirs lenteme
1632 ais la Suisse. Cet acte central, axial et décisif de l’histoire suisse appelle quelques commentaires qui en dégageront l’o
1633 euples, et à sa mise en vigueur effective, paraît d’ autant plus remarquable que ce processus-éclair (9 mois en tout !) suc
1634 (9 mois en tout !) succédait à une longue période de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’ab
1635 it à une longue période de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de publicité des déb
1636 ériode de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de publicité des débats et le soin qu
1637 refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de publicité des débats et le soin que l’on apporta à ne point passionne
1638 a à ne point passionner les esprits (au lendemain d’ une guerre civile et religieuse)25 contribua sans nul doute à cette cé
1639 euse)25 contribua sans nul doute à cette célérité d’ exécution, mais aussi à la stabilité du futur État. Plus révolutionnai
1640 es chartes revendiquées ailleurs par le mouvement de 1848, la Constitution fédérale fut présentée au peuple comme un compr
1641 aux. À vrai dire, elle portait toutes les marques de cette modération, née du juste équilibre des contraires, qui dénote l
1642 équilibre des contraires, qui dénote la présence d’ un sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure de transition ne f
1643 sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure de transition ne fut prévue entre l’ordre (ou le désordre) traditionnel
1644 traditionnel et le nouveau régime ; nul « système d’ écluse » et nul délai d’application. Or la suppression, d’un trait de
1645 au régime ; nul « système d’écluse » et nul délai d’ application. Or la suppression, d’un trait de plume, des douanes intér
1646  » et nul délai d’application. Or la suppression, d’ un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre ét
1647 élai d’application. Or la suppression, d’un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre établissement
1648 des entraves au libre établissement des citoyens d’ un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme d
1649 ant fatalement semer le chaos et la ruine dans la vie économique du pays. On prédisait la faillite des industries « protégé
1650 es, chimères et utopies ». L’ascension économique d’ un riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’un pau
1651 ton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’ un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin) plus lente, mais cert
1652 pposants à l’union européenne. On ne manquera pas de dire que dans la grande Europe moderne, les problèmes ne sont pas hom
1653 ope moderne, les problèmes ne sont pas homologues de ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’il f
1654 rne, les problèmes ne sont pas homologues de ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’il fallait t
1655 tuelle est pratiquement plus petite que la Suisse de 1848. Ses États souverains ne sont guère plus différents entre eux qu
1656 entre eux que ne l’étaient les paysans primitifs d’ Appenzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombr
1657 primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradi
1658 de Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradition nationale… Si, à bien des égards, la formati
1659 on nationale… Si, à bien des égards, la formation de la Suisse comme État représente une expérience de laboratoire annonça
1660 de la Suisse comme État représente une expérience de laboratoire annonçant des applications futures à grande échelle, il f
1661 n époque elle se produisit comme à contre-courant de l’Histoire. Déjà, le pacte de 1291, dernier reflet du mouvement des c
1662 me à contre-courant de l’Histoire. Déjà, le pacte de 1291, dernier reflet du mouvement des communes italiennes, françaises
1663 munale au Moyen Âge ; elle représente le résultat d’ une révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De mêm
1664 puisse attribuer précisément au mouvement général de 1848, partout ailleurs étouffé après la première explosion d’enthousi
1665 tout ailleurs étouffé après la première explosion d’ enthousiasme et de violence populaire. Une dernière remarque s’impose.
1666 ffé après la première explosion d’enthousiasme et de violence populaire. Une dernière remarque s’impose. Elle concerne le
1667 ne le sens du mot fédéralisme, qui est le mot-clé de l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une vraie fédératio
1668 est le mot-clé de l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une vraie fédération, mais ils passaient pour des cent
1669 ien qu’ils fussent opposés à tout ce qui menaçait de diminuer les souverainetés locales et d’établir un lien fédéral effic
1670 menaçait de diminuer les souverainetés locales et d’ établir un lien fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’inti
1671 és locales et d’établir un lien fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse,
1672 « fédéralistes », en Suisse, sont les adversaires de toute extension du pouvoir central, tandis que ceux qui s’intitulent
1673 déralistes » au plan européen, sont les partisans d’ une union institutionnelle de nos pays. Cette contradiction apparente
1674 , sont les partisans d’une union institutionnelle de nos pays. Cette contradiction apparente et purement verbale s’expliqu
1675 ure dialectique du fédéralisme, doctrine pratique de l’union dans la diversité. Le fédéralisme doit donc souligner le thèm
1676 sité. Le fédéralisme doit donc souligner le thème de l’union quand les diversités tendent à devenir des divisions, — ou le
1677 en Suisse, n’est pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédération, et donne la formule générale de tous les dé
1678 e, n’est pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédération, et donne la formule générale de tous les débats qu’
1679 de la Confédération, et donne la formule générale de tous les débats qu’y soulèvent les questions politiques, économiques
1680 s plus concrètes. Bibliographie Les sources de l’histoire suisse sont cantonales et locales, jusqu’au xixe siècle.
1681 Suisse compte 25 cantons ! Les meilleurs ouvrages d’ ensemble sur l’histoire suisse considérée dans son unité datent des dé
1682 27 ; id., Der älteste Schweizerbund, dans « Revue d’ Histoire suisse », n. 1 et 2, 1924. Sur la Constitution de 1848 : F. F
1683 re suisse », n. 1 et 2, 1924. Sur la Constitution de 1848 : F. Fleiner, Schweizer Bundesstaatsrecht, Tubingue, 1922 ; Will
1684 22 ; William E. Rappard, La Constitution fédérale de 1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage de base, contenant de larges extraits
1685 tution fédérale de 1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage de base, contenant de larges extraits du Protocole de la Commission cons
1686 1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage de base, contenant de larges extraits du Protocole de la Commission constituante et des jou
1687 e base, contenant de larges extraits du Protocole de la Commission constituante et des journaux privés des membres de la C
1688 n constituante et des journaux privés des membres de la Commission). Voir aussi : Fritz Fleiner, Entstehung und Wandlung m
1689 Schweiz, Zurich, 1916 ; William Martin, Histoire de la Suisse, Paris 1930 ; Gonzague de Reynold, Conscience de la Suisse,
1690 sse, Paris 1930 ; Gonzague de Reynold, Conscience de la Suisse, Neuchâtel, 1938 ; Denis de Rougemont, La Confédération he
1691 nd, Oxford, 1954. 22. William Martin, Histoire de la Suisse, Paris, 1926, p. 241. 23. Au facteur fédéralisant que repr
1692 que représentèrent alors les sociétés helvétiques de tous ordres, il faut ajouter le rôle accidentel mais très efficace qu
1693 on ouvrage essentiel sur la Constitution fédérale de 1848, présente ainsi la très curieuse figure de Rossi : « Né à Carrar
1694 e de 1848, présente ainsi la très curieuse figure de Rossi : « Né à Carrare, venu en Suisse comme réfugié politique au déb
1695 , venu en Suisse comme réfugié politique au début de la Restauration, il fut le premier professeur catholique à l’Académie
1696 fut le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’ornement du Conseil représentatif genevois, avant de deve
1697 if genevois, avant de devenir ambassadeur et pair de France, et de mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical de Pi
1698 vant de devenir ambassadeur et pair de France, et de mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical de Pie IX, en 1848 
1699 mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical de Pie IX, en 1848 ». (L’année même où ses idées triomphèrent enfin dans
1700 e même où ses idées triomphèrent enfin dans l’une de ses patries d’adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droi
1701 dées triomphèrent enfin dans l’une de ses patries d’ adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droit de vote, 55 %
1702 n.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droit de vote, 55 % à peine se dérangèrent pour accepter ou rejeter la Constit
1703 la Constitution ! 26. Ernest Gagliardi, Histoire de la Suisse, Zurich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis de, « Une exp
1704 sse, Zurich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis de , « Une expérience de fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et d
1705 p. 79. n. Rougemont Denis de, « Une expérience de fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et du XXe siècle, vol. 1,
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
1706 La nature profonde de l’Europe (juin 1959)m Si l’Europe disparaissait, le monde perdrai
1707 Europe disparaissait, le monde perdrait le secret d’ un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès
1708 le secret d’un certain équilibre des contraires, d’ une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque hum
1709 qui est l’accroissement du risque humain ; secret de notre ordre et aussi de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi
1710 du risque humain ; secret de notre ordre et aussi de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi de notre inquiétude, in
1711 de notre ordre et aussi de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition
1712 de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme localement d
1713 re foi, et aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme localement déterminé qui cependant veut l’uni
1714 de notre inquiétude, inséparable de la condition d’ un homme localement déterminé qui cependant veut l’universel. Denis de
1715 urope s’est définie dans le monde par son pouvoir d’ aller au-delà d’elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et
1716 nie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà d’ elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et de transcender s
1717 onde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et de transcender son destin au
1718 r au-delà d’elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et de transcender son destin au nom d’une vocation universe
1719 -même, de dépasser les conditions de sa nature et de transcender son destin au nom d’une vocation universelle. Qu’est-ce e
1720 -ce en somme que la Renaissance ? Sinon le moment d’ intégration violente de toutes les composantes, souvent contradictoire
1721 aissance ? Sinon le moment d’intégration violente de toutes les composantes, souvent contradictoires, qui ont fait l’Europ
1722 ert le monde : elle l’a fait. Épousons cette idée d’ une Europe qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas
1723 ses limites. 1. C’est l’Europe qui a conçu l’idée d’ humanité, la vision planétaire d’un genre humain issu du Dieu unique d
1724 i a conçu l’idée d’humanité, la vision planétaire d’ un genre humain issu du Dieu unique de la Genèse et destiné au grand r
1725 planétaire d’un genre humain issu du Dieu unique de la Genèse et destiné au grand rassemblement « des nations et des lang
1726 vient confluer la source grecque : l’homme mesure de toutes choses selon Protagoras, le « cosmopolite » du Portique, le « 
1727 osmopolite » du Portique, le « citoyen du monde » de Socrate. Et Plutarque loue Alexandre d’avoir voulu « réunir comme en
1728 u monde » de Socrate. Et Plutarque loue Alexandre d’ avoir voulu « réunir comme en un seul grand vase tous les peuples du m
1729 grand vase tous les peuples du monde entier » et d’ avoir « ordonné que tous considèrent la Terre comme leur patrie ». De
1730 ue tous considèrent la Terre comme leur patrie ». De l’esprit de solidarité évangélique — que tous soient un comme les mem
1731 idèrent la Terre comme leur patrie ». De l’esprit de solidarité évangélique — que tous soient un comme les membres variés
1732 que — que tous soient un comme les membres variés d’ un même corps, participant du même Esprit — et des notions conjointes
1733 cipant du même Esprit — et des notions conjointes d’ Église et de personne dériveront plus tard le droit des gens, les droi
1734 me Esprit — et des notions conjointes d’Église et de personne dériveront plus tard le droit des gens, les droits de l’homm
1735 droit des gens, les droits de l’homme, et l’idée d’ une « histoire universelle », dès Augustin. Dira-t-on que les spéciali
1736 trouvent des notions analogues dans les religions de l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes sont Européens sans doute ;
1737 notions analogues dans les religions de l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes sont Européens sans doute ; et, que l’on
1738 nnement, ni même à provoquer la moindre tentative d’ associer les nations de toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Eu
1739 oquer la moindre tentative d’associer les nations de toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Europe qui a donné naissa
1740 it qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’ une illusion semblable lorsque nous constatons que tous les peuples d’
1741 able lorsque nous constatons que tous les peuples d’ une planète entièrement inventoriée adoptent aujourd’hui nos sciences
1742 ragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin de l’ère du colonialisme européen que coïncide cette contagion occidenta
1743 agion occidentale accélérée dans tous les peuples de Bandung. Désormais délivré de notre impérialisme qui avait su respect
1744 ns tous les peuples de Bandung. Désormais délivré de notre impérialisme qui avait su respecter les mandarins, le quart chi
1745 vait su respecter les mandarins, le quart chinois de l’humanité se met à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de
1746 , le quart chinois de l’humanité se met à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de notre alphabet. Nul mouvement
1747 de l’humanité se met à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’est en
1748 à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’est encore observé, ni mêm
1749 itime. C’est elle qui a su trouver les substituts de l’ancienne route de la soie. Et son colonialisme honni fut aussi la p
1750 i a su trouver les substituts de l’ancienne route de la soie. Et son colonialisme honni fut aussi la première « mise en va
1751 es les variétés continentales. Ne parlons pas ici d’ une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en
1752 continentales. Ne parlons pas ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins
1753 ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’ une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondiale. À la v
1754 cte pas moins une politique mondiale. À la veille de la guerre de 1914, les échanges de l’Europe avec le monde représentai
1755 une politique mondiale. À la veille de la guerre de 1914, les échanges de l’Europe avec le monde représentaient 38 % de s
1756 e. À la veille de la guerre de 1914, les échanges de l’Europe avec le monde représentaient 38 % de son commerce. Aujourd’h
1757 ges de l’Europe avec le monde représentaient 38 % de son commerce. Aujourd’hui, les importations des États-Unis ne corresp
1758 rtations des États-Unis ne correspondent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europe n’est rien sans le monde : elle doit ê
1759 ue rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Europe de soi-même. L’archéologie, l’ethnographie, la paléontologie, la paléogr
1760 e Récapitulation du genre humain est une création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce piège à l’espace
1761 genre humain est une création de l’histoire. Qui d’ autre que l’Europe a su tendre ce piège à l’espace et au temps de l’hu
1762 nce à l’énumérer ; c’est « tout ou presque tout » de ce qui donne sa figure à la modernité du monde. L’idée même de modern
1763 ne sa figure à la modernité du monde. L’idée même de modernité, cet instantané du Progrès… L’idée même de Laboratoire, ce
1764 modernité, cet instantané du Progrès… L’idée même de Laboratoire, ce lieu privilégié où l’on viole les tabous, mais qu’ent
1765 ois l’Asie sous-développée courir après l’exemple de la Chine, qui croit imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Améri
1766 veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention, fomentées l
1767 qui est une invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention, fomentées l’une par l’autre et complice
1768 tion de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention, fomentées l’une par l’autre et complices à jamais, comme
1769 vres et nos techniques, toutes les autres parties de la Terre sont mises en communication, bon gré mal gré, pour la premiè
1770 un organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut prétendre à pareille fonction ou s’y trouve à ce
1771 ouve à ce point prédestinée. Du seul point de vue de l’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatri
1772 s, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’ une circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle 
1773 core loin de pouvoir vendre au monde les produits de son école du soir industrielle. L’URSS vit en autarcie, grâce à des c
1774 oit condamnée par l’histoire à reprendre son rôle d’ animatrice des échanges internationaux. Par quoi n’entendez point je n
1775 dez point je ne sais quel leadership (nom moderne de l’hégémonie), conception déjà dépassée et au surplus disqualifiée par
1776 iée par ceux-là mêmes qui l’attaquent sous le nom d’ impérialisme, avouant leur ambition de l’exercer à leur tour, mais n’e
1777 sous le nom d’impérialisme, avouant leur ambition de l’exercer à leur tour, mais n’en montrant pas les moyens. L’Europe da
1778 ion mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance de dépassement d’elle-même. À cet appel, toutefois, l’Europe ne peut rép
1779 n foyer, une perpétuelle puissance de dépassement d’ elle-même. À cet appel, toutefois, l’Europe ne peut répondre que dans
1780 sure où elle est forte et saine : c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue d
1781 c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évide
1782 esure de son intégration, c’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évidente en tant
1783 ’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évidente en tant qu’unité de culture. Seuls
1784 extérieur, l’Europe est évidente en tant qu’unité de culture. Seuls les Européens qui se veulent avant tout champions de n
1785 les Européens qui se veulent avant tout champions de nations différentes, ayant appris par cœur les raisons de se haïr dan
1786 ns différentes, ayant appris par cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels d’histoire primaires et secondaires, s’ima
1787 ar cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels d’ histoire primaires et secondaires, s’imaginent qu’on les voit différen
1788 s, ils les distinguent très mal, suprême outrage, de leurs cousins américains… Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets d
1789 icains… Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets de nos États colonialistes : ils exceptent aussitôt cet État de la commu
1790 s colonialistes : ils exceptent aussitôt cet État de la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui disait
1791 le ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’ étudiants internationaux : « Nous détestons pour telle raison précise
1792 çais, les Portugais, mais en revanche nous aimons d’ amour l’Europe entière et sa culture. » Aucun de nos pays ne peut donc
1793 s d’amour l’Europe entière et sa culture. » Aucun de nos pays ne peut donc bénéficier du crédit qui s’attache à l’Europe t
1794 niverselles que dans la mesure où elles résultent de nos variétés infinies et de leur équilibre en tension. L’impossible
1795 re où elles résultent de nos variétés infinies et de leur équilibre en tension. L’impossible solitude À ces nécessité
1796 nes et globales, dictées par l’attente des élites d’ outre-mer et par la conjoncture mondiale, répondent les nécessités int
1797 cture mondiale, répondent les nécessités internes de l’union. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à repré
1798 sités internes de l’union. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valablement l’ensemble Europ
1799 aux Européens , que je lus en clôture du congrès de La Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi : L’Europe est menacée, l’Eu
1800 nace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée de barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient
1801 e, encombrée de barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désuni
1802 éger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
1803 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
1804 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
1805 re changé depuis ce congrès, qui marqua le départ de l’action pour l’Europe. Malgré l’humiliant démenti que lui infligea l
1806 ré l’humiliant démenti que lui infligea l’affaire de Suez, l’illusion de la « souveraineté nationale » persiste. Elle règn
1807 ti que lui infligea l’affaire de Suez, l’illusion de la « souveraineté nationale » persiste. Elle règne encore sur l’affec
1808 e » persiste. Elle règne encore sur l’affectivité de la plupart de nos hommes d’État, victimes généralement vertueuses d’u
1809 s hommes d’État, victimes généralement vertueuses d’ un vocabulaire périmé, qui plaît aux foules. Cet irréalisme têtu, ce s
1810 x foules. Cet irréalisme têtu, ce sentimentalisme de cadets, explique seul que la politique de nos États se veuille encore
1811 talisme de cadets, explique seul que la politique de nos États se veuille encore absurdement « indépendante », en dépit de
1812 r que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout contenu économique ou politique ne saurait mener théoriquement q
1813 et ne mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’ un des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aus
1814 ssi… La France est « un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux dominions par tous les océans,
1815 minions par tous les océans, mais elle est isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle est au cen
1816 La Suisse est neutre parce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’une histoire très ancienne ; l’Autriche est ne
1817 rce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’ une histoire très ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’elle
1818 aussi parce qu’elle touche la Russie, et à cause d’ histoires très récentes. Ainsi tout sert nos souverainetés, tout leur
1819 encore, puisqu’elles gardent au moins le pouvoir de refuser l’union sous ce prétexte, tout sauf les évidences économiques
1820 mais fictives. Nous voyons converger vers l’union de l’Europe les nécessités individuelles de toutes nos nations, sans exc
1821 l’union de l’Europe les nécessités individuelles de toutes nos nations, sans exception, et les nécessités collectives de
1822 ns, sans exception, et les nécessités collectives de la conjoncture mondiale. Tenant compte des unes et des autres, commen
1823 le fédéralisme est bien compris comme une méthode d’ union dans la diversité. Or cette méthode n’est pas seulement la plus
1824 rtune qui se présente : elle est le principe même de l’existence européenne, elle est l’Europe en tant que pouvoir créateu
1825 s vocations personnelles et communautaires. C’est de l’ensemble des tensions valables et fécondes qui la tissent depuis de
1826 os guerres le démontrent à l’envi. Mais le risque de courts-circuits ne doit pas entraîner la suppression des installation
1827 ssion des installations électriques, productrices de lumière et d’énergie, — comme le proposent en somme, au nom de la pai
1828 allations électriques, productrices de lumière et d’ énergie, — comme le proposent en somme, au nom de la paix, les neutral
1829 ue cartésienne, mais qui n’est guère que l’esprit de système tantôt paresseux, tantôt fanatique et jacobin, répugnent à co
1830 bin, répugnent à concevoir l’équilibre en tension de réalités valables mais contradictoires comme l’union et l’autonomie —
1831 Trinité est animée par l’union et la distinction de trois personnes. Prenez la musique : chaque voix chantant sa seule pa
1832 u’un chœur ou qu’un orchestre, créations typiques de l’Europe). Prenez la peinture : les couleurs chantent si elles sont b
1833 es uniformes. Prenez, le corps humain. Prenez, la vie . Tout ce qui vit, tout ce qui crée, vit et crée en dépit de cette ten
1834 ’union fédérale, seule conforme à la formule même de l’Europe, et n’ayant d’autre but que d’entretenir un foyer permanent
1835 onforme à la formule même de l’Europe, et n’ayant d’ autre but que d’entretenir un foyer permanent d’animation mondiale des
1836 mule même de l’Europe, et n’ayant d’autre but que d’ entretenir un foyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne sa
1837 t d’autre but que d’entretenir un foyer permanent d’ animation mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacob
1838 changes, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos
1839 saurait se définir en termes jacobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos États se dé
1840 nir en termes jacobins de nation, de supernation, d’ autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos États se définissent depuis
1841 acobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou d’ hégémonie continentale. Nos États se définissent depuis des siècles pa
1842 définissent depuis des siècles par les frontières de leur domaine, auxquelles ils tentent abusivement de réduire des réali
1843 leur domaine, auxquelles ils tentent abusivement de réduire des réalités aussi hétérogènes que la langue, la défense mili
1844 i est mouvant par définition. Cet incroyable amas de confusions et d’abus s’explique par la mentalité paysanne et bourgeoi
1845 définition. Cet incroyable amas de confusions et d’ abus s’explique par la mentalité paysanne et bourgeoise, cadastrale et
1846 niques. C’est elle encore qui impose aux services de l’État la tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes,
1847 qui impose aux services de l’État la tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain
1848 ïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aériennes. L’Eu
1849 ts de terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aériennes. L’Europe unie du xxe siècle, fonction mondiale et
1850 e unie du xxe siècle, fonction mondiale et foyer de rayonnement planétaire, ne saurait donc être conçue selon le modèle a
1851 aurait donc être conçue selon le modèle archaïque d’ un État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de
1852 modèle archaïque d’un État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de quoi l’intéresser. Le problème,
1853 ïque d’un État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse r
1854 s questions de bornes et de passeports n’ont plus de quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par des historiens
1855 par des historiens amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est une simple sottis
1856 s amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’ être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des onde
1857 s ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle d’ énergie n’est pas défini par ses « limites », mais par l’intensité de
1858 défini par ses « limites », mais par l’intensité de son pouvoir d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’est pas d
1859 « limites », mais par l’intensité de son pouvoir d’ attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’est pas défini par son c
1860 is par l’intensité de son pouvoir d’attraction et d’ émission. Un bassin fluvial n’est pas défini par son contour, mais par
1861 lité. Une personne n’est pas définie par sa fiche de police. Déclencher un processus d’union C’est dans cette perspe
1862 ar sa fiche de police. Déclencher un processus d’ union C’est dans cette perspective ouverte et dynamique, celle d’un
1863 ans cette perspective ouverte et dynamique, celle d’ une méthode pour fomenter de l’universel, non d’une nation reculant un
1864 e et dynamique, celle d’une méthode pour fomenter de l’universel, non d’une nation reculant un peu ses bornes, que doit êt
1865 e d’une méthode pour fomenter de l’universel, non d’ une nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’unio
1866 commun. Ceux qui reprochent aux auteurs du traité de Rome d’avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-ils sincères,
1867 Ceux qui reprochent aux auteurs du traité de Rome d’ avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-ils sincères, ou simp
1868 e Grande Europe qu’ils n’ont cessé depuis dix ans de refuser comme utopique — d’où la nécessité de commencer par la Petite
1869 cessé depuis dix ans de refuser comme utopique — d’ où la nécessité de commencer par la Petite ! — ont-ils bien vu le prob
1870 ans de refuser comme utopique — d’où la nécessité de commencer par la Petite ! — ont-ils bien vu le problème dans son cadr
1871 exalté par sa crise finale ? Il paraît difficile d’ affirmer honnêtement que les promoteurs de la Petite Europe l’ont voul
1872 fficile d’affirmer honnêtement que les promoteurs de la Petite Europe l’ont voulue petite, et que leurs détracteurs actuel
1873 aire, que cette Petite Europe (qui égale sur plus d’ un point les grands États-Unis et dépasse bien souvent le « colosse »
1874 colosse » soviétique) n’est au fond qu’une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on n
1875 ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’ une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclenc
1876 mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher un proc
1877 e libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès mai
1878 évident des Six étant de déclencher un processus d’ union, il serait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se su
1879 rait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se suffire à eux-mêmes ou, pire encore, y parvenaient. Vouloir « réus
1880 itique du Kremlin, très alertée sur le « danger » de l’Europe unie, et cela depuis le congrès de La Haye dont nos journaux
1881 ger » de l’Europe unie, et cela depuis le congrès de La Haye dont nos journaux parlèrent à peine (Staline avait autorisé,
1882 risé, pour ce jour-là précisément, la publication d’ une interview « sensationnelle », d’ailleurs prise trois semaines aupa
1883 e sans nulle raison avouable l’objectif manifeste de la première, qui est d’aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaîtr
1884 able l’objectif manifeste de la première, qui est d’ aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaître la nature même du proc
1885 t ensuite méconnaître la nature même du processus d’ association des Six, étonnamment conforme à la définition que je propo
1886 nforme à la définition que je proposais plus haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’une Europe qui ne serait pas
1887 lus haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’ une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à
1888 sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de foncièrement européen dans l’existence encore fragile des Six, c’est
1889 lle et qui, à leur tour, pourront appeler les Six de l’Est : ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nom
1890 ingt-trois, qui se trouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem, l’Afriqu
1891 n des Pères de l’Église. Et quand les descendants de ces vingt-trois fils (ou « nations », ou même « langues », selon les
1892 ppel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre union, en d’autres termes, les chances de l’Europe ? Celles de
1893 s de notre union, en d’autres termes, les chances de l’Europe ? Celles de la civilisation, ni plus ni moins. Car, je le ré
1894 d’autres termes, les chances de l’Europe ? Celles de la civilisation, ni plus ni moins. Car, je le répète, l’Europe seule,
1895 sures et ses lois, son idée du cosmos et son idée de l’homme. Ou plutôt ses idées sur l’homme, son destin ou sa vocation,
1896 encore dans l’histoire, a su devenir une culture de dialogue, de discussion critique de ses propres fondements : une cult
1897 l’histoire, a su devenir une culture de dialogue, de discussion critique de ses propres fondements : une culture de la lib
1898 r une culture de dialogue, de discussion critique de ses propres fondements : une culture de la liberté, et qui trouve dan
1899 critique de ses propres fondements : une culture de la liberté, et qui trouve dans les risques qu’elle assume, qu’elle fo
1900 r mieux s’éprouver et se mettre elle-même au défi de les intégrer, ses chances les plus sûres de durer. Ce fait patent, sa
1901 défi de les intégrer, ses chances les plus sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent, d’une culture devenue planétai
1902 s sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent, d’ une culture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux, j’y reviendrai
1903 traditionnelles — depuis deux ou trois siècles — de notre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviii
1904 puis deux ou trois siècles — de notre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler
1905 ois siècles — de notre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler et à Toynbee da
1906 otre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler et à Toynbee dans notre siècle, e
1907 me qui n’avaient pas attendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’est installée dans nos esprits. Non seulement nou
1908 uoi : toute grandeur serait suivie nécessairement d’ une décadence. Cette erreur s’explique en partie par le fait que les a
1909 n d’autres civilisations ont disparu sans laisser d’ héritage actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques
1910 ont disparu sans laisser d’héritage actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques, sauvées seulement par q
1911 ’une herbe rase. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
1912 et le Laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut de beaucoup que leurs riv
1913 es de nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
1914 s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Bé
1915 onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Béatitudes,
1916 fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code
1917 les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’ Égypte, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code de Justinien, d’
1918 te, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
1919 ue et les Béatitudes, enfin le code de Justinien, d’ où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, q
1920 vent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour Bandung, à peine moins que
1921 pour Bandung, à peine moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
1922 moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social. Et non
1923 dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social. Et non pas le système des classes hindoues, ni l
1924 , ni le mandarinat, ni le Bushido (je ne juge pas de valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations antiques, sans le
1925 ement, puis métamorphosées et baptisées, au cours d’ un processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt qu
1926 cours d’un processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt que renaissance. Observons qu’elles étaient l
1927 caines et les américaines ; au surplus, entourées de Barbares mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En e
1928 blitération, ou simplement la reprise des charges de notre civilisation ? Les USA ? Ils s’européanisent en profondeur, plu
1929 s’essouffle à rattraper les USA et n’apporte rien de bien neuf — beaucoup d’archaïsme au contraire — à l’entreprise univer
1930 les USA et n’apporte rien de bien neuf — beaucoup d’ archaïsme au contraire — à l’entreprise universelle de coopération pac
1931 chaïsme au contraire — à l’entreprise universelle de coopération pacifique, initiée par l’Europe au nom de sa religion et
1932 e sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’Europe de
1933 n cataclysme ou défaite, nation par nation, faute d’ avoir su se fédérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je don
1934 tenant ma réponse personnelle, présumant que plus d’ un l’approuvera : en perdant notre Europe vivante, le monde perdrait a
1935 , le monde perdrait aussi les secrets et recettes d’ un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès
1936 t recettes d’un certain équilibre des contraires, d’ une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque hum
1937 humain ; et ce ne sont pas seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre désordre ; pas seulement les vertus
1938 seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre désordre ; pas seulement les vertus de notre foi, mais aussi de
1939 ussi de notre désordre ; pas seulement les vertus de notre foi, mais aussi de notre inquiétude, inséparable de la conditio
1940 pas seulement les vertus de notre foi, mais aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme fini et loca
1941 foi, mais aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme fini et localement déterminé, qui cependant v
1942 de notre inquiétude, inséparable de la condition d’ un homme fini et localement déterminé, qui cependant veut l’universel.
1943 ependant veut l’universel. m. Rougemont Denis de , « La nature profonde de l’Europe », Réalités, Paris, juin 1959, p. 8
1944 . m. Rougemont Denis de, « La nature profonde de l’Europe », Réalités, Paris, juin 1959, p. 80, 87-88 et 91.
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
1945 Éclipse ou disparition d’ une civilisation ? (1960)o I Le xxe siècle a vu la civilisati
1946 bienfaits, ses méfaits, ses produits et certaines de ses formes de vie. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multipl
1947 méfaits, ses produits et certaines de ses formes de vie. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier les prophè
1948 faits, ses produits et certaines de ses formes de vie . Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes
1949 , le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ces prophètes sont tous, ou presque tous
1950 Européens. Au lieu d’entonner le chant séculaire de la victoire sans précédent remportée par les pouvoirs civilisateurs d
1951 récédent remportée par les pouvoirs civilisateurs de l’Europe, au lieu de s’émerveiller du fait que le génie européen rayo
1952 ne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler de notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire que je voudrais d’abord e
1953 re que je voudrais d’abord examiner. Au lendemain de la Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Va
1954 Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu d
1955 étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existe
1956 ais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenan
1957 n beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une ci
1958 ns qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie . Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de B
1959 vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
1960 ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
1961 eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
1962 ncevables : elles sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu de phrases plus fréquemment ci
1963 , à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de notre temps. Mais comment expliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre
1964 mps. Mais comment expliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’un de nos grands poètes, cette phrase résume et co
1965 pliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’ un de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques m
1966 er son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’un de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques mots u
1967 dense en quelques mots une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1791, le philosophe français Volney, méditan
1968 : Que sont devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de
1969 devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone,
1970 de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ai
1971 e ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui
1972 parts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de ta
1973 élas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait
1974 ndon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme
1975 olitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’ass
1976 n voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuple
1977 solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’années plus tard, Hegel introduisait
1978 s et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’ années plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est « un
1979 ue chaque peuple est « un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de c
1980 qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’aill
1981 nc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’ épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civ
1982 idu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civilisation européenne
1983 ation européenne marquait l’aboutissement suprême de l’Histoire. Mais en appliquant sa dialectique aux civilisations, on e
1984 civilisations, on en venait à penser que chacune d’ elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée,
1985 t fatalement décliner et mourir après une période d’ apogée, — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus
1986 ulture est mortelle, et nous rejoignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans un effort admirable pour embrasser l’ense
1987 sté jusqu’ici, les lois complexes mais constantes de leur genèse, de leur croissance, et de leur dissolution inévitable. C
1988 es lois complexes mais constantes de leur genèse, de leur croissance, et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et
1989 constantes de leur genèse, de leur croissance, et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’u
1990 inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’ une écrasante érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre
1991 philosophes, armés d’une écrasante érudition, ont d’ autant moins de peine à nous convaincre que d’une part, ils rejoignent
1992 més d’une écrasante érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que d’une part, ils rejoignent, par leurs con
1993 onclusions, notre angoisse quant à l’état présent de l’Europe dans le monde, et que d’autre part, les plus grands esprits
1994 us grands esprits du siècle précédent n’ont cessé d’ annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de
1995 t cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
1996 trophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burc
1997 pe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt, de Donoso Cortés à Georges Sorel, tou
1998 à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt, de Donoso Cortés à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les mo
1999 Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les motifs de craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédicti
2000 agne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés d’ avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-ho
2001 ’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchir
2002 voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royauté mondiale. Déjà le communisme lui dispute non seulem
2003 on seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’ une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de
2004 en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisat
2005 yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondial
2006 ropre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise int
2007 a civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie polit
2008 cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines
2009 précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus,
2010 es peuples émancipés proclament déjà leur volonté de retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que
2011 Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ?
2012 ait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’ une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de
2013 our qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’ une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre à ces qu
2014 de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre à ces questions, formulons tou
2015 pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’ une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être per
2016 pplicables dans notre situation, ni que la courbe de croissance, grandeur et décadence soit la même pour toutes les civili
2017 ns et surtout, dans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient
2018 ans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précéden
2019 Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent de civilisations antiques aujourd’hui « disparues », et particulièrement
2020 sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la
2021 e le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation
2022 ome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire
2023 lisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire au moins. Cet exemple est-il valable pour nous ? La civilisa
2024 omparable, et même tout à fait différent à partir d’ un certain moment, d’un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider s
2025 ut à fait différent à partir d’un certain moment, d’ un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur ce point, force no
2026 ouvoir décider sur ce point, force nous sera donc de rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisation par
2027 nc de rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisation par rapport à toutes les autres, et quel seuil mon
2028 rées locales. II Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas,
2029 civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leur unité origi
2030 ions antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur
2031 unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d’ aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’une doctrine
2032 rd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’ une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux
2033 ée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous
2034 tures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
2035 n européenne s’est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a
2036 est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu s
2037 a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’ unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
2038 moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture, n’a jama
2039 ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture, n’a jamais été autre chose q
2040 e consistant dans la seule volonté commune à tous de refuser l’uniformité. Cependant, cet état de polémique permanente n’a
2041 tous de refuser l’uniformité. Cependant, cet état de polémique permanente n’a pas produit seulement de l’anarchie et des g
2042 de polémique permanente n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites religieuses, int
2043 e je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
2044 les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
2045 ’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
2046 sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
2047 ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’ orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idéaux les plus
2048 n esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idéaux les plus efficaces de notre culture, ceux qui, à m
2049 le souci de décrire les idéaux les plus efficaces de notre culture, ceux qui, à mon sens, la distinguent le mieux d’autres
2050 ultures, qui ont, elles, d’autres vertus. Le sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
2051 Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborés par les civilisations du
2052 iers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborés par les civilisations du Proche-Orient. Mais il
2053 et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’ illusions flatteuses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de w
2054 uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’ à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette e
2055 uses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
2056 sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
2057 x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
2058 éracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
2059 ment de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
2060 ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vérité. D’autre part, le sens critique devrait nécessairement s’aigui
2061 aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contr
2062 plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Nous po
2063 hiques l’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
2064 les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
2065 ître banal à des Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
2066 evés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. Il faut songe
2067 t que l’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
2068 la simple véracité. Leurs cultures leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
2069 s leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
2070 de plus nos calculs… Deuxième caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enrac
2071 ème caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétien
2072 onnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
2073 n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
2074 ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
2075 onc devant son destin sur la terre comme au ciel. De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins
2076  ! — mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie . D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouvert
2077 mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie. D’ où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
2078 donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
2079 te une double exigence de recueillement en soi et d’ ouverture au monde, de méditation et d’action, ou traduit en langage m
2080 de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’action, ou traduit en langage moderne : de loisir vra
2081 en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’ action, ou traduit en langage moderne : de loisir vraiment libre, et d
2082 tion et d’action, ou traduit en langage moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Ici encore, comparons avec ce q
2083 en langage moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’est passé ai
2084 l productif et collectif, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
2085 uctif et collectif, qui devient le seul but de la vie . Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fix
2086 sans relation directe ou immédiate avec le salut de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
2087 de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
2088 personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie , et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contr
2089 la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
2090 e, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie . Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’indi
2091 res traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
2092 magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé. D’ où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical
2093 les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical n’explique pas tout, loi
2094 tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et
2095 u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
2096 leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
2097 votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
2098 qu’elle refuse la réalité du prochain, la dignité de la personne distincte. Et certes, cela ne signifie pas théoriquement
2099 as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
2100 e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
2101 it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’ autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
2102 tre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, soit pou
2103 oyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, soit pour modifier cette relation, d
2104 nces fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, soit pour modifier cette relation, dans
2105 t, soit pour modifier cette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le t
2106 , dans notre cas. Le troisième caractère original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
2107 original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
2108 est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
2109 re que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
2110 se, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ces actes sont faits librement.
2111 ure où ces actes sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
2112 térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
2113 uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spir
2114 nt et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus fa
2115 ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et i
2116 r, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’ idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de t
2117 d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroy
2118 nte en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la
2119 les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la liberté, la reve
2120 e nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la liberté, la revendication de la liber
2121 de toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’
2122 croyance. L’appel de la liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
2123 lement européen, le plus commun à tous les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
2124 t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même m
2125 dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucune passion fondamentale chez les peuplades afri
2126 s peuplades africaines ou chez les fonctionnaires de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la C
2127 les fonctionnaires de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soud
2128 ans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis pour les meneurs
2129 ain un sens précis pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il
2130 à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru b
2131 rétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pa
2132 n de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustre
2133 ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’ illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout par
2134 nt la plupart de nos créations. En effet, du sens de la vérité objective dérivent nos sciences, et par suite, nos techniqu
2135 sciences, et par suite, nos techniques ; du sens de la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté dérivent tou
2136 ens de la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté dérivent toutes nos institutions : et enfin, de la combina
2137 erté dérivent toutes nos institutions : et enfin, de la combinaison des trois vertus résulte notre dynamisme irrépressible
2138 Si nous avons tout d’abord découvert puis marqué de notre empreinte la Terre entière, nous qui n’occupons guère que 5 % d
2139 Terre entière, nous qui n’occupons guère que 5 % de sa surface solide, c’est bien à la complexité de nos origines que nou
2140 de sa surface solide, c’est bien à la complexité de nos origines que nous le devons, aux conflits spirituels, drames et t
2141 igration aventureuse, et toujours à l’exportation de nos produits, donc au total, à l’expansion. Que ce mouvement ait été
2142 orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’ impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
2143 ts qui la subissent, mais c’est la condition même de la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par ses résultats les plus
2144 la subissent, mais c’est la condition même de la vie . Illustrons maintenant ce dynamisme par ses résultats les plus typiqu
2145 point où elles permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
2146 ominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
2147 e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
2148 é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
2149 ire, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette
2150 e concentrer leurs énergies sur cette exploration de la matière, les Européens avaient entrepris, avec non moins d’audace,
2151 , les Européens avaient entrepris, avec non moins d’ audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
2152 entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
2153 ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
2154 nité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
2155 prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’ universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
2156 d’universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
2157 démontré sa conscience. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. L’exploration du temps,
2158 hie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
2159 mplique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
2160 istoire, enseignement de l’histoire, constitution d’ archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
2161 ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
2162 ire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques et
2163 vellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques et finalemen
2164 sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques et finalement : superstition mod
2165 ement : superstition moderne du « sens inévitable de l’histoire », qui influence parfois si profondément les choix politiq
2166 écisif que ces sciences ont joué dans l’évolution de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
2167 ces ont joué dans l’évolution de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour
2168 t de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du f
2169 us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et à partir de ces cond
2170 ée. Et à partir de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents que sont nos musées et bibliothèques, ils on
2171 r de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents que sont nos musées et bibliothèques, ils ont élaboré les
2172 et bibliothèques, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
2173 tale, ou planétaire, prépare elle aussi les voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà c
2174 autrement, car toutes les créations que je viens d’ énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nou
2175 rès avoir exploré ses variétés. La question reste de savoir si cette unité fomentée par la culture européenne ne va pas se
2176 l’Europe a répandu sur toute la Terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culture
2177 sur toute la Terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incr
2178 Terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’ affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement i
2179 a colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’ échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
2180 ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’ équilibres sans cesse remis en question, de tragédies entrecroisées, d
2181 faite d’équilibres sans cesse remis en question, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
2182 se remis en question, de tragédies entrecroisées, d’ innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Le monde entier reçoit
2183 emèdes et nos poisons, et beaucoup de nos secrets de puissance matérielle — en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais
2184 t philosophiques, qui expliquent seules la genèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
2185 nèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Le monde choisit tel de nos produits le
2186 es maintenir en composition. Le monde choisit tel de nos produits les plus douteux — le nationalisme, par exemple — et le
2187 ’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanit
2188 déal de l’amour du prochain. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » s
2189 du prochain. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » se voient menacé
2190 opéens, ayant créé « le monde » se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
2191 « le monde » se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
2192 ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
2193 de quelle manière les autres continents menacent d’ abuser de ces pouvoirs — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépen
2194 e manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoirs — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépens de leur
2195 ilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
2196 amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher d’ évaluer les risques angoissants et les chances admirables. La crise de
2197 s angoissants et les chances admirables. La crise de notre civilisation, provoquée par son expansion même — mais incomplèt
2198 » comme l’ont prédit depuis un siècle la majorité de nos plus grands penseurs ? J’oserai dire contre eux tous que je ne le
2199 tes, bien d’autres civilisations avaient cru cela d’ elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, tout simplement, mai
2200 ok suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous les Européens du xxe siècle, nous savons b
2201 aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’ illusion. Nous les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous
2202 rique imitent nos villes modernes, leurs procédés de construction, leurs rues, leurs places et leur mairie, leurs hôpitaux
2203 hôtels et leurs journaux, et même leurs embarras de circulation. Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos par
2204 s nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’ imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment
2205 Nous avons vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de
2206 sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres, monolithiques et homogènes. Voilà sans doute pourq
2207 ribuèrent à les créer. Elle envoie, dans le monde d’ aujourd’hui, plus de machines et d’assistants techniques que de livres
2208 r. Elle envoie, dans le monde d’aujourd’hui, plus de machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires
2209 dans le monde d’aujourd’hui, plus de machines et d’ assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est la
2210 , plus de machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, profanisée, et détac
2211 hines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, profanisée, et détachée du christ
2212 sée, et détachée du christianisme qui a contribué de tant de manières à la former. Par là même — et c’est bien son drame e
2213 est bien son drame en même temps que la condition de son « succès » le plus visible — elle s’est rendue plus transportable
2214 devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine : j’entends la cr
2215 entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa r
2216 eur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delt
2217 royait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’ habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mot différent
2218 de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mot différent pour désign
2219 s également, il existait deux espèces différentes de bipèdes verticaux : les Grecs, ou les Chinois, d’une part, et les bar
2220 demeurer régionales, et décliner dans les limites de leur empire. En revanche, la conception chrétienne, exprimée par sain
2221 res, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (
2222 e) permettre à ceux qu’elle formerait intimement, de considérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’aut
2223 mes comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant que c’est f
2224 ation européenne a créé les conditions techniques de sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps
2225 é les conditions techniques de sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrait e
2226 faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’ extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui enverraient
2227 ue « les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
2228 ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
2229 eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
2230 on a retrouvé — et même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valé
2231 plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans
2232 omédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde ent
2233 e. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistrées
2234 bandes et sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les sta
2235 résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par
2236 et les temples des Pharaons menacés par les eaux d’ un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très var
2237 . Certes, plusieurs ont disparu sans nous laisser d’ autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des
2238 ans nous laisser d’autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de no
2239 et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
2240 et le Laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut de beaucoup que leurs riv
2241 es de nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
2242 s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancie
2243 onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la
2244 fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce so
2245 les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue e
2246 nos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitude
2247 Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
2248 les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’ où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, q
2249 vent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples de Bandung
2250 qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples de Bandung, à peine moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de
2251 es de Bandung, à peine moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
2252 moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non
2253 dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non pas le système des castes hindoues, ni l
2254 t non sans drôlerie à propos de la célèbre phrase de Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pour
2255 dire, car il n’en saurait rien. » Et il proposait de corriger comme suit le passage que je vous ai cité : « Nous autres ci
2256 civilisations qu’on croyait endormies sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de my
2257 es sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’ écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés
2258 l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jou
2259 siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouve
2260 t de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des et
2261 ait des ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, poursuivant l’inventaire mondial qu’initièrent à la Renaiss
2262 al qu’initièrent à la Renaissance nos Découvreurs de l’espace terrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’amène à ma trois
2263 nos Découvreurs de l’espace terrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans
2264 de l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison d’ avoir confiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit p
2265 isième raison d’avoir confiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève
2266 longévité de notre civilisation : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale. No
2267 : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’ une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances
2268 enue mondiale. Nous connaissons les circonstances de la chute de celles qui nous ont précédés : c’était parfois une catast
2269 e. Nous connaissons les circonstances de la chute de celles qui nous ont précédés : c’était parfois une catastrophe nature
2270 vaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’ une civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Do
2271 lus audacieuse et prestigieuse, comme dans le cas de quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et
2272 tigieuse, comme dans le cas de quelques centaines d’ Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agiss
2273 cas de quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas,
2274 es et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, entourées de « Barbares » mal connus. Les cand
2275 tous ces cas, de civilisations locales, entourées de « Barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux.
2276 oblitération ou simplement la reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Il y a pourtant
2277 rges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Il y a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont
2278 t les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européanisent à
2279 dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européanisent à nouveau, plus profond
2280 ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européanisent à nouveau, plus profondément que l’Euro
2281 Mais qu’apporte-t-elle de nouveau du point de vue de la civilisation ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine définissai
2282 ’est pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’est pas Popo
2283 Herald Tribune ! Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie chréti
2284 sme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’ un débat séculaire entre la théologie chrétienne et la philosophie des
2285 mes et la presse. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, morales et matérielles plus typiquement et plus
2286 la Russie, le communisme a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand et a pour la seconde fois européanisé la Russie. Et c
2287 sie. Et c’est l’URSS maintenant qui s’est chargée d’ aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins ! C’est l’URSS
2288 duit dans cette Chine si fermée le nouveau cheval de Troie de l’Occident : la Technique et tout ce qu’elle entraîne de pro
2289 cident : la Technique et tout ce qu’elle entraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation.
2290 ntraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Ma
2291 e de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n
2292 e en proche dans les mœurs et les modes de penser d’ une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère é
2293 penser d’une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie e
2294 lisme, inventés par l’Europe et parts intégrantes de sa civilisation. Quant à l’Afrique noire, observons simplement que so
2295 taculaire, ne consiste nullement dans l’avènement d’ une civilisation originale ou renouvelée, de quelque néo-cannibalisme
2296 ement d’une civilisation originale ou renouvelée, de quelque néo-cannibalisme magique, mais au contraire dans l’adoption r
2297 is au contraire dans l’adoption rapide des formes de vie politique, sociale et économique élaborées par l’Europe moderne.
2298 au contraire dans l’adoption rapide des formes de vie politique, sociale et économique élaborées par l’Europe moderne. Résu
2299 e du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Am
2300 e, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie d’ imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une inve
2301 veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je
2302 Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas aill
2303 ait fait frémir Lénine ! — on reparle aujourd’hui d’ un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre
2304 elle-même. C’est dans ses sources, c’est au foyer de sa vitalité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit être conjur
2305 e péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est aussi ce qui nous mine à l’intérieur. Ce que les pe
2306 e qui nous mine à l’intérieur. Ce que les peuples d’ outre-mer nous opposent, c’est ce que nous opposons nous-mêmes à notre
2307 tion matérialiste. Il en va du nationalisme comme de notre rhume de cerveau, qui devient mortel, dit-on, chez certains ind
2308 te. Il en va du nationalisme comme de notre rhume de cerveau, qui devient mortel, dit-on, chez certains indigènes de la Pa
2309 i devient mortel, dit-on, chez certains indigènes de la Papouasie. Cette passion qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis
2310 on qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis près d’ un siècle et demi, et que nous refusons de prendre au tragique, cette
2311 is près d’un siècle et demi, et que nous refusons de prendre au tragique, cette passion, quand elle atteint l’Asie, ou le
2312 cations haineuses et délirantes. Forme collective de l’orgueil, antichrétienne par essence, condamnée nommément par le pap
2313 nce, condamnée nommément par le pape et les chefs de toutes les églises, condamnée d’autre part par les conditions mêmes d
2314 , condamnée d’autre part par les conditions mêmes de l’économie, de la technique et de la culture au xxe siècle, le natio
2315 utre part par les conditions mêmes de l’économie, de la technique et de la culture au xxe siècle, le nationalisme n’en po
2316 onditions mêmes de l’économie, de la technique et de la culture au xxe siècle, le nationalisme n’en poursuit pas moins se
2317 s dans l’esprit des Européens comme dans l’esprit de peuples neufs, empêchant au-dedans cette union fédérale qui ferait no
2318 cifique, décuplant au-dehors la force belliqueuse de ceux dont il fait nos ennemis. Quant au second virus secrété par l’Eu
2319 lte du confort chez l’ouvrier et le bourgeois, et de l’utilitarisme à courte vue chez le patron et le ministre, jusqu’à l’
2320 ron et le ministre, jusqu’à l’indifférence bovine de la grande masse aux réalités spirituelles, à tout ce qui donne un sen
2321 es, à tout ce qui donne un sens, une saveur à nos vies . Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereux que la bêtise hu
2322 êtise humaine en général, s’il n’avait pour effet de détendre les ressorts créateurs du progrès dont il est trop souvent l
2323 ogrès sont l’inquiétude philosophique, la passion de défier le destin, le refus des choses comme elles vont, inquiétude, p
2324 les inventions qui les créent, auraient tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux f
2325 créent, auraient tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux fanatiques du statu quo,
2326 t tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux fanatiques du statu quo, par où j’entend
2327 bureaucrates et la police des États. Ces maladies de l’Europe sont plus dangereuses pour le reste du genre humain que pour
2328 vons vaincu, en peu de temps, au prix de millions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez
2329 ais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-moi de vous citer à ce propos deux textes dont le rapprochement éclaire crue
2330 t le second dans un quotidien du parti communiste de Pékin, il y a deux ans. Burckhardt décrit le sort qui attend les mass
2331 ècle. Voici sa prophétie dans une lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange… l’État militaire v
2332 uvreté et à leur envie. Un certain degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et des uniformes, chaque journée commenc
2333 envie. Un certain degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et des uniformes, chaque journée commencée et terminée p
2334 ue journée commencée et terminée par un roulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’est pas
2335 iction se réalise. Voici ce qu’écrit le quotidien de la jeunesse de Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube des trompettes
2336 se. Voici ce qu’écrit le quotidien de la jeunesse de Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube des trompettes sonnèrent et d
2337 et des sifflets retentirent pour le rassemblement de la population de la commune Spoutnik. Un quart d’heure après les trav
2338 etentirent pour le rassemblement de la population de la commune Spoutnik. Un quart d’heure après les travailleurs étaient
2339 eurs étaient alignés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèren
2340 gnés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’un pas marti
2341 des, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’ un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de de
2342 d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux ou trois paysans qui fument tout en cheminant
2343 aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux ou trois paysans qui fument tout en cheminant lentement vers les
2344 champs. On entend des pas cadencés et des chants de marche. L’habitude millénaire des paysans à vivre au petit bonheur es
2345 norme changement ! Reconnaissons que la religion de la production forcée, forme matérialiste du nationalisme, n’a jamais
2346 ste du nationalisme, n’a jamais atteint en Europe de tels excès. Certes elle est née chez nous, et c’était bien chez nous
2347 c succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui, est de créer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à son
2348 éer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à son tour à nos poisons, au virus du nationalisme et au vir
2349 onalisme et au virus du matérialisme, cette forme d’ asthénie du spirituel. C’est dire que notre vocation est désormais de
2350 uel. C’est dire que notre vocation est désormais de présenter au monde qui nous imite, mais d’illustrer d’abord par l’exe
2351 ormais de présenter au monde qui nous imite, mais d’ illustrer d’abord par l’exemple vécu — et pas seulement par nos discou
2352 rs — deux méthodes essentielles à la santé future de notre civilisation : — la première est le fédéralisme, art et science
2353 — la première est le fédéralisme, art et science de l’union dans la diversité, donc art et science œcuméniques, universel
2354 és morales et civiques s’enlisent dans l’euphorie d’ un confort insipide, non plus libérateur d’énergies neuves, mais tyran
2355 phorie d’un confort insipide, non plus libérateur d’ énergies neuves, mais tyrannique à la manière des drogues. L’union féd
2356 nnique à la manière des drogues. L’union fédérale de l’Europe, et j’entends bien : de toutes les forces de l’Europe social
2357 L’union fédérale de l’Europe, et j’entends bien : de toutes les forces de l’Europe sociales autant que religieuses, et pol
2358 ’Europe, et j’entends bien : de toutes les forces de l’Europe sociales autant que religieuses, et politiques autant que cu
2359 elles, cette union fédérale est la condition même de notre action dans le monde et pour le monde. Il nous faut l’Europe pa
2360 mplira sa propre vocation. o. Rougemont Denis de , « Éclipse ou disparition d’une civilisation ? », Stato sociale, Turi
2361 o. Rougemont Denis de, « Éclipse ou disparition d’ une civilisation ? », Stato sociale, Turin, 1960, p. 546-561.
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
2362 )q r Posé devant le monde entier par l’annonce d’ un nouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chré
2363 once d’un nouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chrétiennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens
2364 aussi les non-chrétiens, qui sont les deux tiers de notre humanité présente ? Oui, sans doute, dans la mesure où la relig
2365 une force historique, liée en fait et depuis plus d’ un millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle
2366 n fait et depuis plus d’un millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se pr
2367 s plus d’un millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se proclamer essenti
2368 de l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se proclamer essentiellement universelle. Il se peut que l’union de n
2369 sentiellement universelle. Il se peut que l’union de nos Églises les renforce, devant le défi que porte à toute religion —
2370 — le monde communiste. Mais alors, c’est l’union de toutes les religions, et non pas seulement des chrétiens, que cet arg
2371 tiens, que cet argument exigerait. La possibilité d’ une telle union paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’un fro
2372 ion paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’ un front commun fondé sur le respect des valeurs transcendantes : car
2373 spect des valeurs transcendantes : car l’alliance de plusieurs absolus, considérés en tant que tels, risquerait tout d’abo
2374 sidérés en tant que tels, risquerait tout d’abord de les relativiser… Au surplus, le sort temporel du christianisme n’insp
2375 , le sort temporel du christianisme n’inspire pas d’ inquiétudes excessives : c’est de loin la religion la mieux organisée,
2376 me n’inspire pas d’inquiétudes excessives : c’est de loin la religion la mieux organisée, et c’est la plus forte du monde
2377 ée, et c’est la plus forte du monde par le nombre de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est v
2378 par le nombre de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme
2379 re de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’ un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre é
2380 le monde communiste enferme un nombre équivalent d’ individus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte d’État : les com
2381 vidus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte d’ État : les communistes militants sont certainement bien moins nombreux
2382 uants des trois grandes confessions dans les pays de l’Europe de l’Est et en Russie (on compterait, aux dernières nouvelle
2383 terait, aux dernières nouvelles, sur 208 millions de Russes, 35 millions d’orthodoxes pratiquants et 3 millions de protest
2384 ouvelles, sur 208 millions de Russes, 35 millions d’ orthodoxes pratiquants et 3 millions de protestants baptistes, à quoi
2385 5 millions d’orthodoxes pratiquants et 3 millions de protestants baptistes, à quoi s’ajoutent les luthériens des pays balt
2386 ucase). Le PC russe n’a jamais dépassé 8 millions de membres inscrits. Mais laissons ces spéculations aux commentateurs po
2387 tions aux commentateurs politiques un peu frottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esp
2388 olitiques un peu frottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il
2389 La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de g
2390 une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde mais de sauver son âme. Si tout homme qui se veut chr
2391 our le christianisme, non de gagner le monde mais de sauver son âme. Si tout homme qui se veut chrétien doit vouloir l’uni
2392 t bien évidents. Le christianisme est la religion d’ un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne
2393 e christianisme est la religion d’un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’u
2394 n Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’une. C’est pour cela, et non point e
2395 j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’ une infidélité à la vocation même de l’homme chrétien, comme à l’ordre
2396 el, la preuve d’une infidélité à la vocation même de l’homme chrétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient un… » C’e
2397 que je respecte au monde autant que l’institution de l’Église : ecclesia, la communauté de ceux qu’assemble non la haine,
2398 institution de l’Église : ecclesia, la communauté de ceux qu’assemble non la haine, la politique menteuse ou de courts int
2399 u’assemble non la haine, la politique menteuse ou de courts intérêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des homm
2400 menteuse ou de courts intérêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le
2401 lleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme a bel et bien donné au monde, et tout d’ab
2402 ns le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie . Le christianisme a bel et bien donné au monde, et tout d’abord à l’O
2403 onde, et tout d’abord à l’Occident, cette formule de la communauté fondée sur l’espérance, non sur la loi du sang, essenti
2404 ouverte et non pas exclusive. Mais les nécessités de l’organisation et les tentations de la puissance devaient faire préva
2405 es nécessités de l’organisation et les tentations de la puissance devaient faire prévaloir dans l’Église mère, puis dans l
2406 mère, puis dans les Églises séparées, la volonté de l’unité formelle, qui n’est pas l’union libre et réelle, et qui eut t
2407 pas l’union libre et réelle, et qui eut tôt fait de transformer en divisions les diversités spirituelles. Tant et si bien
2408 a grande réunion, c’est paradoxalement l’exigence d’ unité, conçue dans un esprit de sagesse politique, toujours méfiante,
2409 alement l’exigence d’unité, conçue dans un esprit de sagesse politique, toujours méfiante, et non de confiance évangélique
2410 t de sagesse politique, toujours méfiante, et non de confiance évangélique. Car, s’il est vrai que l’Évangile demande l’un
2411 incte. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre d
2412 eut être écartée. Elle reste au centre du mystère de l’unité. Voies vers l’union Parlant ici sans nulle autorité, ign
2413 se ouverte vers quelque forme encore imprévisible d’ unité future des Églises. L’ambition unitaire me paraît utopique, et s
2414 es qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de force ou marchandages sur des formules disciplinaires, diplomatie sec
2415 ’action du Saint-Esprit, finalement mise aux voix de la vérité. La voie vers l’unité à découvrir, cette voie qui passerait
2416 sserait par l’union des chrétiens dans la réalité de leur existence me paraît au contraire praticable hic et nunc, et déjà
2417 unc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’en est-il de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la
2418 e, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les débats sur le d
2419 essions ? Je suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les débats sur le dogme entre docteurs de ce
2420 onneraient les débats sur le dogme entre docteurs de ces mêmes confessions. Et frappé plus encore par l’ignorance naïve où
2421 fidèles eux-mêmes demeurent, quant aux croyances de ceux de l’Église d’en face. Beaucoup de catholiques se figurent que l
2422 eux-mêmes demeurent, quant aux croyances de ceux de l’Église d’en face. Beaucoup de catholiques se figurent que les prote
2423 emeurent, quant aux croyances de ceux de l’Église d’ en face. Beaucoup de catholiques se figurent que les protestants ne cr
2424 ignore la Bible, que sa piété se réduit au culte de la Vierge, sa morale au décompte des jours du Purgatoire. En revanche
2425 s du Purgatoire. En revanche, combien savent-ils, de part et d’autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la catholi
2426 oire. En revanche, combien savent-ils, de part et d’ autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la catholique et l’or
2427 le même Notre Père prié ; que les grands moments de la liturgie, les formules de la consécration, de la communion et du b
2428 e les grands moments de la liturgie, les formules de la consécration, de la communion et du baptême, celles du mariage et
2429 de la liturgie, les formules de la consécration, de la communion et du baptême, celles du mariage et de la confirmation s
2430 la communion et du baptême, celles du mariage et de la confirmation sont toujours identiques par l’esprit, et plus souven
2431 des disputes théologiques qui ont formé la pensée de l’Europe au cours de siècles, qui me passionnent, et que les fidèles
2432 eurs guides à la réalité œcuménique ? Un peu plus de connaissance mutuelle (par exemple assister au culte des autres) et l
2433 au culte des autres) et l’interdiction solennelle d’ enseigner ou de tolérer les préjugés et les clichés des nationalismes
2434 tres) et l’interdiction solennelle d’enseigner ou de tolérer les préjugés et les clichés des nationalismes religieux. J’ai
2435 née que je poursuis des tempéraments religieux et de leurs formes d’expression : c’est que dans le sein d’une même Église
2436 uis des tempéraments religieux et de leurs formes d’ expression : c’est que dans le sein d’une même Église coexistent deux
2437 eurs formes d’expression : c’est que dans le sein d’ une même Église coexistent deux attitudes que l’on peut qualifier selo
2438 attitudes que l’on peut qualifier selon les temps de protestante ou catholique, et sur lesquelles la dogmatique confession
2439 elle a peu de prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholicisants » les protestants qui veulent la fréque
2440 prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholicisants » les protestants qui veulent la fréquente communion
2441 se romaine, où l’habitude était, au xvie siècle, de ne communier qu’une fois l’an. Les positions se sont interchangées au
2442 n tient aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Églises communient dans la même Présence. Quant à ceux qui s
2443 Église les deux tendances — anglicans, luthériens de Suède et d’Amérique — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau de
2444 eux tendances — anglicans, luthériens de Suède et d’ Amérique — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau des études lit
2445 iens de Suède et d’Amérique — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau des études liturgiques dans les Églises issues
2446 au des études liturgiques dans les Églises issues de la Réforme, le renouveau des études bibliques dans le catholicisme ro
2447 l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse convergence
2448 se, et l’union des Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse convergence que tout invite à secon
2449 Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’ une mystérieuse convergence que tout invite à seconder. L’union rée
2450 , puisse entrer au sanctuaire qui s’offre au coin de la rue, et s’unir à l’Auteur de sa foi, ayant dit le credo commun, qu
2451 i s’offre au coin de la rue, et s’unir à l’Auteur de sa foi, ayant dit le credo commun, qui se comprend, quand on le sait,
2452 uand on le sait, dans toutes les langues. Combien d’ hommes et de femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’une é
2453 ait, dans toutes les langues. Combien d’hommes et de femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’une église — je p
2454 femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’ une église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors l
2455 le seuil fascinant d’une église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage d’entrer, de se mettr
2456 e Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage d’ entrer, de se mettre à genoux, puis ouvrant les yeux sur l’autel, reco
2457 eil — trouveraient-ils alors le courage d’entrer, de se mettre à genoux, puis ouvrant les yeux sur l’autel, reconnaîtraien
2458 providence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’ être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est
2459 étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon temps, économiques, sociaux et politiques (je crains d’avoir lanc
2460 ps, économiques, sociaux et politiques (je crains d’ avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème
2461 x et politiques (je crains d’avoir lancé le terme d’ engagement). Mais je ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui
2462 cé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens de nos
2463 prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de, « Un péché mortel : la désunion
2464 ujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens de nos vies . q. Rougemont Denis de, « Un péché mortel : la désunion des chrét
2465 celui du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de , « Un péché mortel : la désunion des chrétiens », Réalités, Paris, ma
2466 . Cet article paraît dans le dossier « Le concile de la dernière chance », et est introduit par cette note : « L’auteur de
2467 e », et est introduit par cette note : « L’auteur de L’Amour et l’Occident et de L’Aventure occidentale de l’homme (qu
2468 e note : « L’auteur de L’Amour et l’Occident et de L’Aventure occidentale de l’homme (que les lecteurs de Réalités con
2469 mour et l’Occident et de L’Aventure occidentale de l’homme (que les lecteurs de Réalités connaissent bien par ses artic
2470 venture occidentale de l’homme (que les lecteurs de Réalités connaissent bien par ses articles sur “La fin du pessimisme”
2471 u pessimisme” en juin 1957 et “La nature profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un des plus grands essayistes chrétiens
2472 59) est l’un des plus grands essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste de la Suisse romande, il représente, au sein
2473 s essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste de la Suisse romande, il représente, au sein du protestantisme, l’un des
2474 estantisme, l’un des éléments les plus conscients de l’importance du rapprochement entre les différentes communautés chrét
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
2475 du tiers-monde, n’est guère qu’une revendication d’ indépendance, proclamée contre l’Occident colonialiste. Dans notre Eur
2476 psychologique, parti pris intellectuel, ensemble de réflexes conditionnés, finalement force politique, il a pour résultan
2477 nt force politique, il a pour résultante actuelle de s’opposer, lui aussi, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union
2478 i, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union de l’Europe, mais cet effet ne suffit pas à le définir : ses motivations
2479 t, elles sont antérieures à la nécessité présente de l’union, au regard de laquelle elles apparaissent comme les survivanc
2480 laquelle elles apparaissent comme les survivances d’ une autre ère. Pour comprendre la vraie nature du phénomène c’est dans
2481 vraie nature du phénomène c’est dans le mouvement de sa genèse intellectuelle qu’il faut le saisir. Car le nationalisme es
2482 saisir. Car le nationalisme est idéologie, avant d’ être histoire. Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des fo
2483 e est idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’ une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’il a f
2484 esure où il tend à se normaliser. Plutôt donc que de retracer la chronique des triomphes et des méfaits du nationalisme en
2485 rope, — ce serait refaire l’histoire du plus long de nos siècles, le xixe , — marquons ici l’évolution du seul concept, au
2486 cept, au moyen de repères bien précis : une série de textes, objets d’époque, dûment signés, témoins irréfutables du style
2487 repères bien précis : une série de textes, objets d’ époque, dûment signés, témoins irréfutables du style de pensée des Eur
2488 que, dûment signés, témoins irréfutables du style de pensée des Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel A
2489 ins irréfutables du style de pensée des Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel Au principe du nationalis
2490 raisonnement suivant, toujours lié à une période de crise guerrière ou révolutionnaire : — Notre peuple se distingue entr
2491 e distingue entre tous par une mission historique d’ une portée universelle (Liberté, Progrès, Culture, gouvernement exempl
2492 ue, etc.) ; son bien se confond donc avec le bien de l’humanité, et ses ennemis sont ceux de la paix universelle ; pour le
2493 c le bien de l’humanité, et ses ennemis sont ceux de la paix universelle ; pour leur imposer notre bien, toute guerre est
2494 te, et de plus elle est préventive, car il s’agit de défendre contre les jaloux, les rétrogrades et les impurs, le trésor
2495 ses exigences : discipline absolue des individus, de leurs réflexes et de leur pensée même, lutte contre les factions, cen
2496 pline absolue des individus, de leurs réflexes et de leur pensée même, lutte contre les factions, centralisation des pouvo
2497 les factions, centralisation des pouvoirs, raison d’ État suprême en tout, puisque l’État incarne la mission universelle du
2498 s’il existe, ne peut être que notre allié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’il n’existe pas ; il n’y a donc plus d
2499 non c’est qu’il n’existe pas ; il n’y a donc plus d’ instance supérieure à la nation, ni plus d’appel possible contre ses d
2500 c plus d’instance supérieure à la nation, ni plus d’ appel possible contre ses décrets. Illustrons cela par quelques textes
2501 ses décrets. Illustrons cela par quelques textes de la Révolution française. Dans son discours du 15 mai 1790, Robespierr
2502 0, Robespierre a cette formule parfaite : Il est de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c’es
2503 rmule parfaite : Il est de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c’est de la France que doit p
2504 de protéger la nation française, parce que c’est de la France que doit partir la liberté et le bonheur du monde. Il faut
2505 us tard, le 9 novembre 1792, la Convention décide de célébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’H
2506 2, la Convention décide de célébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud c
2507 ntion décide de célébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en c
2508 victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chantez donc, ch
2509 Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse
2510 ernité universelle que vous allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheu
2511 allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà, le Pa
2512 5 décembre 1791, cet appel à la « guerre sainte » de la Raison anticléricale : La guerre ! La guerre ! tel est le cri de
2513 éricale : La guerre ! La guerre ! tel est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté rép
2514 est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui
2515 us les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’attendent plus
2516 us les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’attendent plus que cette heureuse diversion pour atta
2517 m du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité d’ être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Clo
2518 à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Cloots, Prussien de naissance mais aristocrate hollandais d’ascendance, qu’il appartiendr
2519 Prussien de naissance mais aristocrate hollandais d’ ascendance, qu’il appartiendra de formuler de la manière la plus théât
2520 crate hollandais d’ascendance, qu’il appartiendra de formuler de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révol
2521 dais d’ascendance, qu’il appartiendra de formuler de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révolution, étend
2522 de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révolution, étendu à un genre humain totalement « nivelé » par les
2523 n genre humain totalement « nivelé » par les lois de la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral ar
2524 le bon sens et le bonheur ; elle coupe les canaux de la prospérité universelle ; sa Constitution, manquant par la base, se
2525 aire. Cloots poursuit en effet dans ces termes : De ces données incontestables résulte nécessairement la souveraineté sol
2526 nière, intacte, irrésistible, nous ne voulons pas d’ autre maître que l’expression de la volonté générale, absolue, suprême
2527 us ne voulons pas d’autre maître que l’expression de la volonté générale, absolue, suprême. Or, si je rencontre sur la ter
2528 sel, je m’y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera jus
2529 ppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera justice tôt ou t
2530 ra qu’un seul corps, la nation unique… La commune de Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté uni
2531 nation unique… La commune de Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté universelle. Mais le dant
2532 Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté universelle. Mais le dantoniste Robert fait repousser
2533 r ce Projet fantastique en adjurant la Convention de revenir à la « réalité » : Laissons aux philosophes, laissons-leur l
2534 Laissons aux philosophes, laissons-leur le soin d’ examiner l’humanité sous tous les rapports : nous ne sommes pas les re
2535 du genre humain. Je veux donc que le législateur de la France oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pa
2536 oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national sans lequel nous t
2537 s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce d’ égoïsme national sans lequel nous trahirons nos devoirs, sans lequel n
2538 mmes libres ; mais j’aime mieux les hommes libres de la France que tous les autres hommes de l’univers. Le refus de la fo
2539 es libres de la France que tous les autres hommes de l’univers. Le refus de la formule fédéraliste, tant pour la France q
2540 ue tous les autres hommes de l’univers. Le refus de la formule fédéraliste, tant pour la France que pour l’Europe, le dél
2541 tant pour la France que pour l’Europe, le délire d’ unité universelle nivelée et centralisée, devait conduire la Révolutio
2542 n, par une nécessité concrète, à la négation même de ses premiers principes : à l’« égoïsme national », au nationalisme ag
2543 if. Dantonistes et jacobins, au nom de la paix et de la fraternité universelle, ont déclenché les premières guerres nation
2544 arte va porter dans toute l’Europe. Les réactions de défense des peuples « libérés » prendront la même forme que l’agressi
2545 la même forme que l’agression : une mobilisation de l’instinct patriotique au nom de l’État, bientôt appuyé par une idéol
2546 êmes prémisses rousseauistes que les jacobins, et de la même ambition de paix universelle que Kant son maître, J. G. Ficht
2547 eauistes que les jacobins, et de la même ambition de paix universelle que Kant son maître, J. G. Fichte publiera au lendem
2548 nt son maître, J. G. Fichte publiera au lendemain de la Révolution la théorie la plus absolue de la nation fermée (nous di
2549 emain de la Révolution la théorie la plus absolue de la nation fermée (nous dirions autarcique), considérée comme étape « 
2550 s l’unité finale du genre humain. Le raisonnement de Fichte annonce souvent de la manière la plus précise les délires tota
2551 humain. Le raisonnement de Fichte annonce souvent de la manière la plus précise les délires totalitaires du xxe siècle. I
2552 Il peut être résumé par quelques citations tirées de l’ouvrage intitulé L’État commercial fermé 28, qui parut en 1800. L
2553 monde antique étaient séparés les uns des autres d’ une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’
2554 tres d’une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On pe
2555 bare. On peut au contraire considérer les peuples de la nouvelle Europe chrétienne comme formant une seule nation. Unis pa
2556 es et les mêmes conceptions primitives des forêts de Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis leur expan
2557 autres, depuis leur expansion dans les provinces de l’Empire romain d’Occident, par une même religion commune et la même
2558 r expansion dans les provinces de l’Empire romain d’ Occident, par une même religion commune et la même soumission au chef
2559 ion commune et la même soumission au chef visible de cette dernière. … Plus tard seulement, avec l’introduction du droit r
2560 e à l’origine, ne fut considéré que comme général de la chrétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’étaient les pa
2561 se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État par le rasse
2562 de décrire dans la doctrine du droit la formation d’ un État par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’u
2563 tion d’un État par le rassemblement et la réunion d’ individus isolés sous l’unité de la loi, mais plutôt par la séparation
2564 ent et la réunion d’individus isolés sous l’unité de la loi, mais plutôt par la séparation et la division d’une seule gran
2565 loi, mais plutôt par la séparation et la division d’ une seule grande masse humaine, faiblement unie. Ainsi les divers État
2566 rs États de l’Europe chrétienne sont des morceaux de l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour leur étendue, par
2567 pour leur étendue, par le hasard. … Les citoyens d’ un même État doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne for
2568 opéens entre eux devait être libre. Il est facile de faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’Europe chr
2569 Europe chrétienne avec les colonies et les places de commerce qui s’y sont ajoutées dans les autres parties du monde, form
2570 orme encore un tout, alors assurément le commerce de toutes les parties entre elles doit rester libre, comme il l’était à
2571 est encore qu’à la période des essais pour former de véritables Nations. Il s’agit donc de pousser vivement ce processus,
2572 pour former de véritables Nations. Il s’agit donc de pousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de l’état d’anarch
2573 ousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de l’état d’anarchie commerciale et politique où nous vivons. Si l’on v
2574 ement ce processus, si l’on veut sortir de l’état d’ anarchie commerciale et politique où nous vivons. Si l’on veut suppri
2575 l faut que chaque État obtienne ce qu’il projette d’ obtenir par la guerre et ce que seulement il peut projeter raisonnable
2576 ce que seulement il peut projeter raisonnablement d’ obtenir : ses frontières naturelles. Dès lors, il n’a plus rien à dema
2577 qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’homme naturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’État
2578 aturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’État naturellement raisonnable. Il n’y a plus qu’à tirer les conséq
2579 l n’y a plus qu’à tirer les conséquences logiques de ces prémices : fermer les États, interdire entre eux les échanges, di
2580 diversifier leurs monnaies, etc. C’est la théorie de l’autarcie absolue qui naît sous nos yeux. C’est la fin du processus
2581 eux. C’est la fin du processus exactement inverse de celui du Marché commun [dont] Fichte se fait l’avocat : Toute la mon
2582 c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée de la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nationale, c’e
2583 vue de restreindre périodiquement ce commerce et de le faire cesser entièrement après un laps de temps déterminé. Il lui
2584 e et de le faire cesser entièrement après un laps de temps déterminé. Il lui faut donc prendre des mesures permettant d’at
2585 . Il lui faut donc prendre des mesures permettant d’ atteindre bientôt sûrement ce but. Il doit y marcher avec méthode, et
2586 us les ans l’importation étrangère doit diminuer. D’ une année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui n
2587 r. D’une année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remp
2588 r les étrangers à des travaux pour les nationaux, de la manière convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir une prép
2589 Le savant seul, et l’artiste supérieur ont besoin de voyager hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas être permis
2590 longtemps à une vaine curiosité et à la recherche de distractions de transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des
2591 vaine curiosité et à la recherche de distractions de transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’effec
2592 des premiers s’effectuent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devra
2593 fectuent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devrait même les encou
2594 it même les encourager et faire voyager aux frais de l’État savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi
2595 acquiert par suite des mesures indiquées sa façon de vivre, son organisation et ses mœurs particulières, qui aime avec dév
2596 aime avec dévouement la patrie et tout ce qui est de la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré él
2597 re nation absolument nouvelle. Cette introduction d’ une monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien
2598 qui devra subsister entre les peuples sera celui de la Science : … Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront
2599 e à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront de manière durable et ils le doivent, quand pour tout le reste, leur div
2600 en, il le favorisera plutôt, car l’enrichissement de la Science par la puissance réunie de l’espèce humaine, avance même c
2601 ichissement de la Science par la puissance réunie de l’espèce humaine, avance même ces fins terrestres particulières… Ce s
2602 ’attribuer sur eux une prépondérance quelconque. De toutes les utopies issues de la philosophie préromantique, il faut av
2603 dérance quelconque. De toutes les utopies issues de la philosophie préromantique, il faut avouer que celle de Fichte, pou
2604 ilosophie préromantique, il faut avouer que celle de Fichte, pour absurde qu’elle nous paraisse, se trouve avoir le mieux
2605 connaissant l’Europe pour leur patrie commune, et d’ un bout à l’autre du continent cherchent les mêmes choses et sont atti
2606 Cette tendance unitive fournit à Fichte le point de départ d’un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera
2607 dance unitive fournit à Fichte le point de départ d’ un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu
2608 nit à Fichte le point de départ d’un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que l
2609 le point de départ d’un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que le genre humai
2610 pansion colonialiste dans l’anarchie, responsable de nos divisions, puis à l’étape nécessaire de fermeture totale des mona
2611 sable de nos divisions, puis à l’étape nécessaire de fermeture totale des monades nationales, succédera donc un jour, selo
2612 onc un jour, selon Fichte, l’expansion triomphale de la culture européenne, portée par la Science et libérée de tout impér
2613 ture européenne, portée par la Science et libérée de tout impérialisme… Nous n’en sommes peut-être pas loin dans cette sec
2614 aginer vers 1800 : ne fut-ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces derniers étant doublement liés à
2615 liés à la guerre par leur naissance et par la loi de leur formation historique. Cette liaison nécessaire, Hegel l’a marqué
2616 le premier. Comme Goethe assistant à la bataille de Valmy, il a compris que la clameur des sans-culottes : « Vive la Nati
2617 ve la Nation ! » inaugurait une ère nouvelle, née de la guerre et vivant d’elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive
2618 rait une ère nouvelle, née de la guerre et vivant d’ elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive mon pays », mais « Viv
2619 saire des tensions internes créées par la volonté d’ uniformiser le peuple, et des tensions externes créées par l’idéal mis
2620 l deviendrait mon juge ! » pense l’État-nation né de la Révolution et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner a
2621 patriotique et opère sur lui la première en date de toutes les nationalisations ; celle des communautés locales, des atta
2622 es, des attachements sentimentaux et des intérêts de groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civile ou étran
2623 ée, justifie toujours le sacrifice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgen
2624 de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vu rapportée une
2625 bertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’ urgence, prises par l’État, qu’on ait vu rapportée une fois la paix re
2626 tée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État-nation non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle
2627 en elle les conditions du renforcement continuel de son pouvoir. Tensions externes : Hegel, conformément à l’esprit de Va
2628 ensions externes : Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée : « Ce
2629  : « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit nation
2630 esprit national est « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint
2631 domine le peuple qui incarne le plus haut concept de l’Esprit. Voilà donc les peuples élevés à la dignité d’intentions pa
2632 prit. Voilà donc les peuples élevés à la dignité d’ intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les
2633 es élevés à la dignité d’intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les voici privés sous peine de
2634 voici privés sous peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le
2635 s peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans
2636 té politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous ass
2637 ans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. II. nation
2638 re. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. II. nation et Liberté
2639 s. II. nation et Liberté, ou le grand paradoxe de 1848 Mais cet État-nation, une fois doué de toute la personnalité
2640 xe de 1848 Mais cet État-nation, une fois doué de toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment
2641 t-il se comporter dans le monde. L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’État, a conduit à des guerres d’agression.
2642 on, confisqué par l’État, a conduit à des guerres d’ agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont
2643 lismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit de dominer l’époque. À cette fin, chacun prétendra qu’il incarne « le pl
2644 un prétendra qu’il incarne « le plus haut concept de l’esprit ». L’Allemand tuera le Français au nom de la Culture, le Fra
2645 u’au jour où seront proclamés certains « concepts de l’esprit » plus redoutables encore : la Race des maîtres, le Herrenvo
2646 étariat et sa dictature… Pourquoi ce beau système d’ évolution globale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-il été bruta
2647 té brutalement démenti au terme même du processus de formation des grandes et petites nations européennes, qui était censé
2648 nt la formation des « nationalités » comme autant d’ étapes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîn
2649  nationalités » comme autant d’étapes nécessaires d’ une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passio
2650 mme autant d’étapes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne
2651 s États surent exploiter et bientôt nationaliser. De ce tragique malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les
2652 tionaliser. De ce tragique malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les premières victimes, enthousiastes et b
2653 tragique malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les premières victimes, enthousiastes et bernées. Ils croie
2654 gale liberté. Ils s’inspirent tous du messianisme de la Révolution française : libérer sa propre nation du joug des tyrans
2655 l’Europe et le genre humain. En fait, la liberté de la nation, une fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’Ét
2656 ne fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées
2657 rande Dialectique idéaliste prévoyait l’avènement de la paix. Le grand élan organisateur donné par Henri de Saint-Simon ab
2658 -Simon aboutit entre autres au percement du canal de Suez dont aussitôt la politique des États, après s’y être opposée, s’
2659 ire des quarante-huitards échoue dans les manuels d’ écoles primaires, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’É
2660 es, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’État. Le mouvement Jeune Europe, qui voulait utiliser les passions
2661 ulait utiliser les passions nationales au service de l’idée fédéraliste, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’o
2662 mieux démentis par les faits, ni mieux détournés de leurs buts. Jamais l’Europe, qui crée par la révolution industrielle
2663 ui crée par la révolution industrielle les moyens d’ unifier l’humanité, et qui, en attendant, achève de la subjuguer par l
2664 ’unifier l’humanité, et qui, en attendant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’est montrée à la fois moins humanita
2665 e fait par les États et dans leur cadre au profit de leurs intérêts immédiats, mal calculés et au détriment de tout équili
2666 bre mondial. Et c’est pourquoi les grands esprits de la fin du xixe siècle, enregistrant cette dissolution de l’idéal eur
2667 n du xixe siècle, enregistrant cette dissolution de l’idéal européen, de Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront
2668 registrant cette dissolution de l’idéal européen, de Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de proph
2669 solution de l’idéal européen, de Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de prophéties uniformément p
2670 an et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de prophéties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de notre civili
2671 héties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de notre civilisation. Voici des textes jalonnant cette double évolution
2672 à 1914. Henri Heine épouse au début l’idéologie de Herder et des romantiques allemands : celle d’une Europe des national
2673 ie de Herder et des romantiques allemands : celle d’ une Europe des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape
2674 si comme une étape inévitable, quoique dangereuse de l’évolution historique : Tous les peuples de l’Europe et du monde de
2675 use de l’évolution historique : Tous les peuples de l’Europe et du monde devront traverser cette agonie, pour que la vie
2676 monde devront traverser cette agonie, pour que la vie surgisse de la mort et pour qu’à la nationalité païenne succède la fr
2677 traverser cette agonie, pour que la vie surgisse de la mort et pour qu’à la nationalité païenne succède la fraternité chr
2678 a un jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien d’une « Internationale des natio
2679 te l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien d’ une « Internationale des nationalités », et il loue Herder d’avoir con
2680 ernationale des nationalités », et il loue Herder d’ avoir considéré l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’un
2681 l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’ un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant p
2682 n’en redoute pas moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que sont d’une part les hommes politiques obsédés par l’un
2683 és par l’uniformité, d’autre part les « empereurs de la finance ». Ceux-là finiront par réduire toute l’humanité à l’état
2684 là finiront par réduire toute l’humanité à l’état de troupeau unique sous la houlette de fer d’un seul berger : Napoléon
2685 l’état de troupeau unique sous la houlette de fer d’ un seul berger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche a
2686 le perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir d’ ennui en tant que républicain ! Pauvres petits-fils ! Si pour Heine l
2687 ux textes brefs comme deux cris, échappés au chef de la révolte hongroise, Lajos Kossuth, qui put émigrer en Europe, et au
2688 même ; car elle ne peut devenir que l’avant-garde de la monarchie universelle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème de
2689 nir que l’avant-garde de la monarchie universelle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence de l
2690 verselle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence de l’Europe » : L’Europe se tait… Honte à ce
2691 Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence de l’Europe » : L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et q
2692 son Livre des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté
2693 des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté siègera da
2694 criais vers toi, nation, afin d’avoir un morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un ar
2695 oir un morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais cette nation
2696 oignée de poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’avez-vous appelée ? Et
2697 t la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va donc en servitude, là où
2698 ukases. … Les Puissances ont rejeté votre pierre de l’édifice européen, et voici que cette pierre deviendra la pierre ang
2699 e pierre deviendra la pierre angulaire et la clef de voûte de l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écra
2700 deviendra la pierre angulaire et la clef de voûte de l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera, et
2701 erre sur pierre. « Aujourd’hui, l’Occident meurt de ses doctrines ! » s’écriait le Polonais, désespérant pour sa patrie.
2702 sa patrie. Les Italiens, qui se sentent au seuil de leur indépendance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste de l’Eu
2703 dance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste de l’Europe. Ainsi, Vincenzo Gioberti. Philosophe, théologien, homme d’É
2704 que, qui fut mêlé aux conspirations républicaines de 1833, exilé à Paris et à Bruxelles, puis réhabilité par le Piémont do
2705 e, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condit
2706 t l’union de l’Italie et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« 
2707 aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occident ») devait j
2708 on de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle de nation-guide, sou
2709 l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle de nation-guide, sous la haute direction du pape, Rome devenant la métro
2710 ute direction du pape, Rome devenant la métropole d’ un monde au sein duquel toutes les « nationalités » politiques et spir
2711 rdant leur diversité, entreraient dans un rapport d’ union dialectique : La dictature du pape, chef civil de l’Italie et o
2712 n dialectique : La dictature du pape, chef civil de l’Italie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement des diverses c
2713 re du pape, chef civil de l’Italie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement des diverses chrétientés nationales écri
2714 -il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale et civile des Italiens, que l’on appelle en Italie
2715 il donnait la formule du passage « dialectique » de la cité à la nation, puis à l’Europe et au monde : Christ, en assign
2716 ultime à la société civile, l’unification totale de la famille humaine, suggérait l’idée dialectique de la nation en tant
2717 la famille humaine, suggérait l’idée dialectique de la nation en tant que cité agrandie, humanité concentrée… Le concept
2718 ue cité agrandie, humanité concentrée… Le concept d’ union de l’Europe, en tant qu’amphictyonie des nations chrétiennes et
2719 agrandie, humanité concentrée… Le concept d’union de l’Europe, en tant qu’amphictyonie des nations chrétiennes et degré su
2720 tions chrétiennes et degré supérieur du processus d’ unification qui tend à embrasser le genre humain, n’a pas d’autre orig
2721 ion qui tend à embrasser le genre humain, n’a pas d’ autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités opprimé
2722 es pays, l’idée nationale se confonde avec l’idée de Liberté, et s’harmonise avec l’idée d’Europe unie : une nation en dev
2723 vec l’idée de Liberté, et s’harmonise avec l’idée d’ Europe unie : une nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « tradit
2724 urope unie : une nation en devenir n’a pas encore d’ intérêts « traditionnels » qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais
2725 ensemble. Mais qu’en sera-t-il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’Ét
2726 s qu’en sera-t-il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’État national fo
2727 nds aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’État national fortement constitué et qui
2728 e la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’État national fortement constitué et qui ne veut rien devoir à pers
2729 ne veut rien devoir à personne ? À la différence de l’Espagne, qui se replie sur son passé et dans son génie, de la Grand
2730 e, qui se replie sur son passé et dans son génie, de la Grande-Bretagne dont les ambitions se déploient outre-mer et qui v
2731 les ambitions se déploient outre-mer et qui voit d’ un bon œil les puissances du Continent se multiplier, « s’équilibrer »
2732 quilibrer », et en fait se neutraliser, la France de 48 se considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Euro
2733 , dans une Europe rénovée par les principes mêmes de sa Révolution. Lamartine, ministre des Affaires étrangères en 1848,
2734 848, tient à rassurer l’Europe sur les intentions de la nouvelle République : celle-ci « ne fera point de propagande sourd
2735 la nouvelle République : celle-ci « ne fera point de propagande sourde ou incendiaire chez ses voisins ». Certes, elle va
2736 ar la force au besoin, « les mouvements légitimes de croissance et de nationalité des peuples ». Cependant, elle n’entend
2737 soin, « les mouvements légitimes de croissance et de nationalité des peuples ». Cependant, elle n’entend pas : incendier
2738 n’entend pas : incendier le monde, mais briller de sa place sur l’horizon des peuples pour les devancer et les guider à
2739 cer et les guider à la fois… La raison, rayonnant de partout, par-dessus les frontières, a créé entre les esprits cette gr
2740 nationalité intellectuelle qui sera l’achèvement de la Révolution française et la constitution de la fraternité internati
2741 ent de la Révolution française et la constitution de la fraternité internationale sur le globe. Michelet, lui aussi, exa
2742 ie qui doit unir toutes les parties constituantes de l’Europe », parmi lesquelles la France incarne évidemment « le plus h
2743 France incarne évidemment « le plus haut concept de l’esprit » eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins na
2744 ncept de l’esprit » eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de m
2745  » eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de pl
2746 e moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde, c’est l’E
2747 go qu’il appartiendra, bien des années plus tard, d’ opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en
2748 tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — m
2749 mantisme politique. Parce qu’il n’est pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle le prophète le
2750 il fut au xixe siècle le prophète le plus exalté de l’union européenne, ses déclarations réitérées sur l’avenir européen
2751 ses déclarations réitérées sur l’avenir européen de sa patrie illustrent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté de
2752 rent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté de l’idée nationale. Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dan
2753 dée nationale. Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde,
2754 et sincère volonté de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairem
2755 interprétée par les autres comme un désir secret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mèr
2756 un désir secret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de
2757 désir secret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Em
2758 ecret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire f
2759 agner tout l’univers au style de vie et de pensée d’ une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qu
2760 d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qui viennent contempler à Paris l’Exposition univer
2761 nnent contempler à Paris l’Exposition universelle de 1867, il a des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturé
2762 s qui découragent la critique : Ces yeux saturés de nuit viennent regarder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple d
2763 rder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple de réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque e
2764 lle chez elle quiconque est frère ou veut l’être. De leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce thème
2765 oici quelques pages inspirées : La France a cela d’ admirable, qu’elle est destinée à mourir, mais à mourir comme les dieu
2766 ce que la France le mérite ; parce qu’elle manque d’ égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle
2767 pas pour elle seule, parce qu’elle est créatrice d’ espérances universelles, parce qu’elle représente toute la bonne volon
2768 tte nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’ être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale a
2769 re, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
2770 u reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’ une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appeller
2771 uoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation de l’Europe.32 En 1875, un professeur de droit international, Johann G
2772 formation de l’Europe.32 En 1875, un professeur de droit international, Johann Gaspar Bluntschli, déclare au sujet de so
2773 ipes qui sont destinés à garantir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal sera réalisé, alors la nationalité intern
2774 ce passage à l’Europe, cette « transfiguration » d’ une vocation nationale dont rêvaient Hugo pour la France et Mazzini po
2775 is voilà qui ne paraît concevable que dans le cas d’ une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’In
2776 ns le cas d’une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’Internationale des nationalismes » préconi
2777 des nationalismes » préconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’une
2778 préconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’ une amicale universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïste
2779 dée d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’ une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les fa
2780 es ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire. Dans le même temps, le diplomate et phi
2781 prussien Constantin Frantz démontre que l’absence d’ unité nationale, congénitale aux Allemagnes, confère à ces régions cen
2782 à ces régions centrales du Continent la vocation d’ unir l’Europe sur le modèle fédéraliste : respectueux des diversités,
2783 édéraliste : respectueux des diversités, exclusif de toute hégémonie d’une des parties contractantes. Mais le nationalisme
2784 tueux des diversités, exclusif de toute hégémonie d’ une des parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Fran
2785 réapparaît irrésistiblement sous la forme épurée d’ une mission européenne de son peuple. Nous connaissons maintenant le p
2786 ent sous la forme épurée d’une mission européenne de son peuple. Nous connaissons maintenant le processus, illustré par to
2787 e processus, illustré par toutes les grandes voix de 48, et de la période qui suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse
2788 s, illustré par toutes les grandes voix de 48, et de la période qui suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse comme en F
2789 instituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’ une base réelle, sur laquelle elle repose et d’où la première impulsio
2790 d, d’une base réelle, sur laquelle elle repose et d’ où la première impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est de l’All
2791 re impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église, il est donc du devo
2792 que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, d
2793 ue la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations
2794 glise, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le pr
2795 onc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le précurseur d’un r
2796 ut autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le précurseur d’un renouveau de tout le système européen… Fa
2797 mmunauté des nations et de se faire le précurseur d’ un renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base
2798 tions et de se faire le précurseur d’un renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base du nouveau sys
2799 d’un renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base du nouveau système (fédéraliste), voilà qui serai
2800 (fédéraliste), voilà qui serait vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes de toute l’évolution
2801 e génie politique : ce serait poser les principes de toute l’évolution future. Est-ce à la France, à l’Italie ou à l’Alle
2802 ie ou à l’Allemagne voire à la Suisse fédéraliste de faire l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nat
2803 oire à la Suisse fédéraliste de faire l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nationale, au meilleur s
2804 cation nationale, au meilleur sens du terme, mais de portée universelle ? Non, disent les Russes, — ou tout au moins les p
2805 es du xixe , — c’est la Russie qui a pour mission de régénérer l’Europe et de l’unir un jour, car c’est ainsi seulement qu
2806 ussie qui a pour mission de régénérer l’Europe et de l’unir un jour, car c’est ainsi seulement que la Russie pourra deveni
2807 nir européenne. En 1837, paraît le premier numéro de la revue des slavophiles, partisans d’un nationalisme spirituel et cu
2808 ier numéro de la revue des slavophiles, partisans d’ un nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des cou
2809 artisans d’un nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales de la Russie paysanne,
2810 de l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales de la Russie paysanne, adversaires donc de « l’Europe », et cette revue
2811 cestrales de la Russie paysanne, adversaires donc de « l’Europe », et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume d’Ivan
2812 , et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume d’ Ivan Kirievsky, son principal rédacteur, elle oppose à l’Europe la not
2813 cipal rédacteur, elle oppose à l’Europe la notion d’ enthousiasme, qui serait restée le privilège des Russes et que nos pay
2814 it restée le privilège des Russes et que nos pays de l’Ouest auraient perdue ; mais cette notion se trouve empruntée à Sch
2815 rialiste et bourgeoisement satisfaite, la mission de la Russie authentique est d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le
2816 tisfaite, la mission de la Russie authentique est d’ inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe.
2817 n de la Russie authentique est d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe. Pour Kirievsky et
2818 d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion d’hégémoni
2819 sera russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion d’ hégémonie organisatrice est capitale : Pour que l’unité de l’Europe s
2820 ie organisatrice est capitale : Pour que l’unité de l’Europe se constitue organiquement et harmonieusement, il est nécess
2821 centre déterminé, un peuple qui domine les autres de sa supériorité politique et culturelle… Seule la Russie en est capa
2822 et ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal d’ un écrivain, gazette qu’il publie seul, à intervalles irréguliers, en
2823 tervalles irréguliers, en 1876 et 1877. L’avenir de l’Europe appartient à la Russie. La plus haute parmi les hautes missi
2824 sentons devoir assumer un jour, c’est la mission de grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’est pas seulement la
2825 resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité de notre esprit national et de notre conscience nationale. Tirons l’épée
2826 bles, grâce à l’unité de notre esprit national et de notre conscience nationale. Tirons l’épée, s’il le faut, au nom des m
2827 roirons que plus fortement à la véritable mission de la Russie, à sa puissance et à sa vérité : se sacrifier pour ceux qui
2828 rimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts de la civilisation. Il faut que les organes politiques reconnaissent la
2829 quelque part, que tout au moins une nation serve de flambeau. Qu’adviendrait-il sans cela ? Au nom de la véritable relig
2830 sie, sous peine de « sombrer dans le cynisme » et d’ y trouver leur fin, « vers laquelle il semble bien qu’ils s’acheminent
2831 bien qu’ils s’acheminent ». III. Les prophètes de la catastrophe Le grand historien allemand Léopold von Ranke est e
2832 historien allemand Léopold von Ranke est en plus d’ un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spirit
2833 st en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’ objectivité, de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce
2834 sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’est vrai
2835 a volonté d’objectivité, de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’est vraiment passé », et par son
2836 de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’est vraiment passé », et par son refus de tout système dia
2837 « ce qui s’est vraiment passé », et par son refus de tout système dialectique permettant de survoler les faits et dotant l
2838 son refus de tout système dialectique permettant de survoler les faits et dotant l’évolution d’on ne sait quelle énergie
2839 ttant de survoler les faits et dotant l’évolution d’ on ne sait quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédi
2840 lon lui, ne conquiert que par sa culture le droit de jouer un rôle actif dans l’histoire mondiale. La primauté appartient
2841 « romano-germanique » : Italie — France — Espagne d’ un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par s
2842 e d’un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par sa conquête des Gaules a rendu possible cette con
2843 s germains, la communauté des Européens n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le confl
2844 nauté des Européens n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et
2845 affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et de l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme, aie
2846 e croit nullement que le conflit de la papauté et de l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme, aient été des grands
2847 a papauté et de l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme, aient été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bi
2848 Le danger que représentent pour l’unité foncière de l’Europe les souverainetés nationales absolues, lui paraît beaucoup p
2849 : Ceux qui tiennent simplement pour une tendance de l’Histoire le fait que les souverainetés nationales vont nous dominer
2850 an, la menace porterait plutôt sur « les intérêts de la raison et de la civilisation ». Dans la préface à sa fameuse confé
2851 rterait plutôt sur « les intérêts de la raison et de la civilisation ». Dans la préface à sa fameuse conférence prononcée
2852 ne famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets
2853 rituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dan
2854 tant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, d
2855 de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer
2856 , de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ense
2857 et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas
2858 semble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnographique,
2859 nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’ appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble
2860 d’appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’ avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en f
2861 roupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’ave
2862 fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une
2863 sé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec
2864 le des peuples réellement existants. (Or) le fait de la race, capital à l’origine, va donc toujours perdant de son importa
2865 ce, capital à l’origine, va donc toujours perdant de son importance. L’histoire humaine diffère essentiellement de la zool
2866 tance. L’histoire humaine diffère essentiellement de la zoologie. La race n’y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les
2867 es rongeurs ou les félins, et on n’a pas le droit d’ aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorg
2868 s les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es de notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire de l
2869 nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ;
2870 e nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les Éta
2871 faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans
2872 quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose de supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’ê
2873 érieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait
2874 angue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’ être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus imp
2875 lonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de lan
2876 est un fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obtenue par des vexations. … La géographie, ce qu’on
2877 ons. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant, comme le croient certains par
2878 comme le croient certains partis, que les limites d’ une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de
2879 rites sur la carte et que cette nation a le droit de s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour
2880 gne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbit
2881 de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, on justifie tout
2882 lles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus
2883 De Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l
2884 l’Oder auraient, autant que le Rhin, ce caractère de frontière naturelle qui a fait commettre tant d’infractions au droit
2885 de frontière naturelle qui a fait commettre tant d’ infractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je
2886 les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qu
2887 s hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose d’ éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération, europée
2888 ons domestiquées par l’État militaire33. Dans une de ses lettres à von Preen, il prévoit pour les masses ouvrières entassé
2889 taire : … Un certain degré déterminé et contrôlé de misère et d’avancement, chaque journée, en uniforme, commencée et ter
2890 certain degré déterminé et contrôlé de misère et d’ avancement, chaque journée, en uniforme, commencée et terminée par un
2891 uniforme, commencée et terminée par un roulement de tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il est clair que
2892 exercé par des dynasties, désormais trop faibles de cœur, mais par des chefs militaires qui se donneront pour républicain
2893 ins. Mais personne mieux que Nietzsche, disciple de Burckhardt, n’a dénoncé le délire nationaliste, déguisé en « patrioti
2894 e cent pages du même ton, quelques extraits tirés de Par-delà le bien et le mal : Nous autres « bons Européens », nous au
2895 ures où nous nous permettons un patriotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étr
2896 riotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’effervescenc
2897 age, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’effervescence nationale, d’angoiss
2898 les amours et de vieilles étroitesses, des heures d’ effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures où bien d’
2899 troitesses, des heures d’effervescence nationale, d’ angoisse patriotique, des heures où bien d’autres sentiments antiques
2900 t. Des esprits plus lourds que nous mettront plus de temps à en finir avec ce qui chez nous n’occupe que quelques heures e
2901 quelques heures : pour les uns, il faut la moitié d’ une année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapid
2902 la moitié d’une année, pour les autres la moitié d’ une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et
2903 itié d’une année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et de ren
2904 es la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et de renouvellement. Je saurais même m
2905 vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’ assimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des race
2906 n la rapidité de leurs facultés d’assimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hési
2907 s, qui, dans notre Europe hâtive, auraient besoin de demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme atavique et
2908 e, auraient besoin de demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour
2909 soin de demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour revenir à la r
2910 urmonter de tels excès de patriotisme atavique et d’ attachement à la glèbe, pour revenir à la raison, je veux dire au « bo
2911 ionalités a mises et met encore entre les peuples de l’Europe, grâce aux politiciens à la vue courte et aux mains promptes
2912 isme, sans soupçonner à quel point leur politique de désunion est fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à to
2913 e de désunion est fatalement une simple politique d’ entracte, — grâce à tout cela, et à bien des choses encore qu’on ne pe
2914 on déforme mensongèrement les signes qui prouvent de la manière la plus manifeste que l’Europe veut devenir une. Tous les
2915 t devenir une. Tous les hommes un peu profonds et d’ esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce but unique du travai
2916 le ont tendu vers ce but unique du travail secret de leur âme : ils voulurent frayer les voies à un nouvel accord et tentè
2917 frayer les voies à un nouvel accord et tentèrent de réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à une p
2918 ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils
2919 uperficielles de leur intelligence, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenan
2920 de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’ eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napol
2921 ine, Schopenhauer. Qu’on ne m’en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des Fragments posthumes,
2922 Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité d’un Marché commun de
2923 e ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité d’ un Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute un grand fait éco
2924 tes du xixe . Plus européen, sans doute, qu’aucun de ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe q
2925 sans doute, qu’aucun de ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dép
2926 mpatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit prophétique. Voici quelques
2927 iècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’ un sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos rec
2928 sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos recueillis par son disciple Jean Variot à la veille de la
2929 cueillis par son disciple Jean Variot à la veille de la Première Guerre mondiale34 : Personne n’a le courage de dire ou d
2930 ière Guerre mondiale34 : Personne n’a le courage de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Po
2931 mondiale34 : Personne n’a le courage de dire ou d’ écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Eu
2932 nne n’a le courage de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par ex
2933 iers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposées les unes aux autres, et dans l
2934 mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’a pas de chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisinage. Q
2935 s tout de suite la guerre qui surgit. Les peuples de l’Europe ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guer
2936 guerre. … Et il y a le slavisme qui met son grain de sel là-dedans. La politique panslave… C’est gai pour demain ! Je vous
2937 is ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’ autorité ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de
2938 té ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’ une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois g
2939 nçais avares ; des Italiens souffrant d’une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? C
2940 uerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli de crabes qui se pincent toute la sainte journée ? Malheureuse Europe !
2941 rois fois par siècle. … Rien n’améliorera le sort de l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vie
2942 ous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vieux fond d’ optimisme qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’y a aucune rais
2943 ns un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prene
2944 . L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prenez-en votre part
2945 ble ! Prenez-en votre parti ! IV. Liquidation de l’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe
2946 ’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité », et q
2947 e « cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité », et qui réinventait à peu de mots près la phrase d’Ivan
2948 , et qui réinventait à peu de mots près la phrase d’ Ivan Karamazov partant pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans
2949 e vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois se bornant à grommeler : « L’Europe, ce cimetière… 
2950 , fut sans doute l’observateur le plus pessimiste de l’Europe des nationalismes. Et c’est à lui que 1914 donnera raison. C
2951 e 1914 donnera raison. Car 1914 sonne le glas non de l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et de son impérialisme
2952 1914 sonne le glas non de l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et de son impérialisme planétaire. Il faudra cep
2953 l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et de son impérialisme planétaire. Il faudra cependant en venir aux excès d
2954 lanétaire. Il faudra cependant en venir aux excès de l’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit est ce qui sert le peu
2955 lame Hitler), pour que les dernières conséquences de la souveraineté absolue éclatent aux yeux des peuples et de leurs hom
2956 eraineté absolue éclatent aux yeux des peuples et de leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui auront subi, à l’Oues
2957 L’Allemagne, la France, et l’Italie, au lendemain de leur libération, inscrivent dans leur Constitution des articles prévo
2958 articles prévoyant l’abandon du dogme sacro-saint de la souveraineté totale. 27. Les citations qui suivent sont extrait
2959 . 27. Les citations qui suivent sont extraites d’ une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai groupé et commenté
2960 uelle j’ai groupé et commenté plusieurs centaines de textes sur l’Europe, d’Hésiode à nos jours. 28. Der geschlossene Ha
2961 menté plusieurs centaines de textes sur l’Europe, d’ Hésiode à nos jours. 28. Der geschlossene Handelsstaat, trad. franç.
2962 33. Cf. supra p. 9, les « terribles niveleurs » de Heine. 34. Jean Variot, Propos de Georges Sorel, Paris, 1935. p. R
2963 es niveleurs » de Heine. 34. Jean Variot, Propos de Georges Sorel, Paris, 1935. p. Rougemont Denis de, « Le nationalism
2964 Georges Sorel, Paris, 1935. p. Rougemont Denis de , « Le nationalisme et l’Europe », La Table ronde, Paris, mars 1960, p
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
2965 Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)s t
2966 pe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé d’ entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait m
2967 énoncée qu’en Europe, et seulement par la bouche d’ Européens, nous fournit, paradoxalement, une première définition de l’
2968 fournit, paradoxalement, une première définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe exist
2969 alement, une première définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
2970 Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’ un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels sceptiques et les adve
2971 s sceptiques et les adversaires déclarés (ou non) de l’union européenne ont coutume d’affirmer simultanément les deux prop
2972 clarés (ou non) de l’union européenne ont coutume d’ affirmer simultanément les deux propositions contradictoires que voici
2973 contradictoires que voici : primo ; il n’y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, c
2974 nité quelconque ; secundo : il ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car toute vraie culture est univer
2975 fférents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulg
2976 nt portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière ; les Français ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont des p
2977 sur une connaissance trop méticuleuse et pédante de nos diversités, sur une expérience, vécue jusqu’à l’irritation, du te
2978 ion, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’avon
2979 ttitude, celle qui fait dire que nous n’avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’expliq
2980 n’avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance d
2981 que par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope
2982 du monde. La première attitude est en somme celle d’ un myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant de co
2983 st en somme celle d’un myope, et la seconde celle d’ un presbyte. Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-n
2984 seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou pa
2985 intenant de corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en dis
2986 ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’ outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante. Vue
2987 ivante. Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture
2988 du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose i
2989 sie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de
2990 mpose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être
2991 re surtout en ennemis. À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nou
2992 seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Pélo
2993 le nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’E
2994 Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’ un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès
2995 ). Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales et nationales, religieuses et morales, p
2996 alité, la spécificité et la communauté, — l’unité de notre culture ? Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vra
2997 convaincant, que si nous comparons notre formule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’
2998 s notre formule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont ré
2999 ’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’ unité qui ont régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes con
3000 es, ou que certains régimes contemporains tentent d’ imposer à la culture de leurs sujets. Si nous considérons les cultures
3001 imes contemporains tentent d’imposer à la culture de leurs sujets. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les
3002 de leurs sujets. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les cultures extraeuropéennes qui subsistent encore ou
3003 aeuropéennes qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien dis
3004 qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans
3005 ines cultures, surtout antiques, l’unité provient d’ une origine unique, ou d’un grand principe formateur, et d’une continu
3006 tiques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’ un grand principe formateur, et d’une continuelle référence à cette so
3007 gine unique, ou d’un grand principe formateur, et d’ une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l
3008 cultures, surtout contemporaines, l’unité résulte d’ un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’u
3009 poraines, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’ une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionn
3010 elle, originelle, innée à la culture et découlant de son passé ; d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre ri
3011 Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les noms
3012 s, j’illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations fondées sur le Sacré, comme celles de Sumer, d
3013 civilisations fondées sur le Sacré, comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des
3014 ions fondées sur le Sacré, comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, pui
3015 comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis qu
3016 du national-socialisme et du fascisme) serviront d’ exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves
3017 s pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule de l’unit
3018 indications, pour faire bien voir que la formule de l’unité traditionnelle, et la formule de l’unification contrainte, so
3019 formule de l’unité traditionnelle, et la formule de l’unification contrainte, sont en violent contraste avec les réalités
3020 e avec les réalités et principes caractéristiques de la culture européenne. La première vise à maintenir et la seconde à é
3021 te et presque informulable, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent c
3022 le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et comment il
3023 es diversités. Mais il est temps de nous demander d’ où proviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Eu
3024 les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caract
3025 aît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture européenne s’expliquent historiquement par la pluralité de
3026 uent historiquement par la pluralité des origines de notre civilisation. Et elles sont entretenues ou renouvelées sans ces
3027 ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure
3028 ée par une force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que nous le sachions ou non et que nous l’acce
3029 hes gouvernant nos sensibilités et par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois vil
3030 ant nos sensibilités et par nos formes de pensée, d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustr
3031 sibilités et par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proc
3032 t par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proche-Orient s
3033 trois villes illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du m
3034 illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique
3035 nes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours
3036 siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’homme grec, as
3037 critique, le citoyen romain obéissant à la raison d’ État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrie
3038 ’État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épé
3039 romantique et magique, — et nous descendons tous de la plupart d’entre eux, par les coutumes conscientes et inconscientes
3040 ntes autant et plus que par les chromosomes — que de contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis bo
3041 romosomes — que de contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou p
3042 radictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’allianc
3043 les, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’alliances imprévues, infinime
3044 boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’ alliances imprévues, infiniment variées selon les temps et les lieux —
3045 et les lieux — et toujours remises en question ! De cet immense complexe de tensions défiant toute description définitive
3046 urs remises en question ! De cet immense complexe de tensions défiant toute description définitive voyons maintenant se dé
3047 Si nous avons tous d’abord découvert, puis marqué de notre empreinte le monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’un
3048 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturelles que nous le devons, aux conflits spirituels,
3049 dira providentiels ou matériels, selon les écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discu
3050 écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les ca
3051 naire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’ un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. En
3052 je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux élémen
3053 communs et permanents, les caractères spécifiques de la culture européenne ; j’entends les caractères par lesquels cette c
3054 , — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ce
3055 t d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de
3056 commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitai
3057 églementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement com
3058 e à ces deux groupes de cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
3059 nt comme à la fois pluraliste et profane. Culture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples e
3060 ois pluraliste et profane. Culture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples et des valeurs s
3061 ture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples et des valeurs souvent incompatibles qu’elle e
3062 a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’ unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
3063 nts que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de polémique permanente portant sur les principes fondamentaux de toute
3064 permanente portant sur les principes fondamentaux de toute culture, n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres
3065 ntaux de toute culture, n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la
3066 e je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
3067 les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
3068 ’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
3069 sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
3070 co-religieux ou le sacré politico-social. Le sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
3071 Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du
3072 iers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du Proche-Orient. Mais i
3073 et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’ illusions flatteuses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de w
3074 uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’ à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette e
3075 uses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
3076 sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
3077 x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
3078 éracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
3079 ment de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
3080 ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même, en tant que vé
3081 aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines en perpétuelle session contra
3082 plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines en perpétuelle session contradictoire. Nous pou
3083 hiques l’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
3084 les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
3085 re banal, à vous Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
3086 evés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. Veuillez song
3087 t que l’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
3088 la simple véracité. Leurs cultures leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
3089 s leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
3090 de plus nos calculs… Deuxième caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enraci
3091 ème caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienn
3092 sonnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
3093 n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
3094 ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
3095  ! — mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie . D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouvert
3096 mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie. D’ où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
3097 donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
3098 te une double exigence de recueillement en soi et d’ ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage
3099 de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de lois
3100 en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’ action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre
3101 t d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me d
3102 ngage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me direz-vous. Mais comparez, une
3103 l productif et collectif, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
3104 uctif et collectif, qui devient le seul but de la vie . Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fix
3105 sans relation directe ou immédiate avec le salut de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
3106 de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
3107 personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie , et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contr
3108 la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
3109 e, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie . Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’indi
3110 res traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
3111 magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé. D’ où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’
3112 les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’explique pas tout, loin
3113 tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et lo
3114 ys « sous-développés » revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nou
3115 u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
3116 leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
3117 votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
3118 as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
3119 e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
3120 it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’ autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
3121 tre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, — soit p
3122 oyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, — soit pour modifier cette relation,
3123 nces fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, — soit pour modifier cette relation, soi
3124 mieux conscience. Le troisième caractère original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
3125 original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
3126 est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
3127 re que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
3128 se, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre
3129 le mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
3130 térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
3131 uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spir
3132 nt et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus fa
3133 ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et i
3134 r, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’ idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de t
3135 d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroy
3136 nte en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la
3137 les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la reven
3138 e nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la libert
3139 ncroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
3140 lement européen, le plus commun à tous les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
3141 t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même m
3142 dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucune passion fondamentale, n’a guère de sens chez
3143 n’éveille aucune passion fondamentale, n’a guère de sens chez les peuplades africaines ou chez les « apparatchiks »36 de
3144 uplades africaines ou chez les « apparatchiks »36 de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la C
3145 « apparatchiks »36 de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soud
3146 ans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis, pour les meneur
3147 in un sens précis, pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il
3148 à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru b
3149 rétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pa
3150 n de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustre
3151 ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’ illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout par
3152 nt la plupart de nos créations. En effet, du sens de la vérité objective dérivent nos sciences et par suite, nos technique
3153 sciences et par suite, nos techniques. Et du sens de la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté, dérivent to
3154 ens de la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté, dérivent toutes nos institutions et nos doctrines, orthod
3155 versives, et enfin notre dynamisme irrépressible. D’ où vient, en effet, le dynamisme d’une civilisation ? De la pression d
3156 irrépressible. D’où vient, en effet, le dynamisme d’ une civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographiq
3157 ient, en effet, le dynamisme d’une civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographique de cette civilisat
3158 a pression démographique dans l’aire géographique de cette civilisation ? Je n’en crois rien. Il existe sur notre planète
3159 planète trois régions comparables du point de vue de la pression démographique, c’est-à-dire de la relation superficie-pop
3160 de vue de la pression démographique, c’est-à-dire de la relation superficie-population : ce sont la Chine, l’Inde et l’Eur
3161 es dans ces trois régions. Le rayonnement mondial de la Chine est resté faible, celui de l’Inde appartient au passé, mais
3162 ement mondial de la Chine est resté faible, celui de l’Inde appartient au passé, mais celui de l’Europe est maximum. Le dy
3163 , celui de l’Inde appartient au passé, mais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme d’une culture proviendrait-il plut
3164 mais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme d’ une culture proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défi
3165 défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiatiques, seul
3166 ement, des champs Catalauniques au Kablenberg, et de Poitiers à Lépante, n’ont rien suscité de marquant ni de nouveau dans
3167 erg, et de Poitiers à Lépante, n’ont rien suscité de marquant ni de nouveau dans notre civilisation. Seules les Croisades
3168 uctives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’ un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’une agression délibér
3169 d’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’ une agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme
3170 ieur, mais au contraire d’une agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation euro
3171 rée de notre part. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tens
3172 de notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos
3173 sation européenne provient plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contra
3174 t plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoqu
3175 de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoque à créer, à inventer, à
3176 orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’ impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
3177 ts qui la subissent, mais c’est la condition même de la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns de ses ré
3178 la subissent, mais c’est la condition même de la vie . Illustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns de ses résultats
3179 lustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns de ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens
3180 point où elles permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
3181 ominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
3182 e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
3183 é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
3184 ire, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette
3185 e concentrer leurs énergies sur cette exploration de la matière, les Européens avaient entrepris, avec non moins d’audace,
3186 , les Européens avaient entrepris, avec non moins d’ audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
3187 entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
3188 ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
3189 nité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
3190 prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’ universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
3191 d’universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
3192 démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, en
3193 hie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
3194 mplique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
3195 istoire, enseignement de l’histoire, constitution d’ archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
3196 ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
3197 ire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, e
3198 vellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finaleme
3199 sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finalement : superstition mo
3200 s, et finalement : superstition moderne du « sens de l’histoire », qui non seulement alimente les plus vives polémiques in
3201 limente les plus vives polémiques intellectuelles de notre époque, mais encore influence profondément les choix politiques
3202 ue ces sciences ont joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
3203 joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin pour
3204 t de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fo
3205 us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à partir de ces con
3206 e. Et, à partir de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents que sont leurs musées, ils ont élaboré les p
3207 r de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents que sont leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’un
3208 sont leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
3209 le, ou planétaire, prépare, elle aussi, les voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà c
3210 r, toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme da
3211 dans leur genèse, à tout le complexe dialectique de nos valeurs. Mais d’autre part, nous venons d’observer que toutes ces
3212 ue de nos valeurs. Mais d’autre part, nous venons d’ observer que toutes ces créations sont en expansion vers le monde, qu’
3213 loré ses variétés. Je ne tenterai pas aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde des créations que je viens d’énumérer
3214 la cohérence profonde des créations que je viens d’ énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me borne
3215 que l’Europe a produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines
3216 produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines, si hétérogène
3217 ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais plus h
3218 ouverte que je décrivais plus haut, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension entre nos origines multiples
3219 entre nos déterminations natives et notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité,
3220 t notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe
3221 es surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici don
3222 de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le mond
3223 plus typiques et les plus spectaculaires, surgies de la problématique tragique qui définit l’originalité de l’Europe, se v
3224 problématique tragique qui définit l’originalité de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences to
3225 le monde entier. Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, mais voici que cette culture crée le mon
3226 . Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, mais voici que cette culture crée le monde, par où j’en
3227 re crée le monde, par où j’entends la possibilité d’ un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son un
3228 main qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son rassemb
3229 que pose son rassemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde »,
3230 assemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde », se voient menac
3231 péens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
3232 « le monde », se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
3233 ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
3234 de quelle manière les autres continents menacent d’ abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépe
3235 e manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépens de leu
3236 ilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
3237 amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher d’ évaluer les risques angoissants et les chances admirables. Je voudrais
3238 s observations et suggestions sur ce qui se passe d’ étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous s
3239 s et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous sommes bien fo
3240 , et sur la politique que nous sommes bien forcés d’ imaginer pour y faire face. Nous devons tout d’abord, nous les Europée
3241 conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de notre culture, afin de mieux comprendre ce que nous
3242 fois plus intime et plus globale de l’originalité de notre culture, afin de mieux comprendre ce que nous sommes, ce que no
3243 nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices de la culture, et non pas au niveau de ses sous-produits. L’originalité
3244 pas au niveau de ses sous-produits. L’originalité de la culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être
3245 , et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la
3246 éé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est u
3247 te de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terr
3248 l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés ou d’échanges culturel
3249 sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés ou d’échanges culturels sporadiques, incro
3250 terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’ affaires privés ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement in
3251 la colonisation, de contacts d’affaires privés ou d’ échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
3252 ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’ équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensio
3253 sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
3254 ’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’ innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Ainsi le monde entier
3255 nos machines, nos poisons doctrinaux, nos secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas l
3256 t philosophiques, qui expliquent seules la genèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
3257 nèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits —
3258 ’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre cu
3259 nue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’ autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susc
3260 Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’ y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ani
3261 ux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? que devon
3262 ptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? que devons-nous faire, nous qui sommes
3263 ous faire, nous qui sommes aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’a
3264 Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, q
3265 n que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a déco
3266 e où elle a découvert le genre humain. Or le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la
3267 rt le genre humain. Or le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la dernière guerre, a
3268 le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la dernière guerre, avait un but précis et
3269 d de son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la dernière guerre, avait un but précis et limité : empêcher les Fran
3270 t limité : empêcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Euro
3271 Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous
3272 d’abord exister. Certains me diront, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que peut bien
3273 onde ? Notre sort personnel, notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Questi
3274 tre sort personnel, notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Question europée
3275 cellence. Mais qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le so
3276 qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de
3277 entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain
3278 oir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle d
3279 du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle déjà, Amos Comenius écrivait : « Nous autre
3280 orte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel
3281 l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’ elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symbole
3282 pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’ elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. I
3283 sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’ or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, d
3284 sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’un
3285 uelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie . Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catas
3286 orte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’ une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine
3287 ’une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir d’un au
3288 umaine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir d’ un autre moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, a
3289 ue irrésistiblement le souvenir d’un autre moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, au matin du départ
3290 moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-elles la voilure
3291 ésitent encore à s’embarquer parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au
3292 barquer parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial
3293 doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a susc
3294 venir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a suscité. À ceux qui
3295 tre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre huma
3296 hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre humain. 35. Paul Valéry. 36. Me
3297 du genre humain. 35. Paul Valéry. 36. Membres de l’Appareil, des cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’
3298 s cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’homme , 1957. s. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture
3299 cidentale de l’homme , 1957. s. Rougemont Denis de , « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures 
3300 me , 1957. s. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures », Caractère et cu
3301 parée aux autres cultures », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, juin 1960, p. 28-34. t. Texte très proche, mais
3302 . t. Texte très proche, mais non sans variantes, de celui publié sous le même titre en août 1960.
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
3303 Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la cultur
3304 e Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extrait
3305 ongrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u
3306 la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’
3307 a culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’une semaine d’éc
3308 erlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’ une semaine d’échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je
3309 s) (juin-juillet 1960)u Au terme d’une semaine d’ échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je pense répondre
3310 Au terme d’une semaine d’échanges intellectuels d’ une exceptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en e
3311 ptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Cong
3312 je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Congrès et les idéaux qu
3313 n essayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Congrès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de r
3314 t les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de reprendre les trois termes qui forment notre titre : Congrès, Liberté
3315 u’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq continents — mais voici le point importa
3316 un front discipliné mais un simple rassemblement d’ hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables deva
3317 discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux-mê
3318 nférence à Berlin, il y a dix ans, ils décidèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des li
3319 idèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’ urgence et au service des libertés de l’esprit partout où elles sont a
3320 insi, en cas d’urgence et au service des libertés de l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine force de frapp
3321 rtout où elles sont attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le beso
3322 les sont attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin de se gr
3323 n efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin de se grouper pour dialoguer et réfléchir ensemble sur les immenses prob
3324 r au plus pressé, secourir les persécutés accusés de liberté d’esprit,— et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujou
3325 ressé, secourir les persécutés accusés de liberté d’ esprit,— et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que
3326 es que vous savez. Elles viennent de la misère et de la faim pour une large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des
3327 de la misère et de la faim pour une large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie matérialistes que
3328 ie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglém
3329 de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglément
3330 et qui, sous les meilleurs prétextes, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent
3331 rs prétextes, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cu
3332 es viennent enfin, ces menaces contre la liberté, de la misère morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les
3333 pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver u
3334 quement non développés) des centaines de millions d’ êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leu
3335 millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, da
3336 frent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le go
3337 rouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce
3338 eur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie , voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus i
3339 e de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
3340 là ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’ un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un ho
3341 nsidieusement la dignité d’un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient
3342 un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui
3343 vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ava
3344 e personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper.
3345 n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’ appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’
3346 s proprement humaines qui donnent un sens à notre vie . Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie
3347 re, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments,
3348 c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie , des connaissances et des significations, relier les sentiments, les
3349 chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve e
3350 es symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une c
3351 besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmission mais critique et ru
3352 ement initiation mais invention. Ces deux aspects de la culture peuvent devenir également dangereux pour l’homme et pour s
3353 iberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées et combinées, tradition et innovati
3354 trouve que la plupart des conférences et groupes d’ études organisés par le Congrès portent précisément ce titre général :
3355 progrès technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de
3356 aut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humai
3357 pliquées, la pensée et l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies
3358 uliser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci
3359 mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies , et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour
3360 ’échelle mondiale aussi que les diverses facultés de l’homme peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — cel
3361 bler leurs grands symboles : — celles du corps et de l’intellect (d’où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; —
3362 s symboles : — celles du corps et de l’intellect ( d’ où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme
3363 ique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique a le mieux préservées (par le chant, par l
3364 t, par la danse, le rythme, l’émotion) ; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est po
3365  ; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de pr
3366 art entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq
3367 x cultures continentales qui vivent dans le monde d’ aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent, toujours pl
3368 nt, toujours plus consciemment, vers la recherche d’ une sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire,
3369 ique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile d’ insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute
3370 r ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute part. Mais nous refusons d’accorder à la politique cette valeur
3371 elle nous cerne de toute part. Mais nous refusons d’ accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui don
3372 ns d’accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour il n’y
3373 totalitaires — tant qu’un jour il n’y a plus rien d’ autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles éc
3374 à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politique totale et absolutisée. u. Rougemont Denis de, « Alloc
3375 ique totale et absolutisée. u. Rougemont Denis de , « Allocution de Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la ren
3376 solutisée. u. Rougemont Denis de, « Allocution de Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin
3377 , « Allocution de Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) », Informations. Congrès
3378 ion de Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) », Informations. Congrès pour la li
3379 Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) », Informations. Congrès pour la liberté de la cult
3380 xtraits) », Informations. Congrès pour la liberté de la culture, Paris, juin–juillet 1960, p. 2.
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
3381 La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)v w Nous voyons bien, aujourd’hui, que les
3382 La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)v w Nous voyons bien, aujourd’hui, que les menaces
3383 les libertés ne viennent pas seulement des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglém
3384 libertés ne viennent pas seulement des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglément
3385 et qui, sous les meilleurs prétextes, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent
3386 rs prétextes, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cu
3387 es viennent enfin, ces menaces contre la liberté, de la misère morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les
3388 pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver u
3389 quement non développés) des centaines de millions d’ êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leu
3390 millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, da
3391 frent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le go
3392 rouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce
3393 eur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie , voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus i
3394 e de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
3395 là ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’ un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un ho
3396 nsidieusement la dignité d’un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient
3397 un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui
3398 vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ava
3399 e personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper.
3400 n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’ appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’
3401 ses définitions, que là aussi vous me permettrez d’ être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conc
3402 là aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conception de la culture q
3403 orner à quelques traits définissant la conception de la culture que je vois pratiquée par ce Congrès. La culture c’est t
3404 t situer Le pire danger, c’est donc l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité d’une vie sans but. Or la culture,
3405 nger, c’est donc l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité d’une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ense
3406 c l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité d’ une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activi
3407 sence de sens : le sentiment de l’absurdité d’une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activités pro
3408 s proprement humaines qui donnent un sens à notre vie . Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie
3409 re, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments,
3410 c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie , des connaissances et des significations, relier les sentiments, les
3411 chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve e
3412 es symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une c
3413 besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmission mais critique et ru
3414 ement initiation mais invention. Ces deux aspects de la culture peuvent devenir également dangereux pour l’homme et pour s
3415 iberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées et combinées, tradition et innovati
3416 trouve que la plupart des conférences et groupes d’ études organisés par le Congrès portent précisément ce titre général :
3417 progrès technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de
3418 aut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humai
3419 pliquées, la pensée et l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies
3420 uliser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci
3421 mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies , et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour
3422 ’échelle mondiale aussi que les diverses facultés de l’homme peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — cel
3423 bler leurs grands symboles : — celles du corps et de l’intellect (d’où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; —
3424 s symboles : — celles du corps et de l’intellect ( d’ où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme
3425 ique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique a le mieux préservée (par le chant, par la
3426 t, par la danse, le rythme, l’émotion) ; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est p
3427  ; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de p
3428 art entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq
3429 x cultures continentales qui vivent dans le monde d’ aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent, toujours pl
3430 nt, toujours plus consciemment, vers la recherche d’ une sagesse globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre tit
3431 forment notre titre. J’en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’élargissant pro
3432 t aux dimensions du monde entier, est désormais : d’ organiser un ample effort de réflexions entre intellectuels du monde e
3433 tier, est désormais : d’organiser un ample effort de réflexions entre intellectuels du monde entier sur les problèmes que
3434 atif et culturel, dans les conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Améri
3435 rel, dans les conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Amériques ; mais c
3436 conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Amériques ; mais ceci dans la pe
3437 raies libertés humaines. On nous demande souvent, de tous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il me semble que le c
3438 le que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question. Mais on insiste, la pr
3439 ou cela… J’insisterai donc à mon tour. Au-delà de la politique : Liberté, Progrès et Bien En situant le Congrès comm
3440 ique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile d’ insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes
3441 le nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’ accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui don
3442 ns d’accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui donnent les totalitaires, tant qu’un jour il n’y a
3443 totalitaires, tant qu’un jour il n’y a plus rien d’ autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles éc
3444 à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politique totale et absolutisée. La politique doit rester pour nou
3445 e foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absolu ? Non, certes, m
3446 continuelle des possibilités, pour chaque homme, de courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de trava
3447 our chaque homme, de courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’acti
3448 urir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce
3449 l, de donner un sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’est point par des st
3450 s à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’ action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant
3451 nt de travail que de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant sur les résu
3452 t par des statistiques, portant sur les résultats d’ un régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degr
3453 stiques, portant sur les résultats d’un régime ou d’ une institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté at
3454 titution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté atteint par l’homme dans telle ou telle société. Mais c’est p
3455 ciété. Mais c’est par la nature et par la qualité de chances ménagées à chacun de courir sa propre aventure et d’affronter
3456 re et par la qualité de chances ménagées à chacun de courir sa propre aventure et d’affronter le mystère de sa personne. T
3457 ménagées à chacun de courir sa propre aventure et d’ affronter le mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de tout
3458 urir sa propre aventure et d’affronter le mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de toute communauté, et la seu
3459 mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de toute communauté, et la seule mesure qui permette de juger qu’une for
3460 toute communauté, et la seule mesure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas
3461 a seule mesure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès,
3462 eule mesure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès, mai
3463 rmette de juger qu’une forme de vie ou un système d’ institution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. v.
3464 un Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Denis de , « La liberté et le sens de la vie », France catholique, Paris, juill
3465 v. Rougemont Denis de, « La liberté et le sens de la vie », France catholique, Paris, juillet 1960, p. 1 et 6. w. Prés
3466 Rougemont Denis de, « La liberté et le sens de la vie  », France catholique, Paris, juillet 1960, p. 1 et 6. w. Présenté pa
3467 est), le 3e Congrès international pour la liberté de la culture. Parmi les délégués des différentes nations on notait la p
3468 ués des différentes nations on notait la présence de MM. Oppenheimer, le grand savant atomiste, et George Kennan, ancien a
3469 bassadeur à Moscou, pour les États-Unis, entourés d’ éminents universitaires américains, de MM. Salvador de Madariaga, anci
3470 s, entourés d’éminents universitaires américains, de MM. Salvador de Madariaga, ancien ambassadeur l’Espagne, Michaël Pola
3471 pagne, Michaël Polanyi, professeur à l’Université d’ Oxford, Carlo Schmidt, vice-président du Bundestag, etc. Dans la délég
3472 rtrand de Jouvenel ; Jean de Fabrègues, directeur de la France catholique ; Jean Duvignaud, du CNRS ; Manès Sperber, etc.
3473 naud, du CNRS ; Manès Sperber, etc. La conférence de clôture de M. Denis de Rougemont, directeur du Centre culturel du Con
3474 RS ; Manès Sperber, etc. La conférence de clôture de M. Denis de Rougemont, directeur du Centre culturel du Conseil de l’E
3475 [sic], a été particulièrement remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle de l’Occident [sic] a bien voulu en confier
3476 nt remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle de l’Occident [sic] a bien voulu en confier la publication en primeur à
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
3477 Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)x y
3478 jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé bien souvent d’ entendre prononcer la phrase suivante : « Une culture européenne, ça n
3479 entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche d’ Européens, nous fournit, paradoxalement, une première définition de l’
3480 fournit, paradoxalement, une première définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe exist
3481 alement, une première définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
3482 Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’ un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectuels sceptiques et les a
3483 s sceptiques et les adversaires déclarés (ou non) de l’union européenne ont coutume d’affirmer simultanément les deux prop
3484 clarés (ou non) de l’union européenne ont coutume d’ affirmer simultanément les deux propositions contradictoires que voici
3485 que voici. Ils affirment primo : qu’il n’y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, c
3486 ils affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car, disent-ils encore, toute vrai
3487 fférents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulg
3488 nt portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière, les Français ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont des pay
3489 sur une connaissance trop méticuleuse ou pédante de nos diversités, sur une expérience vécue jusqu’à l’irritation, du tem
3490 ion, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’avon
3491 ttitude, celle qui fait dire que nous n’avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’expliq
3492 n’avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance d
3493 que par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope
3494 du monde. La première attitude est en somme celle d’ un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’autant plus cu
3495 t en somme celle d’un myope, et la seconde, celle d’ un presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réun
3496 yope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’ autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même indivi
3497 elle d’un presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même individu…) Essayons maintena
3498 unies chez un même individu…) Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou pa
3499 intenant de corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en dis
3500 ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’ outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante, qui
3501 hèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture
3502 du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose i
3503 sie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de
3504 mpose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être
3505 e surtout en ennemis ! À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nou
3506 seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Pélo
3507 le nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’E
3508 Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’ un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès
3509 r. Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales et nationales, religieuses et morales, p
3510 nalité, la spécificité et la communauté — l’unité de notre culture ? Pendant une table ronde que je présidais à Rome, il y
3511 ées, agacé par les objections que l’on ne cessait d’ opposer à l’idée même d’une unité de la culture européenne, j’ai noté
3512 tions que l’on ne cessait d’opposer à l’idée même d’ une unité de la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que
3513 on ne cessait d’opposer à l’idée même d’une unité de la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’ai plus d’
3514 enne, j’ai noté la phrase suivante, que j’ai plus d’ une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il pas cet ho
3515 er soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’ une seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’i
3516 fait qu’il le conteste ? C’est donc dans le fait de notre exceptionnelle diversité, non pas subie mais jalousement revend
3517 , que l’on peut voir le signe et la démonstration de l’originalité de notre culture. Mais cela n’apparaîtra clairement et
3518 oir le signe et la démonstration de l’originalité de notre culture. Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vrai
3519 convaincant, que si nous comparons notre formule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’
3520 s notre formule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont ré
3521 ’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’ unité qui ont régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes con
3522 es, ou que certains régimes contemporains tentent d’ imposer à la culture de leurs sujets. 3. Esquissons cette comparaison,
3523 imes contemporains tentent d’imposer à la culture de leurs sujets. 3. Esquissons cette comparaison, limitée pour l’instant
3524 comparaison, limitée pour l’instant aux formules d’ unité. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les cultures
3525 ormules d’unité. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les cultures extraeuropéennes qui subsistent encore ou
3526 aeuropéennes qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien dis
3527 qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans
3528 ines cultures, surtout antiques, l’unité provient d’ une origine unique, ou d’un grand principe formateur et d’une continue
3529 tiques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’ un grand principe formateur et d’une continuelle référence à cette sou
3530 igine unique, ou d’un grand principe formateur et d’ une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l
3531 andis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’ un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’u
3532 cultures, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’ une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionn
3533 elle, originelle, innée à la culture et découlant de son passé, d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre rig
3534 Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les noms
3535 s, j’illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations fondées sur le Sacré (das Heilige, the Holy),
3536 ur le Sacré (das Heilige, the Holy), comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des
3537 é (das Heilige, the Holy), comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, pui
3538 comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis qu
3539 du national-socialisme et du fascisme) serviront d’ exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves
3540 s pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule de l’unit
3541 indications, pour faire bien voir que la formule de l’unité, originelle, à base de traditions sacrées, et la formule de l
3542 elle, à base de traditions sacrées, et la formule de l’unification contrainte, à base de décrets étatiques, sont en violen
3543 e avec les réalités et principes caractéristiques de la culture européenne. La première vise à maintenir et la seconde à é
3544 te et presque informulable, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent
3545 e libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et comment il
3546 s diversités. Mais il est temps de nous demander d’ où proviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Eu
3547 les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caract
3548 aît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture européenne s’expliquent historiquement par la pluralité de
3549 uent historiquement par la pluralité des origines de notre civilisation ; et elles sont entretenues ou renouvelées sans ce
3550 ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure
3551 ée par une force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que nous le sachions ou non et que nous l’acce
3552 ythes gouvernant nos sentiments et par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois vil
3553 rnant nos sentiments et par nos formes de pensée, d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustr
3554 entiments et par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proc
3555 t par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proche-Orient s
3556 trois villes illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du m
3557 illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique
3558 nes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours
3559 siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’homme grec, as
3560 critique, le citoyen romain obéissant à la raison d’ État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrie
3561 ’État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épé
3562 e romantique et magique — et nous descendons tous de la plupart d’entre eux, par les coutumes conscientes et inconscientes
3563 ntes autant et plus que par les chromosomes — que de contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis bo
3564 romosomes — que de contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou p
3565 radictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’allianc
3566 les, de luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’alliances imprévues, infinime
3567 boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’ alliances imprévues, infiniment variées selon les temps et les lieux e
3568 mps et les lieux et toujours remises en question. De cet immense complexe de tensions, défiant toute description définitiv
3569 ours remises en question. De cet immense complexe de tensions, défiant toute description définitive, voyons maintenant se
3570 avons découvert et conquis, ou en tout cas marqué de notre empreinte le monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’un
3571 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturelles que nous le devons, aux conflits spirituels,
3572 dira providentiels ou matériels, selon les écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discu
3573 écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les ca
3574 naire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’ un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. 4.
3575 je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux élémen
3576 communs et permanents, les caractères spécifiques de la culture européenne ; j’entends les caractères par lesquels cette c
3577 s — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ce
3578 t d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de
3579 commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitai
3580 églementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement com
3581 e à ces deux groupes de cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
3582 nt comme à la fois pluraliste et profane. Culture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples,
3583 ois pluraliste et profane. Culture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples, et des valeurs
3584 ture de dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples, et des valeurs souvent incompatibles qu’elle
3585 a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’ unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
3586 nts que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de polémique permanente portant sur les principes fondamentaux de toute
3587 permanente portant sur les principes fondamentaux de toute culture ou civilisation n’a pas produit seulement de l’anarchie
3588 culture ou civilisation n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la
3589 e je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
3590 les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
3591 ’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
3592 sens de la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
3593 ré religieux ou le sacré politico-social. Le sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
3594 Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du
3595 iers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du Proche-Orient. Mais i
3596 et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’ illusions flatteuses, d’à peu près, opportunistes ou sentimentaux, de
3597 uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’ à peu près, opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette
3598 ses, d’à peu près, opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
3599 sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
3600 x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
3601 éracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
3602 ment de nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
3603 ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même en tant que vér
3604 aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contr
3605 plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Ainsi p
3606 ’expliquer les motifs religieux et philosophiques d’ un des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de
3607 hiques d’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
3608 les plus indiscutables de notre culture : le sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
3609 araître banal à un Européen élevé dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
3610 levé dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. L’Asie et l’A
3611 neuf. L’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
3612 la simple véracité. Leurs cultures leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
3613 s leur proposent de tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
3614 de plus nos calculs… Deuxième caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enraci
3615 ème caractère original de notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienn
3616 sonnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
3617 n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
3618 ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
3619 ste — mais décisive pour le sens qu’il donne à sa vie . D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouvert
3620 mais décisive pour le sens qu’il donne à sa vie. D’ où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
3621 donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
3622 te une double exigence de recueillement en soi et d’ ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage
3623 de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de lois
3624 en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’ action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre
3625 t d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me d
3626 ngage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me dira-t-on. Mais comparons, une
3627 l productif et collectif, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
3628 uctif et collectif, qui devient le seul but de la vie . Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fix
3629 sans relation directe ou immédiate avec le salut de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
3630 de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
3631 personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie , et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contr
3632 la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
3633 e, la saveur de la vie, et le sens même de chaque vie . Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’indi
3634 res traditionnelles au contraire, n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
3635 magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé. D’ où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n
3636 les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n’explique pas tout, loin
3637 tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et l
3638 ys « sous-développés » revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nou
3639 u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
3640 leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
3641 votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
3642 as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
3643 e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
3644 it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et d’ autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
3645 tre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent — soit po
3646 oyances fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent — soit pour modifier cette relation,
3647 nces fondamentales de nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent — soit pour modifier cette relation, soit
3648 mieux conscience. Le troisième caractère original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
3649 original de la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
3650 est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
3651 re que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
3652 se, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre
3653 le mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
3654 térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
3655 uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière — et tous ces éléments spi
3656 nt et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, ni plus
3657 ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier en théorie, e
3658 ni plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’ idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation, de tou
3659 d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation, de toute classe, de toute croyance et de toute incroyan
3660 tante en fait pour les Européens de toute nation, de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la
3661 r les Européens de toute nation, de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la reven
3662 ute nation, de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la libert
3663 ncroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
3664 lement européen, le plus commun à tous les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
3665 t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Je pense donc
3666 ilisation profane. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tens
3667 de notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos
3668 sation européenne provient plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contra
3669 t plutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoqu
3670 de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoquent d’âge en âge à créer,
3671 e nos infinies contradictions qui nous provoquent d’ âge en âge à créer, inventer, émigrer, exporter, et nous condamnent à
3672 orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’ impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
3673 ts qui la subissent, mais c’est la condition même de la vie. Les considérations que j’ai développées jusqu’ici, relatives
3674 la subissent, mais c’est la condition même de la vie . Les considérations que j’ai développées jusqu’ici, relatives à l’ori
3675 j’ai développées jusqu’ici, relatives à l’origine de nos diversités et de nos vertus cardinales, paraîtront peut-être un p
3676 u’ici, relatives à l’origine de nos diversités et de nos vertus cardinales, paraîtront peut-être un peu abstraites. Il est
3677 origines historiques et les motifs philosophiques de notre dynamisme européen, je vais énumérer tout simplement quelques-u
3678 en, je vais énumérer tout simplement quelques-uns de ces résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens
3679 point où elles permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
3680 ominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
3681 e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
3682 é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
3683 ire, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer ses énergies sur cette e
3684 de concentrer ses énergies sur cette exploration de la matière, les Européens avaient entrepris, avec guère moins d’audac
3685 les Européens avaient entrepris, avec guère moins d’ audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
3686 trepris, avec guère moins d’audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
3687 ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
3688 nité tout entière de prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
3689 prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’ universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
3690 d’universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
3691 démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, en
3692 hie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
3693 mplique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
3694 istoire, enseignement de l’histoire, constitution d’ archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
3695 ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
3696 ire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, e
3697 vellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finaleme
3698 sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finalement : superstition mo
3699 s, et finalement : superstition moderne du « sens de l’histoire », qui non seulement alimente les plus vives polémiques in
3700 limente les plus vives polémiques intellectuelles de notre époque, mais encore influence profondément les choix politiques
3701 ue ces sciences ont joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
3702 joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour
3703 t de la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du f
3704 us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à partir de ces con
3705 e. Et, à partir de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents, ils ont élaboré les préalables d’une scienc
3706 r de ces condensations prodigieuses de siècles et de continents, ils ont élaboré les préalables d’une science comparée des
3707 et de continents, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
3708 otale ou planétaire, prépare elle aussi les voies de l’unité future du genre humain. Sciences, physiques, techniques et ma
3709 hie critique, — et je n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations
3710 que ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de nos instituti
3711 apitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de nos institutions ! — voilà ce que l’Euro
3712 é l’immense chapitre de nos créations sociales et de nos institutions ! — voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle o
3713 Or toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme da
3714 dans leur genèse, à tout le complexe dialectique de nos valeurs ; mais d’autre part, toutes ces créations sont en expansi
3715 voir exploré ses variétés. Je n’essaierai pas ici de démontrer la cohérence profonde des créations européennes que je vien
3716 e profonde des créations européennes que je viens d’ énumérer. Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’ai déj
3717 que l’Europe a produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines
3718 produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines, si hétérogène
3719 ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais dans l
3720 ouverte que je décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension
3721 s la première partie de mon exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension entre nos origines multiples
3722 entre nos déterminations natives et notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité,
3723 t notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe
3724 es surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici don
3725 de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le mond
3726 plus typiques et les plus spectaculaires, surgies de la problématique tragique qui définit l’originalité même de l’Europe,
3727 lématique tragique qui définit l’originalité même de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences to
3728 le monde entier. Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, et voici que pourtant elle crée le monde
3729 . Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, et voici que pourtant elle crée le monde, elle crée la
3730 tant elle crée le monde, elle crée la possibilité d’ un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son ex
3731 main qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son existence virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son ras
3732 que pose son rassemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » (
3733 assemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » (au sens que je
3734 ns, ayant créé « le monde » (au sens que je viens d’ indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce
3735 u sens que je viens d’indiquer) se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
3736 s d’indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
3737 ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
3738 de quelle manière les autres continents menacent d’ abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi au détri
3739 e manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi au détriment de l
3740 pre équilibre. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
3741 amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher d’ évaluer les risques angoissants et les chances admirables. Pour ma par
3742 s observations et suggestions sur ce qui se passe d’ étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous d
3743 s et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous devons imagine
3744 conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes,
3745 fois plus intime et plus globale de l’originalité de notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons
3746 réatrices, et non pas au niveau des sous-produits de notre culture. L’originalité de la culture européenne n’est nullement
3747 des sous-produits de notre culture. L’originalité de la culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être
3748 , et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la
3749 éé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est u
3750 te de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terr
3751 l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culture
3752 sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incr
3753 terre, au hasard de la colonisation, de contacts d’ affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement i
3754 a colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’ échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
3755 ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’ équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensio
3756 sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
3757 ’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’ innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Ainsi le monde entier
3758 nos machines, nos poisons doctrinaux, nos secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas l
3759 t philosophiques, qui expliquent seules la genèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
3760 nèse de ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits —
3761 Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen. Mais ce même monde méprise, ou ignore simplement,
3762 nos machines, mais refuse ou ignore notre éthique de travail. Il veut que nous l’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notr
3763 ’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre cu
3764 nue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’ autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susc
3765 Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’ y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ani
3766 ux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? Que devon
3767 ptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? Que devons-nous faire, nous qui sommes
3768 ous faire, nous qui sommes aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’a
3769 Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, q
3770 n que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a déco
3771 e où elle a découvert le genre humain. Et le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un
3772 rt le genre humain. Et le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un but précis et limit
3773 le sort de l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un but précis et limité : empêcher les Franç
3774 t limité : empêcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Euro
3775 Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous
3776 oit d’abord exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous faire le sort du mon
3777 onde ? Notre sort personnel, notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Questi
3778 tre sort personnel, notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Question europée
3779 cellence. Mais qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le so
3780 qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de
3781 entre nous peut concevoir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain
3782 oir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle d
3783 du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle déjà, Amos Comenius écrivait : « Nous autre
3784 orte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel
3785 l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’ elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symbole
3786 pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’ elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. C
3787 sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’ or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci m’évoque les petites cara
3788 sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci m’évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du d
3789 uelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie . Ceci m’évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du départ à
3790 r de la vie. Ceci m’évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-elles le tonnage
3791 t a la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’a
3792 hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au
3793 raison, parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial
3794 doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a susc
3795 venir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a suscité, et qui com
3796 tre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre huma
3797 hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre humain. 38. Si l’on me permet de
3798 ensemble du genre humain. 38. Si l’on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis
3799 ’on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture eur
3800 vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis de , « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures 
3801 ul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures », Schweizer Monat
3802 . y. Texte très proche, mais non sans variantes, de celui publié sous le même titre en juin 1960.
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
3803 Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)z L’idée d’une Fondation européenne fut
3804 torique de la Fondation (octobre 1960)z L’idée d’ une Fondation européenne fut exposée pour la première fois par le dire
3805 directeur du Centre européen de la culture, lors d’ une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au
3806 -Laye. C’était le 14 novembre 1953. Une quinzaine de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politique et des or
3807 14 novembre 1953. Une quinzaine de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politique et des organisations inter
3808 953. Une quinzaine de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politique et des organisations internationales, fo
3809 ne de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politique et des organisations internationales, fondèrent ce jour-
3810 club se donna pour tâche principale l’élaboration d’ un projet qui s’inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe,
3811 nde pendant des siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des structures de la société, et des techn
3812 ulté de créer des valeurs morales, des structures de la société, et des techniques, que tous les autres peuples de la Terr
3813 é, et des techniques, que tous les autres peuples de la Terre ont adoptées ou s’efforcent d’imiter. Les Européens ont rais
3814 s peuples de la Terre ont adoptées ou s’efforcent d’ imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’une telle culture. Cep
3815 ou s’efforcent d’imiter. Les Européens ont raison d’ être fiers d’une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui no
3816 t d’imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’ une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non seulement p
3817 lui porte le Monde, — ce Monde du xxe siècle né de leurs propres œuvres ? Quand il s’agit de financer un projet culturel
3818 ècle né de leurs propres œuvres ? Quand il s’agit de financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherches avan
3819 des recherches avancées dans les divers domaines de la culture, les Européens ont pris l’habitude de recourir à l’aide de
3820 de la culture, les Européens ont pris l’habitude de recourir à l’aide des fondations américaines. Cette situation n’est n
3821 ine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen d’ y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondation europée
3822 alisante. Un moyen d’y remédier rapidement serait d’ établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récoltés
3823 ’établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récoltés en Europe. Une telle institution, par sa seule exis
3824 existence, contribuerait à restaurer le sentiment d’ indépendance morale de notre continent, à rendre aux chercheurs et cré
3825 it à restaurer le sentiment d’indépendance morale de notre continent, à rendre aux chercheurs et créateurs de nos pays une
3826 e continent, à rendre aux chercheurs et créateurs de nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premiè
3827 n l’avenir qui est l’une des premières conditions de la vitalité d’une culture. Le Club européen se réunit encore à trois
3828 est l’une des premières conditions de la vitalité d’ une culture. Le Club européen se réunit encore à trois reprises, au c
3829 our discuter et mettre au point les objectifs, le mode de financement et les statuts de l’institution projetée. Le 16 décemb
3830 iscuter et mettre au point les objectifs, le mode de financement et les statuts de l’institution projetée. Le 16 décembre
3831 objectifs, le mode de financement et les statuts de l’institution projetée. Le 16 décembre 1954, au Centre européen de la
3832 tre européen de la culture, à Genève, les statuts de la Fondation étaient signés par MM. Robert Schuman, agissant comme pr
3833 tuant le premier noyau du Conseil des gouverneurs de la Fondation. Dès la première session plénière du Conseil des gouvern
3834 d des Pays-Bas voulut bien accepter la présidence de la Fondation, et il n’a cessé de l’exercer effectivement depuis lors.
3835 er la présidence de la Fondation, et il n’a cessé de l’exercer effectivement depuis lors. Pour faciliter les débuts de la
3836 ectivement depuis lors. Pour faciliter les débuts de la Fondation, le CEC lui avait offert de partager une partie de ses l
3837 s débuts de la Fondation, le CEC lui avait offert de partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais
3838 n, le CEC lui avait offert de partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi
3839 it offert de partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi être réduits au m
3840 isoire devait permettre à la Fondation d’une part de s’organiser et d’élaborer son programme, d’autre part de rassembler l
3841 ettre à la Fondation d’une part de s’organiser et d’ élaborer son programme, d’autre part de rassembler les fonds qui lui a
3842 ganiser et d’élaborer son programme, d’autre part de rassembler les fonds qui lui avaient été promis. Car elle ne disposai
3843 disposait pas, comme les fondations américaines, d’ un capital initial important mais comptait stimuler l’intérêt d’un nom
3844 nitial important mais comptait stimuler l’intérêt d’ un nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. L
3845 er l’intérêt d’un nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. La politique adoptée par le Conseil de
3846 isés furent donc créés sans plus attendre : celui de l’éducation et celui des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une séri
3847 des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une série d’ expériences-pilotes d’éducation européenne (dont l’exécution devait êt
3848 mier mit sur pied une série d’expériences-pilotes d’ éducation européenne (dont l’exécution devait être confiée dès 1956 au
3849 auxquels des bourses furent décernées. Un comité d’ experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix des expér
3850 ne des écoles, à l’Association des universitaires d’ Europe, et au département cartographique du Collège d’Europe. Lors de
3851 rope, et au département cartographique du Collège d’ Europe. Lors de la réunion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957,
3852 fut convenu que la Fondation établirait son siège d’ opérations à Amsterdam, le siège social restant à Genève. (C’est en ef
3853 ffet le Conseil fédéral suisse qui est l’autorité de surveillance de la Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter
3854 fédéral suisse qui est l’autorité de surveillance de la Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter de la cohabitati
3855 Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter de la cohabitation de deux institutions, déjà statutairement distinctes
3856 fusions qui pouvaient résulter de la cohabitation de deux institutions, déjà statutairement distinctes et de fonctions trè
3857 x institutions, déjà statutairement distinctes et de fonctions très différentes — l’une devant financer des projets, l’aut
3858 tiers cette opération à la mise à feu du 2e étage d’ une fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur.
3859 opération à la mise à feu du 2e étage d’une fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur. La Fondation
3860 du premier moteur. La Fondation décida également d’ organiser chaque année un grand congrès destiné à faire mieux connaîtr
3861 es buts et à recueillir des fonds plus importants d’ un plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à A
3862 des fonds plus importants d’un plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le se
3863 nts d’un plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et
3864 rganisés par la Fondation à l’occasion du congrès de Vienne, et se réuniront de nouveau lors du congrès de Copenhague, en
3865 ienne, et se réuniront de nouveau lors du congrès de Copenhague, en 1960. La table ronde est destinée à permettre une meil
3866 nant maintenant notre comparaison avec les étages d’ une fusée, nous constaterons que le moment est venu, pour la Fondation
3867 terons que le moment est venu, pour la Fondation, de « mettre à feu » le 3e et dernier étage : celui de l’aide effective a
3868 e « mettre à feu » le 3e et dernier étage : celui de l’aide effective aux efforts culturels tendant à l’union de l’Europe.
3869 effective aux efforts culturels tendant à l’union de l’Europe. C’était bien l’objectif initial. L’accord qui vient d’être
3870 était bien l’objectif initial. L’accord qui vient d’ être conclu entre la Fondation et le Fonds culturel du Conseil de l’Eu
3871 el du Conseil de l’Europe, permettant la création de comités nationaux pour la recherche en commun des fonds, doit fournir
3872 rnir les moyens nécessaires à la mise en pratique de cette troisième étape. Si notre Fondation atteint ainsi, en 1960, le
3873 et politiques, qui doit se réaliser d’ici la fin de l’année. z. Rougemont Denis de, « Une fusée à trois étages : bref
3874 er d’ici la fin de l’année. z. Rougemont Denis de , « Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation », Cara
3875 de, « Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, octobre
3876 istorique de la Fondation », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, octobre 1960, p. 5-6.
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
3877 )aa ab I. Qui d’entre vous ne se souvient de cette première phrase du Tristan rendu naguère au grand public europé
3878 du naguère au grand public européen par les soins de Joseph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’
3879 oins de Joseph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il d’ entendre un beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici pr
3880 Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’ amour et de mort ? Seigneurs et dames ici présents, vous répondez tou
3881 vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici présents, vous répondez tous dans vos
3882 re davantage. Or, songez-y : ce plaisir au secret de l’âme que nous vaut la lecture des légendes arthuriennes, et d’abord
3883 la lecture des légendes arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre l
3884 re des légendes arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de
3885 sir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de Valéry, mais aussi à jamais adolescent, nous le devons tous aux trava
3886 travaux inspirés, et pourtant précis à l’extrême, de quelques-uns des grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph
3887 s à l’extrême, de quelques-uns des grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph Bédier en premier lieu, Reto Bezzol
3888 les lecteurs du xxe siècle les textes originaux de la légende, et leur contexte culturel et historique, ces hommes ont f
3889 s confrères : ils ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses sources, d’une de ses dimensions co
3890 rmis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’ une de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’
3891 l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotio
3892 rne de reprendre conscience d’une de ses sources, d’ une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âm
3893 reprendre conscience d’une de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je
3894 ces, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seul
3895 mensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins
3896 u’elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retro
3897  : avec la légende de Tristan, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Selon Littré : Les étymo
3898 mitif et les mots dérivés. De plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire c
3899 plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans le
3900 tesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre sujet, et ce
3901 e traduire cette belle définition dans les termes de notre sujet, et cela donne à peu près ceci : « Les restitutions de Tr
3902 t cela donne à peu près ceci : « Les restitutions de Tristan servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qu
3903 ssions dérivées dans nos littératures et dans nos vies . De plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos émotions.
3904 ératures et dans nos vies. De plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, l
3905 plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la lég
3906 ns. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, exp
3907 ens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien au
3908 e, — fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans vraiment dignes du nom. Ils sont comme les premières
3909 apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées, d’ un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe,
3910 épiphanies quasi sacrées, d’un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme
3911 ces grands mots doit au public une justification de l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c
3912 onnée — bien qu’offrant des possibilités infinies d’ adaptation aux circonstances individuelles les plus diverses — une his
3913 plus diverses — une histoire qui décrit et révèle d’ une manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais
3914 e d’une manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais non pas de notre existence intellectuelle, car
3915 e, une structure de notre existence. Mais non pas de notre existence intellectuelle, car celle-ci possède d’autres manière
3916 lectuelle, car celle-ci possède d’autres manières de s’exprimer, plus directes et abstraites à la fois, comme la logique e
3917 comme la logique et la mathématique ; et non pas de notre existence physique ou animale, car celle-là échappe au discours
3918 s, et peut-être traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il donc ici ? Entre le corps et l’intellect
3919 e traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il donc ici ? Entre le corps et l’intellect, la tradition
3920 llect, la tradition distingue une troisième forme de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mo
3921 p facilement les poètes, ni dans le sens goethéen de « belle âme », encore moins dans le sens religieux de l’éloquence cla
3922  belle âme », encore moins dans le sens religieux de l’éloquence classique de la chaire, quand elle parle du « salut des â
3923 s dans le sens religieux de l’éloquence classique de la chaire, quand elle parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité
3924 ire, quand elle parle du « salut des âmes », ou «  d’ immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritableme
3925 e parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritablement traditionne
3926 é, animation, ou même animosité. Le jeu « animé » d’ un pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni propremen
3927 pirituelle, qui n’est pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais q
3928 en plutôt celle du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L
3929 émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, et la pensée,
3930 n est la preuve du corps, et la pensée, la preuve de l’intellect. La passion, c’est une impulsion qui outrepasse les lois
3931 une impulsion qui outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui va se heurter aux conventions sociales. Ainsi, l’a
3932 sociales. Ainsi, l’amour-passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop pr
3933 s contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la morale et des conseils de
3934 op prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion relève par ex
3935 is aussi des décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme. Or c’est d
3936 la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expressio
3937 e par excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et t
3938 sé — et je m’excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots — considérons le mythe lui-même dans sa pl
3939 ence banale. Tristan, c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus
3940 tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie , plus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade,
3941 lus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade, assagit, amortit, et réduit aux routines. C’est le mythe
3942 , amortit, et réduit aux routines. C’est le mythe de l’amour inaltérable, inaltéré par l’érosion de la vie « courante », p
3943 he de l’amour inaltérable, inaltéré par l’érosion de la vie « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à
3944 l’amour inaltérable, inaltéré par l’érosion de la vie « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à propos
3945 ps modifie fatalement, créant un risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise l’épreuve de l’enga
3946 un risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’ un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports socia
3947 . C’est le mythe d’un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux, et même de l’engagement dans
3948 e l’engagement dans les rapports sociaux, et même de l’engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisa
3949 avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne de l’Ange dont le premier regard, par une int
3950 uffisant, jamais digne de son image, jamais digne de l’Ange dont le premier regard, par une intuition fulgurante — et c’es
3951 Second Faust de Goethe, mais aussi, le mouvement de l’ascension mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’une Béatri
3952 mais aussi, le mouvement de l’ascension mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’une Béatrice à peine connue dans s
3953 sion mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’ une Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe
3954 connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplici
3955 e en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps don
3956 ajestueuse, c’est l’intensité de l’amour, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont elle vient, et sur
3957 e vient, et survolant les irritantes vicissitudes de notre incarnation présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’ê
3958 udes de notre incarnation présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductibl
3959 tion présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale qu
3960 présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité 
3961 ité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux am
3962  » ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte instinctif, lié aux lois du corps, ne méri
3963 ié aux lois du corps, ne mérite pas en soi le nom d’ amour. Mais c’est l’amour comblé par la présence durable, l’amour léga
3964 . Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie vi
3965 tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie , c’est reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’est pas Tris
3966 symbole du mariage légal. Les amants ont perdu la vie , gagné l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie d’Iseut. Il reste seul
3967 la vie, gagné l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie d’Iseut. Il reste seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il
3968 ie, gagné l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie d’ Iseut. Il reste seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il es
3969 eux du mythe, il est perdant. À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triomphant du mariage, c’est-à-dire d
3970 amour-passion triomphant du mariage, c’est-à-dire de l’amour-réalité, se rattachent deux grandes traditions de la culture
3971 ur-réalité, se rattachent deux grandes traditions de la culture occidentale : le romantisme et le roman. Retracer leur évo
3972 xiiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation du mythe,
3973 es plus banales et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieu
3974 et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’ un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son u
3975 t aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son utilisation tout impudente,
3976 udente, ou ignorante, ou inconsciente, à des fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du triangle, ro
3977 thème du triangle, roman pour midinettes et films de série, dont le love interest est l’ingrédient forcé, dernière dilutio
3978 é, dernière dilution populaire du philtre magique de la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis fut mortelle aux amant
3979 mœurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’ une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont
3980  tourment délicieux », selon l’expression célèbre de Thomas, l’un des auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe e
3981 l’expression célèbre de Thomas, l’un des auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vra
3982 mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la fonction émotiv
3983 ’hygiène, la technique et la science, et une dose de psychanalyse, vont-elles exorciser la société future, évacuant les de
3984 les dernières passions ? Une analyse sociologique de la dégradation du mythe, au cours des siècles, inclinerait à cette co
3985 posés à la passion. Or on sait que la passion vit d’ obstacles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’elle s’en nou
3986 mants légendaires — le principal étant le mariage d’ Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurait pas de roman
3987 e Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On
3988 doptif du héros —, il n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait i
3989 ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant le
3990 d roi Marc s’inclinant devant les « droits divins de la passion » qu’inventera bien plus tard le romantisme, puis acceptan
3991 chevalier. Et l’on recule épouvanté devant l’idée d’ Iseut devenant Madame Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en
3992 n’est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, loin de provoquer celle-ci par ses refus intrans
3993 our-sentiment, succédané édulcoré, achevant ainsi de déprimer le mythe en même temps que ses propres fondements. La passio
3994 e ses propres fondements. La passion se fait rare de nos jours, s’il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le
3995 véritable n’est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacl
3996 t jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste,
3997 e, et n’en trouvent guère. L’Homme sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov, sont les derniers échos du mythe ressusc
3998 s tabous qui tiennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade men
3999 derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le réalism
4000 que détaillant des objets communs ou des fichiers de cartes perforées : c’est littéralement sans histoire. Ou bien encore,
4001 ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fid
4002 eur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au l
4003 roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux d’ esprit au lieu des drames du spirituel. Selon les sociologues, la pass
4004 rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’ obstacles choisis, et que notre culture tend à les supprimer, il reste
4005 rême, celui-là justement dont triomphe la passion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’o
4006 justement dont triomphe la passion de Tristan et d’ Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspec
4007 op souvent, trop facilement cité, du « beau conte d’ amour et de mort ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont c
4008 trop facilement cité, du « beau conte d’amour et de mort ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont cédé à nos s
4009 ’en est-il du dernier barrage que notre condition d’ êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la pas
4010 otre condition d’êtres finis oppose à notre amour d’ un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bie
4011 our d’un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable
4012 ires sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’ une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils on
4013 d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’
4014 estinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie , car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’est vrai
4015 urra deviner — ou susciter dans l’autre : la part de l’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’un plaisir que l
4016 l’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’ un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audac
4017 e en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu
4018 ocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfrie
4019 de qu’il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et
4020 ried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vr
4021 ourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et d’ on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du
4022 -même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’ autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du mythe essentiel,
4023 nce bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor de Bayreuth, cette frileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est un jour q
4024 un jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau Jour qui révélera l
4025 orizon du nouveau Jour qui révélera le sens caché de nos « apparences actuelles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mo
4026 ns caché de nos « apparences actuelles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il fa
4027 ences actuelles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pou
4028 oire aux anges pour y croire. Selon la mythologie de l’ancien Iran, du mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’un
4029 elon la mythologie de l’ancien Iran, du mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’un homme sur la terre, ses intenti
4030 du mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’ un homme sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, com
4031 s désirs et ses amours, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa pe
4032 uble : individu sur Terre, transitoire — et germe d’ un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et c
4033 e. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
4034 la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
4035 t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
4036 à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
4037 es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
4038 ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’ eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
4039 aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes d’ immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
4040 vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
4041 ui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’ imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme
4042 rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se p
4043 e d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’
4044 istan : ce qui se passe trois jours après la mort d’ amour. Iseut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rej
4045 d’amour. Iseut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur
4046 it été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlai
4047 de Tristan, sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlait le troubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissi
4048 troubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme de Tristan trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiatio
4049 s études — je me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas le secret dernier de notre mythe. La tra
4050 de l’ancien Iran ne détient pas le secret dernier de notre mythe. La tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’en t
4051 t dernier de notre mythe. La tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’en trouverait-elle pas éclairée, à son tour 
4052 tre, et le rejoindre enfin dans le monde lumineux de notre nostalgie. Mais alors l’obstacle dernier à notre amour, provoqu
4053 rdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret de la morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être m
4054 our abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science de l’homme ne peut nous
4055 de la personne. Nulle technique et nulle science de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le
4056 et nulle science de l’homme ne peut nous être ici d’ aucun secours. Il faut aimer, pour le comprendre et rapporter l’amour
4057 nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui est d’ orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur, u
4058 est bien là sa fonction, qui est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur, une grande image or
4059 fonction, qui est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de
4060 dèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion,
4061 la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grandeur première et drue, les philologues n
4062 ère et drue, les philologues nous ont mis au défi d’ apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce
4063 ogues nous ont mis au défi d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de
4064 d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils ont
4065 style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme. aa. Rougemo
4066 nt de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme. aa. Rougemont Denis de, « Tristan et Iseut à travers le te
4067 en mérité, mais de l’âme. aa. Rougemont Denis de , « Tristan et Iseut à travers le temps », Bulletin de l’Académie roya
4068 « Tristan et Iseut à travers le temps », Bulletin de l’Académie royale de langue et littérature françaises, Bruxelles, 196
4069 travers le temps », Bulletin de l’Académie royale de langue et littérature françaises, Bruxelles, 1961, p. 214-221. ab. P
4070 çaises, Bruxelles, 1961, p. 214-221. ab. Précédé de la note suivante : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais eu de t
4071 e : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en so
4072 ’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’avait
4073 de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il l
4074 de réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’ un prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes
4075 venir d’un prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’ y indiquer d’intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut,
4076 édécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’ intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut, en réponse à
4077 ’y indiquer d’intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui avait traité
4078 le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exposés de deux philologues sur la grande œuvre médiéva
4079 eurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exposés de deux philologues sur la grande œuvre médiévale en invitant à sa tribu
4080 nis de Rougemont, qui a traité, lui, du « mythe » de Tristan et Iseut dans plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeu
4081 plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeur de l’Académie, se proposait d’introduire l’auteur de L’Amour et l’Occid
4082 rt Guiette, directeur de l’Académie, se proposait d’ introduire l’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par un fâche
4083 de l’Académie, se proposait d’introduire l’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par un fâcheux contretemps, dut re
4084 donc en son absence que M. Guiette a rappelé que “ de ses observations sur les récits et de sa réflexion sur le mythe de l’
4085 appelé que “de ses observations sur les récits et de sa réflexion sur le mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré
4086 ns sur les récits et de sa réflexion sur le mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré des essais très attachants su
4087 . Ses analyses l’ont conduit à retrouver le mythe de Tristan dans ses métamorphoses les plus récentes. C’est en somme, apr
4088 les plus récentes. C’est en somme, après l’exposé de M. Vinaver fondé sur l’étude des textes la plus rigoureuse et la plus
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
4089 oucou. Il entendait que la Suisse n’a pas produit de grands hommes, comme l’Italie a produit Dante, l’Allemagne Goethe, la
4090 aux yeux du premier venu, tandis que la grandeur de la Suisse reste un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’une b
4091 ste un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’ une bonne culture moyenne. Et finalement, il faut avouer que le statut
4092 aura jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’ hommes importants qu’on lui donnera sont inconnus hors du canton. Ces
4093 us hors du canton. Ces trois points appelleraient d’ infinis commentaires, un livre entier : imaginons du moins son argumen
4094 que des touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’un
4095 irais : un pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’un peu plus près. Compartiments est
4096 ments surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’ un peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cin
4097 d’un peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq États distincts quoique sans frontières visible
4098 partout mais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement préservés, et presque
4099 ais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement préservés, et presque sans mélan
4100 rent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement préservés, et presque sans mélange ; une douza
4101 préservés, et presque sans mélange ; une douzaine de paysages ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-he
4102 douzaine de paysages ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il ar
4103 nutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rh
4104 nnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans, collines où montent les sapins en bata
4105 p, — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’ un ciel méridional que double un lac immense… Compartiments, esprit de
4106 que double un lac immense… Compartiments, esprit de groupe, et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissen
4107 sprit de groupe, et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but
4108 es si leur but est restreint. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
4109 oids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’ une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamai
4110 rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’ une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la
4111 mme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’ un canton, presque jamais celui de la nation entière. Cette situation
4112 rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nation entière. Cette situation entraîne de curieuses conséquences
4113 ui de la nation entière. Cette situation entraîne de curieuses conséquences dans le domaine de la vie publique : tout se l
4114 ntraîne de curieuses conséquences dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferai
4115 e de curieuses conséquences dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferait mine
4116 ligue instantanément contre celui qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est im
4117 qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’ être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de
4118 ührer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme à petite échelle ne présente guère que d
4119 ublic excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos coutumes,
4120 uement nos petits compartiments. Que fera l’homme de talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin
4121 petits compartiments. Que fera l’homme de talent, d’ ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter
4122 rtiments. Que fera l’homme de talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendr
4123 Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou courir loin de la Suisse son aventure. Les achete
4124 rir loin de la Suisse son aventure. Les acheteurs de pendules à coucou ignorent généralement que ce fut un Suisse qui bâti
4125 Romand Le Corbusier, l’Alémanique Ammann, autant de Suisses qui ont vu grand, mais pas chez eux. Lucien Febvre, admirable
4126 pas chez eux. Lucien Febvre, admirable historien de la culture, écrivait à propos de la Suisse : Pays de gens moyens, ou
4127 a culture, écrivait à propos de la Suisse : Pays de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur can
4128 ens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au f
4129 ussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de
4130 de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hau
4131 gnent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa pris
4132 versel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il
4133 de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la m
4134 de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des s
4135 gne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle
4136 des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’ obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appe
4137 compartiment natal, iront chercher dans les jeux de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensio
4138 pays. Paracelse quitta très tôt son canton natal de Schwyz, Léonard Euler vécut en Allemagne et à la cour de Russie, Jean
4139 yz, Léonard Euler vécut en Allemagne et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Madame de
4140 de l’étranger, des grands pays voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous est revenu, comme importé. Un autre trait
4141 s, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’ art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, réform
4142 nseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, réformateurs po
4143 de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’ âmes, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes af
4144 éformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes affaires publiques, théologiens et pédagogues, nous les voyon
4145 viques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’ être utile excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helv
4146 conscience helvétique… Nous n’avons pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs
4147 ue… Nous n’avons pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang.
4148 poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang. Hölderlin et Keats, Mozart et Rubens,
4149 Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », l
4150 d théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », leur eussent été formellement re
4151 sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’ application « morale », leur eussent été formellement refusés par nos
4152 u complexe suisse. C’est à eux que la Suisse doit de représenter une plus grande densité de conscience européenne et d’eff
4153 uisse doit de représenter une plus grande densité de conscience européenne et d’efficacité transformatrice qu’on ne saurai
4154 e plus grande densité de conscience européenne et d’ efficacité transformatrice qu’on ne saurait en trouver dans nulle autr
4155 ’on ne saurait en trouver dans nulle autre région d’ étendue comparable, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’au
4156 endue comparable, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomène
4157 omènes à toute étude future sur l’œuvre et sur la vie de notre ami Carl J. Burckhardt. ad. Rougemont Denis de, « Nos mei
4158 es à toute étude future sur l’œuvre et sur la vie de notre ami Carl J. Burckhardt. ad. Rougemont Denis de, « Nos meille
4159 re ami Carl J. Burckhardt. ad. Rougemont Denis de , « Nos meilleurs esprits », Dauer im Wandel : Festschrift zum 70. Geb
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
4160 que (juillet 1961)ae af L’économie occidentale d’ aujourd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur de notre dévelo
4161 rd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur de notre développement industriel, c’est la technique, fille de la scien
4162 veloppement industriel, c’est la technique, fille de la science, et d’une science étroitement liée à toute l’évolution cul
4163 riel, c’est la technique, fille de la science, et d’ une science étroitement liée à toute l’évolution culturelle de l’Occid
4164 e étroitement liée à toute l’évolution culturelle de l’Occident. C’est donc dans la technique, par son intermédiaire et à
4165 aire et à son sujet, que la culture et l’économie de l’Occident communiquent le plus directement, au niveau de la création
4166 lui des effets extérieurs, et s’inter-déterminent de la manière la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions sera donc 
4167 inent de la manière la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la techn
4168 sujet de mes réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la technique au sein de la civilisation dont l’Europ
4169 exions sera donc : l’interaction de la culture et de la technique au sein de la civilisation dont l’Europe constitue le fo
4170 titue le foyer créateur. Quel est l’état présent de ce problème ? Et dans quelle situation concrète abordons-nous notre s
4171 épondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’ être connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire
4172 tant trois faits qui ont l’avantage d’être connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, une civilisa
4173 mondiale, et c’est la civilisation technique. Née de l’Europe, développée par l’Amérique, adoptée par l’URSS et de là, tra
4174 développée par l’Amérique, adoptée par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle est devenue, au cours de ces dernière
4175 s la revendication parfois bruyante et turbulente de tous les pays du tiers-monde, même les plus farouchement hostiles à l
4176 politique. Fait n° 2. Presque partout, on manque de techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécia
4177 n° 2. Presque partout, on manque de techniciens, d’ ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même
4178 artout, on manque de techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même d’ouvriers quali
4179 de techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est p
4180 s, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la s
4181 tremaîtres, de managers, de spécialistes, et même d’ ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la seule exception. Il en rés
4182 ption. Il en résulte qu’on propose un peu partout d’ orienter les études, dès l’enfance, vers la formation scientifique et
4183 t technique, aux dépens de la culture générale et de ce que les Français et les Anglo-Saxons nomment encore les humanités.
4184 humanités. Fait n° 3. Depuis plusieurs dizaines d’ années, les plus grands penseurs de l’Europe et des États-Unis, suivis
4185 ieurs dizaines d’années, les plus grands penseurs de l’Europe et des États-Unis, suivis par les chroniqueurs des journaux
4186 par les chroniqueurs des journaux et par l’élite de la bourgeoisie, chantent sur tous les tons la plainte de l’humanisme
4187 ourgeoisie, chantent sur tous les tons la plainte de l’humanisme opprimé par la technique, et prédisent la mise en esclava
4188 r la technique, et prédisent la mise en esclavage de l’homme par la machine. Au moment même où l’Occident voit sa techniqu
4189 s par le monde entier, l’Occident se met à douter de son bon droit, et à diviser ses forces en deux camps : d’une part, ce
4190 nt nos traditions humanistes, ceux qui s’opposent de toutes leurs forces instinctives à la technique, et qu’on nomme les r
4191 e à ne pas voir à quel point la technique résulte de la culture occidentale et s’en nourrit, et à quel point cette culture
4192 te culture occidentale peut à son tour bénéficier de la technique. Je suis pour ma part convaincu que notre culture, dans
4193 ccidentale ; et que la technique ne saurait faire de vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pense donc que l’opp
4194 e saurait faire de vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pense donc que l’opposition entre la culture générale
4195 aux problème. Car sans culture occidentale, point de technique, au sens actuel, au sens universel du terme ; et à l’invers
4196 du terme ; et à l’inverse, sans technique, point d’ avenir pour la culture, au sens occidental du terme. L’une se nourrit
4197 re, au sens occidental du terme. L’une se nourrit de l’autre et l’une sans l’autre serait condamnée à dépérir en peu de te
4198 se centrale, il faudrait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques
4199 entrale, il faudrait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exe
4200 ne vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exemples très typiques d’inventions techniques
4201 de vous rappeler quelques exemples très typiques d’ inventions techniques décisives. Elles dépendent, non point des « lois
4202 décisives. Elles dépendent, non point des « lois de l’économie » dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeois de l’ut
4203 dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeois de l’utilitarisme, mais au contraire des rêves les plus constants de l’h
4204 e, mais au contraire des rêves les plus constants de l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les h
4205 ts de l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards, les trouvailles par hasard, des rêves qui
4206 aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels sont
4207 des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? Tout le xixe siècle répond en chœur : que l’homme inv
4208 otifs utilitaires. Et presque tous les historiens de la technique répètent jusqu’à nos jours que les grandes inventions on
4209 thée, et pour soumettre la Nature à notre volonté de puissance et de richesse. Et pourtant, la plupart des exemples classi
4210 umettre la Nature à notre volonté de puissance et de richesse. Et pourtant, la plupart des exemples classiques d’invention
4211 . Et pourtant, la plupart des exemples classiques d’ inventions et de découvertes, si l’on y regarde de près, réfutent préc
4212 a plupart des exemples classiques d’inventions et de découvertes, si l’on y regarde de près, réfutent précisément ces théo
4213 d’inventions et de découvertes, si l’on y regarde de près, réfutent précisément ces théories. À l’origine des inventions e
4214 du xvie au xixe siècle, qui ont décidé du sort de la technique moderne, et par suite de notre économie, nous ne trouvon
4215 de notre économie, nous ne trouvons pas le désir de gain, ni le besoin de confort, ni la volonté de puissance, mais au co
4216 us ne trouvons pas le désir de gain, ni le besoin de confort, ni la volonté de puissance, mais au contraire des rêves magi
4217 r de gain, ni le besoin de confort, ni la volonté de puissance, mais au contraire des rêves magiques ou religieux, affecti
4218 veillés. Il exorcise prudemment la Nature peuplée de dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne est-il très différent ?
4219 exorcise prudemment la Nature peuplée de dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne est-il très différent ? Prenons que
4220 est-il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techniques les plus spectaculaires : la machine à vape
4221 eur, la turbine, l’auto et l’avion. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages éco
4222 st du rêve de voler qu’est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages économiques, touristiques et militaires qu
4223 résenterait un jour l’aviation. L’histoire du vol d’ Icare est le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une
4224 ’aviation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’ un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l’autre, y co
4225 motif onirique du vol, attesté par des centaines d’ auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence antérieur à tout
4226 s centaines d’auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitaire.
4227 s, est de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitaire. C’est du rêve de partir au hasard sur les r
4228 espèce de considération utilitaire. C’est du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née l’auto, comme le prouve le
4229 outes qu’est née l’auto, comme le prouve le récit de cette invention que, dans son livre intitulé Ma Vie, nous donne l’inv
4230 e cette invention que, dans son livre intitulé Ma Vie , nous donne l’inventeur Henry Ford. Ce rêveur incurable, ce bricoleur
4231 Ford. Ce rêveur incurable, ce bricoleur dépourvu de connaissances scientifiques, cherchait à construire, nous dit-il, une
4232 et des chemins dans les campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui est l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réali
4233 enté le moteur à explosion interne. Des douzaines d’ ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, avaient constr
4234 n interne. Des douzaines d’ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, avaient construit d’autres voitures aut
4235 demeure pas moins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, et ici, c’est l
4236 rs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, et ici, c’est le motif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle
4237 ardemment piétiste, Euler pensait que ses livres de science pure, écrits en latin, ne servaient pas assez directement l’h
4238 calcul différentiel et intégral et la philosophie de la Nature, il prit le temps d’imaginer les plans d’une machine nouvel
4239 et la philosophie de la Nature, il prit le temps d’ imaginer les plans d’une machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfi
4240 la Nature, il prit le temps d’imaginer les plans d’ une machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfin, la machine à vapeu
4241 entaire : il fallait qu’un surveillant introduise de temps à autre un jet d’eau froide dans le réservoir contenant la vape
4242 un surveillant introduise de temps à autre un jet d’ eau froide dans le réservoir contenant la vapeur, afin de produire sa
4243 sa condensation. Un jour, un jeune enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de relier à un balancier l
4244 rgé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de relier à un balancier les robinets commandant l’arrivée de la vapeur
4245 à un balancier les robinets commandant l’arrivée de la vapeur et de l’eau froide, rendant ainsi le processus automatique 
4246 les robinets commandant l’arrivée de la vapeur et de l’eau froide, rendant ainsi le processus automatique ; et il fit cela
4247 omatique ; et il fit cela, nous disent les récits de l’époque, afin de pouvoir aller jouer. James Watt, plus tard, ne fit
4248 qui avait été ainsi, sans le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’invent
4249 le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’inventions techniques, le motif
4250 r de l’automation créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’inventions techniques, le motif n’est utilitaire, écon
4251 n créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’ inventions techniques, le motif n’est utilitaire, économique ou financ
4252 ire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’ un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuiti
4253 t guidé l’intuition des inventeurs. L’explication de la technique par des besoins utilitaires ou économiques repose en som
4254 Plus tard, l’industrie et la banque, avec l’aide de savants économistes, échafaudent sur de telles amusettes le système c
4255 ec l’aide de savants économistes, échafaudent sur de telles amusettes le système compliqué de leurs « lois économiques »,
4256 dent sur de telles amusettes le système compliqué de leurs « lois économiques », et prétendent que ces lois expriment les
4257 dent que ces lois expriment les besoins matériels de l’homme des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen
4258 ement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin de prendre le train, l’avion, ou son auto, que parce que quelques fous e
4259 son auto, que parce que quelques fous et rêveurs de génie inventèrent un beau jour ces mécaniques, qui devaient permettre
4260 e. Si le besoin matériel expliquait les créations de la technique, et si les produits de l’industrie répondaient aux besoi
4261 les créations de la technique, et si les produits de l’industrie répondaient aux besoins matériels, pourquoi ferait-on de
4262 ndaient aux besoins matériels, pourquoi ferait-on de la publicité ? Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explication
4263 en train de devenir vraie. La plupart des brevets d’ invention suivis d’exploitation sont pris par les bureaux d’études des
4264 vraie. La plupart des brevets d’invention suivis d’ exploitation sont pris par les bureaux d’études des grandes firmes ind
4265 n suivis d’exploitation sont pris par les bureaux d’ études des grandes firmes industrielles ou des offices de recherches m
4266 s des grandes firmes industrielles ou des offices de recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petites invention
4267 recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petites inventions répondant à de petites nécessités d’abaissement d’
4268 nt, après tout, de petites inventions répondant à de petites nécessités d’abaissement d’un prix de revient ou d’augmentati
4269 ites inventions répondant à de petites nécessités d’ abaissement d’un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini
4270 s répondant à de petites nécessités d’abaissement d’ un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes phy
4271 t à de petites nécessités d’abaissement d’un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes physiques. Le
4272 nécessités d’abaissement d’un prix de revient ou d’ augmentation d’un confort défini en termes physiques. Les très grandes
4273 baissement d’un prix de revient ou d’augmentation d’ un confort défini en termes physiques. Les très grandes inventions de
4274 en termes physiques. Les très grandes inventions de notre siècle vérifient, en revanche, une fois de plus, la thèse du rê
4275 suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affectées à la re
4276 s États, sont affectées à la recherche des moyens d’ explorer le cosmos. Personne ne peut savoir à quoi cela servira. Ce qu
4277 x yeux de l’utilitarisme, ce ne sont pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels — quand les 2/3 de l
4278 ncore moins les besoins matériels — quand les 2/3 de l’humanité souffrent la faim — mais c’est un rêve, un rêve universel
4279 les qui procurent à nos industries ou à nos États de nouveaux moyens d’enrichissement ou de puissance, nos descendants dir
4280 nos industries ou à nos États de nouveaux moyens d’ enrichissement ou de puissance, nos descendants diront : c’est à cause
4281 nos États de nouveaux moyens d’enrichissement ou de puissance, nos descendants diront : c’est à cause de cela, c’est pour
4282 tous témoins qu’il n’en est rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine nos découvertes, donc nos technique
4283 donc nos techniques. Mais nos rêves à leur tour, d’ où viennent-ils ? Ils expriment nos croyances autant que nos instincts
4284 ociaux et religieux autant que les désirs secrets de l’individu et les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont
4285 rets de l’individu et les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont eux qui créent la culture, les arts, les scie
4286 faut pas oublier qu’ils se nourrissent en retour de la culture : nos lectures, les tableaux que nous avons vus, les image
4287 les images du divin que nous livrent les siècles de notre civilisation, modifient sans nul doute notre pouvoir de rêve, s
4288 ilisation, modifient sans nul doute notre pouvoir de rêve, son imagerie et ses orientations, — qui sont celles de nos déco
4289 n imagerie et ses orientations, — qui sont celles de nos découvertes. En résumé — notre technique occidentale est née du r
4290 technique occidentale est née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’est donc pas
4291 posées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent de nos mêmes rêves fondamentaux. Cette thèse présente l’avantage de nou
4292 es fondamentaux. Cette thèse présente l’avantage de nous faire mieux comprendre la nature des deux dangers majeurs que la
4293 des deux dangers majeurs que la technique risque de créer dans ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mis
4294 ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mise en esclavage des Occidentaux par leurs machines, et le danger
4295 et le danger — beaucoup plus sérieux à mon sens — d’ un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la
4296 ux à mon sens — d’un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la culture générale dans l’éducation
4297 es sources vives de l’invention, par la réduction de la culture générale dans l’éducation au profit de la seule formation
4298 de la culture générale dans l’éducation au profit de la seule formation technique. Dans la première moitié du xxe siècle,
4299 sisté à ce que l’on nomme souvent l’envahissement de notre vie par la machine. Et tous nos grands penseurs de se lamenter
4300 e que l’on nomme souvent l’envahissement de notre vie par la machine. Et tous nos grands penseurs de se lamenter sur le déc
4301 e vie par la machine. Et tous nos grands penseurs de se lamenter sur le déclin des valeurs spirituelles, et sur la mise en
4302 valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’homme par les machines, les robots, les cerveaux électroniques. Que
4303 s cerveaux électroniques. Que faut-il donc penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pes
4304 penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe
4305 ue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe H risque de transf
4306 son, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe H risque de transformer en panique planétaire ? Si je ne par
4307 sme général, que l’invention de la bombe H risque de transformer en panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pes
4308 age nullement ce pessimisme, c’est que les motifs de craindre la technique me paraissent déjà dépassés par l’évolution mêm
4309 me paraissent déjà dépassés par l’évolution même de la technique. Quand on répète que les machines vont mettre l’homme en
4310 ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemain d’ Hiroshima : La bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. C
4311 la bombe et se prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’
4312 des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’ un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
4313 coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser les vases de Chine. Si on laisse la bombe tranquille, ell
4314 e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
4315 te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’ histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est
4316 ’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-e
4317 faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas d’ invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mi
4318 sse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans
4319 des passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les
4320 omme : le couteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les bombes atomiques larguées sur le
4321 a machine domine l’homme, ce n’est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de
4322 ar contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siè
4323 qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’ un siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le s
4324 tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industrie
4325 ntales, ce fut le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat créé par l’expansion subite du machinisme dès
4326 r, mais d’autres hommes conduits par leur passion de produire sans tenir compte du facteur humain et de la dignité de la p
4327 e produire sans tenir compte du facteur humain et de la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à to
4328 s tenir compte du facteur humain et de la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est
4329 dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est alors que Karl Marx peut décrire le prol
4330 rolétaire industriel comme le « complément vivant d’ un mécanisme mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette
4331 mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la technique occidental
4332 fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la technique occidentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne so
4333 marquable, ce ne sont pas les justes indignations d’ un Marx, ni l’action politique des partis socialistes, et encore moins
4334 des communistes qui ont créé les moyens concrets de libérer le prolétariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’est p
4335 les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’ une ère nouvelle, qui doit et peut, progressivement, nous permettre no
4336 rogressivement, nous permettre non plus seulement d’ améliorer la condition prolétarienne, mais de la supprimer, à la limit
4337 ment d’améliorer la condition prolétarienne, mais de la supprimer, à la limite. L’utopie de « l’usine sans ouvriers » comm
4338 enne, mais de la supprimer, à la limite. L’utopie de « l’usine sans ouvriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on
4339 st poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’ être servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais il y a plus. Le
4340 r l’homme. Mais il y a plus. Le principal produit de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de
4341 . Le principal produit de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir !
4342 it de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir ! La réduction du temp
4343 e compte, c’est le loisir ! La réduction du temps de travail moyen à l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts de
4344 l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chi
4345 ureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’ environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verra f
4346 rtiellement libérée du travail mécanique, pourvue de loisirs tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre
4347 rs tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous
4348 du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le simple loisir et l
4349 ues, mais d’abord à écrire des livres, à composer de la musique, à méditer, à inventer et à créer. C’est un travail, c’est
4350 e si le temps libre est augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que par suite, les conditions du
4351 i, et que par suite, les conditions du producteur de la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la techn
4352 améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gagner sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour
4353 ce que la technique permet de gagner sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra
4354 en résultera que la culture deviendra le sérieux de la vie. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de
4355 sultera que la culture deviendra le sérieux de la vie . Je résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Euro
4356 érieux de la vie. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu
4357 cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu craindre alors que cette te
4358 e croissante. Cependant un danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la formation scientifique trè
4359 dant un danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la formation scientifique très poussée non seule
4360 formation scientifique très poussée non seulement d’ une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exe
4361 ès poussée non seulement d’une petite élite, mais d’ une masse importante de techniciens. Deux exemples : la France déclare
4362 t d’une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exemples : la France déclare qu’elle manque dès auj
4363 la France déclare qu’elle manque dès aujourd’hui d’ environ cinquante mille techniciens et ingénieurs. Quant à l’URSS, ell
4364 Cette formation obligatoire absorbe 67 % du temps d’ étude, et ne laisse à peu près aucune place à la culture générale, réd
4365 ne place à la culture générale, réduite aux cours de marxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes ont lancé les pre
4366 rique, on réclame à grands cris l’intensification de la formation de techniciens, aux dépens de la culture générale. Le da
4367 e à grands cris l’intensification de la formation de techniciens, aux dépens de la culture générale. Le danger qui apparaî
4368 générale. Le danger qui apparaît ici, c’est celui de stériliser les sources vives de l’invention technique qui tient à l’e
4369 ici, c’est celui de stériliser les sources vives de l’invention technique qui tient à l’ensemble de notre culture et à se
4370 s de l’invention technique qui tient à l’ensemble de notre culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous de scier la bra
4371 e culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle est assise notre puissance technique ;
4372 omme culture générale. Les plus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des
4373 loufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes d’ un Archimède et d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’éc
4374 Cros. Ces successeurs modernes d’un Archimède et d’ un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écoles techniques po
4375 d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’ écoles techniques politiquement disciplinées, ou même d’écoles où ils
4376 es techniques politiquement disciplinées, ou même d’ écoles où ils n’auraient reçu qu’une instruction purement technique. L
4377 ère nouvelle exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers d’ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignemen
4378 exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers d’ ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignement à leur seu
4379 ialisée, il en résultera 1° que nous aurons moins de grands inventeurs et 2° que c’est alors que nous courrons le risque d
4380 et 2° que c’est alors que nous courrons le risque d’ être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à l
4381 rituellement soumis à nos machines, étant dressés d’ avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieux en dispos
4382 lieu d’être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. De ces trop rapides analyses — je tirerai maintenant
4383 pour vivre mieux en disposant de leurs services. De ces trop rapides analyses — je tirerai maintenant quelques conclusion
4384 maintenant quelques conclusions : 1. Gardons-nous d’ opposer théoriquement la culture et la technique comme s’il s’agissait
4385 la culture et la technique comme s’il s’agissait de deux entités indépendantes et au surplus rivales. Nous avons vu que
4386 fonds et s’alimentent aux mêmes nappes profondes de la psyché, à la fois fabulatrice et fabricatrice, poétique au sens ét
4387 ément vérifier que leurs effets, au stade présent de leur évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contra
4388 ent de leur évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La te
4389 rrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La technique ne permet pas seulement une augmen
4390 ique occidentale est mise à la portée instantanée de tous les amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs est en mêm
4391 mise à la portée instantanée de tous les amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs est en même temps multiplié. Il
4392 née de tous les amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs est en même temps multiplié. Il en va de même pour les p
4393 temps multiplié. Il en va de même pour les pièces de théâtre, grâce à la radio, pour les œuvres d’art grâce aux procédés d
4394 a radio, pour les œuvres d’art grâce aux procédés de reproduction en couleur, et pour toute la littérature, et même pour l
4395 ndu possible par les perfectionnements techniques de l’édition et par la généralisation de la curiosité intellectuelle, ré
4396 techniques de l’édition et par la généralisation de la curiosité intellectuelle, résultant de loisirs accrus. Bergson, qu
4397 isation de la curiosité intellectuelle, résultant de loisirs accrus. Bergson, qui réclamait si anxieusement un « supplémen
4398 on, qui réclamait si anxieusement un « supplément d’ âme » pour notre société technique se voit doté, grâce aux paperbacks,
4399 été technique se voit doté, grâce aux paperbacks, d’ un supplément posthume de 200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième c
4400 é, grâce aux paperbacks, d’un supplément posthume de 200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième conclusion : Gardons-nous
4401 x États-Unis ! Deuxième conclusion : Gardons-nous d’ opposer technique et culture générale dans nos programmes d’éducation
4402 technique et culture générale dans nos programmes d’ éducation scolaire et universitaire. Car cela reviendrait à opposer l
4403 à opposer l’arbre et le fruit, au détriment final de l’un et de l’autre. On nous répète que notre société a besoin d’innom
4404 ’arbre et le fruit, au détriment final de l’un et de l’autre. On nous répète que notre société a besoin d’innombrables tec
4405 ’autre. On nous répète que notre société a besoin d’ innombrables techniciens, et qu’il s’agit de les former d’urgence aux
4406 esoin d’innombrables techniciens, et qu’il s’agit de les former d’urgence aux dépens des humanités et de la culture généra
4407 rables techniciens, et qu’il s’agit de les former d’ urgence aux dépens des humanités et de la culture générale. L’URSS a d
4408 les former d’urgence aux dépens des humanités et de la culture générale. L’URSS a décidé de sacrifier la culture générale
4409 anités et de la culture générale. L’URSS a décidé de sacrifier la culture générale, et elle a produit les Spoutniks. Je cr
4410 n des trois physiciens qui ont réalisé la fission de l’atome comment il travaillait à cette époque. Il me décrivit en déta
4411 us voyez, notre activité réelle, c’est un mélange de poésie et de cuisine. Les procédés techniques et l’élaboration mathém
4412 re activité réelle, c’est un mélange de poésie et de cuisine. Les procédés techniques et l’élaboration mathématique vienne
4413 tard. »… Et de même, Robert Oppenheimer ne cesse d’ insister sur la nécessité absolue d’une vaste culture générale et synt
4414 imer ne cesse d’insister sur la nécessité absolue d’ une vaste culture générale et synthétique, englobant la littérature et
4415 ou à des monstruosités. S’il nous faut davantage de techniciens et de chercheurs scientifiques, il nous faut donc davanta
4416 sités. S’il nous faut davantage de techniciens et de chercheurs scientifiques, il nous faut donc davantage de culture géné
4417 cheurs scientifiques, il nous faut donc davantage de culture générale, et non pas moins, et seulement un peu plus de forma
4418 érale, et non pas moins, et seulement un peu plus de formation technique pendant le temps de la scolarité : car le métier
4419 peu plus de formation technique pendant le temps de la scolarité : car le métier ne s’apprend qu’en dehors des études. Ch
4420 ns d’abord à concevoir les grands buts spirituels de l’homme, la technique sera donnée par-dessus. Troisième conclusion :
4421 -dessus. Troisième conclusion : Ne perdons jamais de vue le contexte culturel de la technique. Car c’est ce contexte cult
4422 n : Ne perdons jamais de vue le contexte culturel de la technique. Car c’est ce contexte culturel qui agit dans les pays
4423 pays sous-développés, à l’insu des bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’une manière anarchique, souvent néfaste.
4424 u des bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’ une manière anarchique, souvent néfaste. Les machines inventées par l’
4425 éveloppés sont les équivalents modernes du cheval de Troie. Et si nous persistons à l’ignorer, nous donnerons aux pays sou
4426 s-développés des objets explosifs et destructeurs de leurs traditions ancestrales et de leurs équilibres traditionnels, sa
4427 t destructeurs de leurs traditions ancestrales et de leurs équilibres traditionnels, sans leur expliquer les dangers et le
4428 sans leur expliquer les dangers et les bienfaits de notre apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode d’emploi, et
4429 otre apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode d’emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps,
4430 apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode d’ emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps, pou
4431 oisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux, d’ adjoindre à l’assistance technique dont tout le monde parle et que tou
4432 nt tout le monde parle et que tout le monde exige de nous, une assistance éducatrice et culturelle, sans laquelle tous nos
4433 économie occidentale qui sait bien qu’elle dépend de la technique, doit comprendre aussi que la technique dépend de la cul
4434 ue, doit comprendre aussi que la technique dépend de la culture créatrice. Il est vital pour l’avenir de l’économie en Oc
4435 la culture créatrice. Il est vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la culture sous toutes ses formes
4436 st vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la culture sous toutes ses formes : cette culture qui n’est
4437 : cette culture qui n’est pas seulement la source de nos inventions mais la seule garantie d’un progrès véritable. L’aveni
4438 a source de nos inventions mais la seule garantie d’ un progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos divi
4439 a seule garantie d’un progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais de notre f
4440 s véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais de notre faculté d’imaginer un dévelop
4441 t ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais de notre faculté d’imaginer un développement plus harmonieux de nos rêve
4442 e nos dividendes immédiats, mais de notre faculté d’ imaginer un développement plus harmonieux de nos rêves et de notre act
4443 culté d’imaginer un développement plus harmonieux de nos rêves et de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire
4444 un développement plus harmonieux de nos rêves et de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans l
4445 monieux de nos rêves et de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans les indices de production,
4446 cident ne peut se lire seulement dans les indices de production, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équili
4447 on, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain. Il appartient à la culture de concevoir cet équil
4448 de l’équilibre humain. Il appartient à la culture de concevoir cet équilibre, d’en formuler les conditions morales ; à la
4449 partient à la culture de concevoir cet équilibre, d’ en formuler les conditions morales ; à la technique de le servir, d’en
4450 formuler les conditions morales ; à la technique de le servir, d’en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident
4451 conditions morales ; à la technique de le servir, d’ en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre
4452 rvir, d’en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois
4453 . L’avenir de l’Occident est donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois les conditions morales et matérielles d
4454 t à la fois les conditions morales et matérielles d’ un équilibre humain assez riche et assez souple pour servir de modèle
4455 re humain assez riche et assez souple pour servir de modèle à tous les hommes. Il appartient donc conjointement à la cultu
4456 ur commune responsabilité. ae. Rougemont Denis de , « Culture et technique », Caractère et culture de l’Europe, Amsterda
4457 e, « Culture et technique », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, juillet 1961, p. 5-9. af. Présenté par cette no
4458 . af. Présenté par cette note : « Avec la clarté de l’écrivain et sa connaissance des problèmes européens, M. de Rougemon
4459 péens, M. de Rougemont souligne l’interdépendance de la culture et de la technique. Auteur d’une vingtaine de volumes — tr
4460 emont souligne l’interdépendance de la culture et de la technique. Auteur d’une vingtaine de volumes — traduits en douze l
4461 pendance de la culture et de la technique. Auteur d’ une vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Ce
4462 ulture et de la technique. Auteur d’une vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Centre européen de
4463 ent du comité exécutif du Congrès pour la liberté de la culture, et gouverneur de la Fondation européenne de la culture. »
4464 grès pour la liberté de la culture, et gouverneur de la Fondation européenne de la culture. »
4465 culture, et gouverneur de la Fondation européenne de la culture. »
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
4466 Le Temps de la louange (été 1961)ac Notre rencontre date de l’été 1947, à Pari
4467 e la louange (été 1961)ac Notre rencontre date de l’été 1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel
4468 7, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’ un hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un gra
4469 eux bleus écartés, le cheveu noir et dru, en bras de chemise, vint s’asseoir à côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout
4470 côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout droit de la rédaction de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c
4471 le tapis. Il arrivait tout droit de la rédaction de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c’est que nous au
4472 evait quitter qu’un an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né à Strasbourg, et son père descen
4473 alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’ une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant
4474 Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
4475 dait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une A
4476 u mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse,
4477 de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’ être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de
4478 e, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de bon langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en
4479 ut-être. Avec tout cela, Français de bon langage, d’ impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait
4480 l brilliance » dont a parlé le Times au lendemain de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’allemand, traducteur
4481 de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’ allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner,
4482 l’agrégation d’allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et O
4483 llemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis success
4484 le de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutis
4485 à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Be
4486 erlin, mémorable correspondant étranger du Combat d’ Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendi
4487 dant étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’ une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, fina
4488 ’Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conse
4489 ement fameuse, finalement animateur et conseiller d’ organisations européennes et internationales auxquelles il prêtait le
4490 ernationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’ une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais
4491 nnement d’une culture exceptionnellement étendue, d’ une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infailli
4492 tendue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’ un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germ
4493 n, peut-être, il venait de donner les témoignages d’ une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres fran
4494 les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’ un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifia
4495 aises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif de tout l’humain du haut en bas, foncièrement réaliste et religieux. Pui
4496 n bref poème prophétique, quelques semaines avant d’ en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Falla
4497 ines avant d’en subir la première attaque, suivie d’ une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être
4498 re « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’ un « nouveau travail » ? ⁂ Il n’aimait pas les discussions métaphysiqu
4499 physiques ni qu’on lui demandât ce qu’il croyait. D’ une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder
4500 ’on lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou d’ un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter,
4501 ’une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’ adopter, de fonder ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme e
4502 ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme en aparté :
4503 de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’est
4504 » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’ une objection logique ou de doctrine, mais d’une allergie spirituelle.
4505 gissait en lui non pas d’une objection logique ou de doctrine, mais d’une allergie spirituelle. Son parti pris fondamental
4506 pas d’une objection logique ou de doctrine, mais d’ une allergie spirituelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré, ét
4507 parti pris fondamental, seul déclaré, était celui d’ un absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les constructi
4508 n ou Karl Barth — comme étant affectées à la base d’ un « littéralisme » biblique décidément incompatible avec son sens du
4509 mystique, presque bouddhiste, et par cet horizon de délivrance que dénude la chute assourdie de la strophe. Le monde huma
4510 rizon de délivrance que dénude la chute assourdie de la strophe. Le monde humain lui apparaissait lourd et fluent, informe
4511 , informe et grouillant comme le ventre ténébreux de la baleine où médita Jonas, foncièrement incongru à le considérer dan
4512 dire : « dans la confusion générale ». Tel étant de toute évidence le train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’u
4513 ce le train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certaine qua
4514 e train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’ un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certaine qualit
4515 ’un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’ une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les
4516 tion d’une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales, parfois mê
4517 mous dans la « platitude divine » du grand fleuve d’ un seul tenant reliant « l’origine et la perfection des temps ». Sa fa
4518 ’origine et la perfection des temps ». Sa faculté de travail n’était guère égalée que par sa faculté d’évasion vagabonde ;
4519 e travail n’était guère égalée que par sa faculté d’ évasion vagabonde ; son perfectionnisme intellectuel que par la néglig
4520 sme intellectuel que par la négligence désinvolte de son comportement social ; ses accès d’ambition presque mégalomane que
4521 désinvolte de son comportement social ; ses accès d’ ambition presque mégalomane que par son mépris de l’arrivisme et des c
4522 d’ambition presque mégalomane que par son mépris de l’arrivisme et des conditions élémentaires d’une carrière. Il avait d
4523 ris de l’arrivisme et des conditions élémentaires d’ une carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les
4524 conditions élémentaires d’une carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les soucis multipliés par une
4525 l’atteignaient pas, quoique l’empêchant, hélas ! d’ écrire son œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence, il le sav
4526 le savait absolument ; il pouvait être dans cette vie reporter et bohème, romancier ou poète, — il voulut même, un temps, d
4527 enir banquier, et riche. L’insignifiance foncière de tout le laissait libre d’accorder une espèce d’intérêt passionné à ce
4528 ’insignifiance foncière de tout le laissait libre d’ accorder une espèce d’intérêt passionné à certaines entreprises méthod
4529 e de tout le laissait libre d’accorder une espèce d’ intérêt passionné à certaines entreprises méthodiques, créatrices de s
4530 é à certaines entreprises méthodiques, créatrices de structures, d’événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, q
4531 ntreprises méthodiques, créatrices de structures, d’ événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, qui le fascinait
4532 ructures, d’événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, qui le fascinait, ou comme celle, un peu clandestine, qu
4533 stine, que nous poursuivions à Genève. Une espèce de rêve impérial d’autorité sans pouvoir apparent passait parfois dans s
4534 oursuivions à Genève. Une espèce de rêve impérial d’ autorité sans pouvoir apparent passait parfois dans ses propos. (Il eû
4535 ût fait un fort bel empereur romain-germanique et d’ expression française.) Un certain ton de gouaille anarchisante, mais s
4536 anique et d’expression française.) Un certain ton de gouaille anarchisante, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord
4537 ain ton de gouaille anarchisante, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres, un laisser-aller apparent (mais
4538 apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et de références secrètes à son système d’évaluations) lui permettaient de
4539 e fierté, et de références secrètes à son système d’ évaluations) lui permettaient de donner le change au premier venu. Il
4540 tes à son système d’évaluations) lui permettaient de donner le change au premier venu. Il protégeait en lui le grand poète
4541 ’il se sentait devenir dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’il deviendra parmi nous, pour quelques-uns, dans
4542 sentait devenir dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’il deviendra parmi nous, pour quelques-uns, dans le temp
4543 nous, pour quelques-uns, dans le temps signifiant de l’esprit, temps de louange au « Dieu qui nous traverse ». ac. Roug
4544 -uns, dans le temps signifiant de l’esprit, temps de louange au « Dieu qui nous traverse ». ac. Rougemont Denis de, « L
4545  Dieu qui nous traverse ». ac. Rougemont Denis de , « Le Temps de la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p.
4546 traverse ». ac. Rougemont Denis de, « Le Temps de la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p. 21-24.
24 1962, Articles divers (1957-1962). Jonas [préface] (1962)
4547 alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’ une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant
4548 Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
4549 dait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une A
4550 u mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse o
4551 de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’ être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de
4552 e ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de bon langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en
4553 t-être. Avant tout cela, Français de bon langage, d’ impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait
4554 désinvolture » dont a parlé le Times au lendemain de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’allemand, traducteur
4555 de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’ allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner,
4556 l’agrégation d’allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et O
4557 llemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis success
4558 le de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutis
4559 à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Be
4560 erlin, mémorable correspondant étranger du Combat d’ Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendi
4561 dant étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’ une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, fina
4562 ’Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conse
4563 ement fameuse, finalement animateur et conseiller d’ organisations européennes et internationales auxquelles il prêtait le
4564 ernationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’ une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais
4565 nnement d’une culture exceptionnellement étendue, d’ une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infailli
4566 tendue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’ un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germ
4567 n, peut-être, il venait de donner les témoignages d’ une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres fran
4568 les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’ un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifia
4569 aises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif de tout l’humain du haut en bas, foncièrement réaliste et religieux. Pui
4570 n bref poème prophétique, quelques semaines avant d’ en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Falla
4571 ines avant d’en subir la première attaque, suivie d’ une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être
4572 re « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’ un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul
4573 d’un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de , Dadelsen Jean-Paul de, « [Préface] Jean-Paul de Dadelsen, Jonas  »,
4574 » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul de , « [Préface] Jean-Paul de Dadelsen, Jonas  », dans Jonas, Paris, Gall
25 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
4575 g Jean Calvin naît le 10 juillet 1509 à Noyon, d’ une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction géné
4576 in naît le 10 juillet 1509 à Noyon, d’une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction générale, puis va
4577 Quand son père meurt, en 1531, il réalise sa part d’ héritage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus que de religion. Il
4578 tage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus que de religion. Il prêche. Il doit s’enfuir à Nérac auprès de la reine de N
4579 n, dans la mesure où il s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne
4580 il s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément
4581 vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément œuvre d’écrivai
4582 r, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément œuvre d’ écrivain », alors Calvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et
4583 ées en France, et Bossuet lui concède « la gloire d’ avoir aussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’était pas p
4584 ède « la gloire d’avoir aussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’était pas pour faire de la littérature : c’ét
4585 e de son siècle », mais ce n’était pas pour faire de la littérature : c’était pour enseigner des vérités religieuses dans
4586 ner des vérités religieuses dans les vicissitudes de l’époque, et diriger les hommes à leur fin de salut. Il n’a écrit que
4587 des de l’époque, et diriger les hommes à leur fin de salut. Il n’a écrit que pour mieux faire comprendre l’Écriture, parlé
4588 é que pour mieux faire entendre la Parole. L’idée de surprendre par des tournures de phrases ou des adjectifs insolites, d
4589 la Parole. L’idée de surprendre par des tournures de phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscurs ou fulgura
4590 tes, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un
4591 rcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque
4592 urants, un ton de grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’êt
4593 e grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’être original ne l
4594 pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’ être original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas ave
4595 r la littérature française, encore que les vertus de clarté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’
4596 ature française, encore que les vertus de clarté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulatio
4597 aise, encore que les vertus de clarté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’on ap
4598 larté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’on appelle souvent cartésiennes, aien
4599 llustrées dans notre langue par ses écrits : fait d’ histoire mais non pas de présence continuée. Ce qu’on entend de nos jo
4600 gue par ses écrits : fait d’histoire mais non pas de présence continuée. Ce qu’on entend de nos jours par « la littérature
4601 is non pas de présence continuée. Ce qu’on entend de nos jours par « la littérature » dans les milieux où elle se crée et
4602 ue chose où Calvin ne trouverait pas sa place et, de fait, ne joue plus aucun rôle. En revanche, l’une des traditions maît
4603 ôle. En revanche, l’une des traditions maîtresses de la pensée française, celle qui considère l’écrivain comme chargé d’un
4604 aise, celle qui considère l’écrivain comme chargé d’ une mission normative et créatrice de valeurs générales dans la cité,
4605 comme chargé d’une mission normative et créatrice de valeurs générales dans la cité, — cette attitude « classique » ou soc
4606 a cité, — cette attitude « classique » ou sociale de l’esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le
4607 esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engagement, — dont il semble qu’on ait abusé —
4608 ans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’ engagement, — dont il semble qu’on ait abusé — s’origine sans nul dout
4609 son modèle. Calvin n’est pas aimable, on le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’était Charles Quint — tandis q
4610 Thomas d’Aquin — il ne séduit que par la démesure d’ une inflexible discipline intime. Rien de moins sec, d’ailleurs, de pl
4611 démesure d’une inflexible discipline intime. Rien de moins sec, d’ailleurs, de plus vert que sa prose. Mais laissons ces q
4612 us vert que sa prose. Mais laissons ces questions de goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’une œuvre écrite et
4613 de goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’ une œuvre écrite et pensée tout entière dans la soumission absolue à u
4614 ide… Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’un si grand désir de pr
4615 ce de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’ un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du to
4616 , je fus incontinent enflammé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout les autres études
4617 l’an passât, tous ceux qui avaient quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je n
4618 ommencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’ un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tra
4619 je commençai à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon
4620 es gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’étai
4621 ques. Bref, cependant que j’avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement promené et fait to
4622 changements que toutefois il ne m’a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’a
4623 , tandis que paraissent trois grandes traductions de la Bible (en Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tynd
4624 ndes traductions de la Bible (en Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert O
4625 Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert Olivétan), François Ier signe un
4626 en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert Olivétan), François Ier signe un arrêt totalitaire interdisant
4627 arrêt totalitaire interdisant sous peine de mort d’ imprimer aucun livre quel qu’il soit. Calvin qui fuit de ville en vill
4628 imer aucun livre quel qu’il soit. Calvin qui fuit de ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché, connu de peu de gen
4629 en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché, connu de peu de gens. Mais les nouvelles de France, où l’on brûle ses amis pou
4630 e caché, connu de peu de gens. Mais les nouvelles de France, où l’on brûle ses amis pour les calomnier plus à l’aise, l’ob
4631 gent à prendre la défense des « saints martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’es
4632 he et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin, de mars à août, les cinq-cent-vingt pages de sa première Institution, pu
4633 latin, de mars à août, les cinq-cent-vingt pages de sa première Institution, puis en français l’épître liminaire au roi d
4634 e au roi de France. Il a vingt-cinq ans. Il vient d’ élaborer en quelques mois, — « dans des veilles mémorables, célestes »
4635 — l’un des rares livres qui aient changé le cours de notre histoire occidentale. Et de nouveau, il fuit devant l’éclat que
4636 ar une adjuration épouvantable, comme si Dieu eût d’ en haut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix de s
4637 ut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’accepte po
4638 a main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’u
4639 it de la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’une charge de docteur, et commence à
4640 ris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’une charge de docteur, et commence à « dresser » l’Église dans ses formes. Bientôt,
4641 chasse. Peut-il se croire « en liberté et quitte de sa vocation » ? Déjà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant d’u
4642 Déjà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant d’ une semblable remonstrance qu’avait faite Farel auparavant ». Calvin d
4643 ite Farel auparavant ». Calvin devient le pasteur de la première Église réformée, et il la dote d’une liturgie, qu’il met
4644 eur de la première Église réformée, et il la dote d’ une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’é
4645 on désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes,
4646 toujours je n’eusse à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel,
4647 soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel, Jehan Chauvin, le frê
4648 quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel, Jehan Chauvin, le frêle Picar
4649 ux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’ appel en appel, Jehan Chauvin, le frêle Picard, devint Calvin, nom de
4650 ehan Chauvin, le frêle Picard, devint Calvin, nom de sa personne dans l’Histoire. Suivre sa vocation, au contraire de ce q
4651  Dieu me fit tourner bride… » Son efficacité naît de cet abandon, de cette juste défaite infligée sans relâche à l’individ
4652 rner bride… » Son efficacité naît de cet abandon, de cette juste défaite infligée sans relâche à l’individu naturel par ce
4653 ppeler et le réalise à jamais. Toutes les vertus de son style découlent de cette tension instaurée par sa vocation ; comm
4654 jamais. Toutes les vertus de son style découlent de cette tension instaurée par sa vocation ; comme aussi ses défauts, à
4655 ant que contraignant par une logique amère imagée de proverbes, de frustes apologues à la volée, et d’innombrables citatio
4656 ignant par une logique amère imagée de proverbes, de frustes apologues à la volée, et d’innombrables citations des Écritur
4657 de proverbes, de frustes apologues à la volée, et d’ innombrables citations des Écritures restituées dans leur nouveauté la
4658 que est celui du bon sens et du langage quotidien de son temps : nous jugeons pittoresques, par erreur, des tours qui ne v
4659 nt qu’être clairs et convaincants pour l’auditeur d’ alors. À la rhétorique éloquente, — maniériste à la Michel-Ange ou par
4660 ste à la Michel-Ange ou parfois même à la Gréco — de l’Épître à François Ier, opposons le mouvement pressant et familier d
4661 ermons qu’il prononce chaque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. Rien n’est plus près de la parole improvisée, rien n’es
4662 la pensée directrice : à Dieu seul tout est dû et de Lui seul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’une démarch
4663 ul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’ une démarche ferme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’il se
4664 l’esprit qui la préméditait. C’est ici le langage d’ un chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’ag
4665 — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts de l’Église harassée par la perséc
4666 il s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts de l’Église harassée par la persécution, ou du cœur si faible de l’homme
4667 harassée par la persécution, ou du cœur si faible de l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’agit de « presser » l’au
4668 l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’agit de « presser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le bien « con
4669 s du monde. Il s’agit de « presser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le bien « conforter » dans l’amour patern
4670 resser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le bien « conforter » dans l’amour paternel d’un Dieu-roi formidablem
4671 », de le bien « conforter » dans l’amour paternel d’ un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre,
4672 roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts de « son
4673 s des puissants de la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute
4674 ais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute onction d’église, sous-tendu p
4675 et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute onction d’église, sous-tendu par la seule volonté d’éduquer le
4676 de « son » peuple. Langage dénué de toute onction d’ église, sous-tendu par la seule volonté d’éduquer le peuple et les pri
4677 onction d’église, sous-tendu par la seule volonté d’ éduquer le peuple et les princes. Langage enfin d’un homme qui se sait
4678 d’éduquer le peuple et les princes. Langage enfin d’ un homme qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par to
4679 e élite européenne, assemblée devant lui, au pied de la chaire, et dont il connaît bien les circonstances concrètes : d’où
4680 ont il connaît bien les circonstances concrètes : d’ où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la n
4681 bien les circonstances concrètes : d’où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la par
4682 constances concrètes : d’où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la parole, mais au
4683 es concrètes : d’où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la parole, mais aussi son
4684 d’où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ ornements, d’où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de cont
4685 e de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’ où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce mi
4686 e jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe
4687 où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il est même le seul
4688 dent une éthique sociale et civique, un type neuf de relations politiques, enfin des formes de gouvernement qui ont marqué
4689 pe neuf de relations politiques, enfin des formes de gouvernement qui ont marqué d’une manière décisive l’Angleterre et se
4690 , enfin des formes de gouvernement qui ont marqué d’ une manière décisive l’Angleterre et ses dominions, la Hollande et la
4691 toute l’Amérique du Nord, et cela fait la moitié de l’Occident. Je cherche en vain l’esprit qu’on puisse lui comparer par
4692 puisse lui comparer par l’ampleur et par la durée d’ une action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son discipl
4693 mparer par l’ampleur et par la durée d’une action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son disciple mais aussi
4694 parfaite antithèse : qui croit encore à la bonté de l’homme naturel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte
4695 rx, et encore. Un empire international se réclame de son œuvre, ou au moins de son nom : mais est-il justifié à le faire ?
4696 nternational se réclame de son œuvre, ou au moins de son nom : mais est-il justifié à le faire ? Certes, on peut bien sout
4697 ar Marx. Mais le marxisme en dépit d’une doctrine de l’Histoire quasiment prédestinatienne, et presque aussi paradoxale qu
4698 jamais pu créer une éthique, ni même une formule d’ équilibre entre la nation et ses princes, encore bien moins entre l’Ét
4699 qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu et dan
4700 our devant Dieu et dans la cité ; et que le titre de citoyen est bien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’Occi
4701 ien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’ Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent g
4702 charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime syno
4703 alvinistes préfigure le gouvernement par les élus de la communauté. Le principe du droit de révolte, refusé aux individus,
4704 r les élus de la communauté. Le principe du droit de révolte, refusé aux individus, mais confié comme devoir aux groupes c
4705 ntre ses antidotes brutaux. Comparez sur la carte de l’Occident moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire des dict
4706 omparez sur la carte de l’Occident moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire des dictatures totalitaires : elles n
4707 carte de l’Occident moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire des dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent
4708  : elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin d’ avoir instauré la théocratie à Genève, comme le répète l’ignorance com
4709 pète l’ignorance commune, Calvin a créé le modèle d’ une église dressée face à l’État et soigneuse à le maintenir dans les
4710 État et soigneuse à le maintenir dans les limites de son juste pouvoir, elle-même n’en demandant aucun puisqu’elle détient
4711 ant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui est de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes, d
4712 ui est de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes, dans la mesure où par la seule vertu de la v
4713 Oui certes, dans la mesure où par la seule vertu de la vocation qu’il portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et da
4714 e la vocation qu’il portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet homme accablé a fait l’h
4715 on à la Nouvelle NRF, 1953. ag. Rougemont Denis de , « Calvin », Tableau de la littérature française, vol. I, Paris, Gall
4716 53. ag. Rougemont Denis de, « Calvin », Tableau de la littérature française, vol. I, Paris, Gallimard, 1962, p. 276-281.
26 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
4717 Le règne de Victoria (1962)ah Sous le règne de Victoria les lettres et les art
4718 Le règne de Victoria (1962)ah Sous le règne de Victoria les lettres et les arts prospèrent, les intellectuels s’huma
4719 sont exilés vers les régions froides. L’étiquette de la cour victoriale n’a jamais été codifiée : plus mystérieuse que la
4720 exigences sont aggravées par une dose convenable d’ arbitraire, mais tempérées par les plus capricieuses tolérances. On ne
4721 On ne sait jamais, mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se
4722 s mélancoliques aux grands arbres fleuris habités d’ oiseaux-mouches, vers le Río calme et violet. Tels sont les souvenirs
4723 t. Tels sont les souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 19
4724 s souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais d
4725 chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre
4726 Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’ une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait sans doute moins gênant,
4727 ères rencontres avec Victoria dataient tout juste de deux ans auparavant. Elles restent liées dans ma mémoire avec tout ce
4728 lus émouvant sous la menace, en ces derniers mois de sa paix. Ces heures dans la roseraie de Bagatelle, transfigurée par l
4729 iers mois de sa paix. Ces heures dans la roseraie de Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’une fin d’après-mid
4730 e Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’ une fin d’après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’a
4731 e, transfigurée par les rayons obliques d’une fin d’ après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’amis commun
4732 idi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’ amis communs, venus de partout, qu’une sorte de prémonition avait rass
4733 ns d’amis communs, venus de partout, qu’une sorte de prémonition avait rassemblés ces jours-là dans la capitale de l’Europ
4734 on avait rassemblés ces jours-là dans la capitale de l’Europe, ultime colloque d’une société secrète improvisée, avant les
4735 -là dans la capitale de l’Europe, ultime colloque d’ une société secrète improvisée, avant les catastrophes et la nuit de l
4736 ète improvisée, avant les catastrophes et la nuit de l’esprit. Mais quelques jours plus tard, à Orléans, nous entendions e
4737 léans, nous entendions ensemble Jeanne au bûcher, de Paul Claudel et Arthur Honegger, cette bouleversante déclamation chor
4738 s fort ! » En retrouvant à Buenos Aires le groupe de Sur, honneur du Sud, autour de celle qui l’avait suscité, c’était à l
4739 ssé, si proche et déjà légendaire, et la promesse d’ un avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour,
4740 ne grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au p
4741 ombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’ une cathédrale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-D
4742 dusé, réduit au silence, au pied d’une cathédrale d’ eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria m’a
4743 rale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m
4744 ndeur simple, la simplicité grande, sont les lois de son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’oser
4745 ait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce de rigueur féminine — déconcertant toutes les valeurs nordiques, et trop
4746 Sud aura sa revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique, d’horaires tyranniques et de science. L’intuition, l’émotion
4747 revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique, d’ horaires tyranniques et de science. L’intuition, l’émotion, le sens de
4748 lin, épuisé de logique, d’horaires tyranniques et de science. L’intuition, l’émotion, le sens de l’Arbre animeront un nouv
4749 es et de science. L’intuition, l’émotion, le sens de l’Arbre animeront un nouvel ordre humain, une sagesse orientée par la
4750 G. Jung l’ont annoncé. Quelques-uns l’ont appris de Victoria, non par l’enseignement mais par l’exemple, et par l’admirat
4751 Voltaire (Ain), juin 1962. ah. Rougemont Denis de , « Le règne de Victoria », Testimonios sobre Victoria Ocampo, Buenos
4752 juin 1962. ah. Rougemont Denis de, « Le règne de Victoria », Testimonios sobre Victoria Ocampo, Buenos Aires, La Fleur
27 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
4753 La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)ai S’il est question d’intégration européenne
4754 n de l’Europe (avril 1962)ai S’il est question d’ intégration européenne et qu’on lui parle de culture, l’homme d’aujour
4755 stion d’intégration européenne et qu’on lui parle de culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou p
4756 européenne et qu’on lui parle de culture, l’homme d’ aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord
4757 rs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’est-elle pas
4758 omique, c’est-à-dire le Marché commun ? Le traité de Rome, les Six, les accords agricoles, la candidature britannique, voi
4759 re, ajoutent certains, l’un des derniers bastions de l’esprit nationaliste, des particularismes périmés ? Répondre à ces q
4760 dans son domaine professionnel. J’essaierai donc de démontrer ici, d’une manière aussi simple que possible : 1° que l’Eur
4761 professionnel. J’essaierai donc de démontrer ici, d’ une manière aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie est beauc
4762 airant la conjoncture actuelle, exige la création d’ une Europe fédérale, et non pas d’une Europe unitaire ; 4° que le fédé
4763 ige la création d’une Europe fédérale, et non pas d’ une Europe unitaire ; 4° que le fédéralisme et la culture s’appellent
4764 ope mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de la culture Le grand public pense aujourd’hui que faire l’Europe, c
4765 ujourd’hui que faire l’Europe, c’est une question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustement
4766 l’Europe, c’est une question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétair
4767 , c’est une question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en a
4768 question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peu
4769 tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un
4770 rifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie , d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un jour
4771 douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un jour, un
4772 aires, en attendant peut-être, un jour, une sorte de confédération politique, — qui effraye encore beaucoup de nos États.
4773 ugmente son budget. Cette vue très populaire, née d’ un xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par l
4774 ile, est en fait partagée par les élites sociales de notre continent : il suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets
4775 de notre continent : il suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et des USA, pu
4776 suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et des USA, puissances modernes ; et s
4777 r de comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et des USA, puissances modernes ; et surtout de comparer la do
4778 URSS et des USA, puissances modernes ; et surtout de comparer la dotation globale des quelque 40 000 fondations américaine
4779 ndations américaines, qui se chiffre en milliards de dollars, avec celle des quelque 300 fondations culturelles existant d
4780 t dans nos pays, qui ne se chiffre qu’en millions de francs, marks ou florins. Mais quelle que soit sa popularité, cette c
4781 de par son économie, ses armes et ses techniques, de la Renaissance jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et si elle est en
4782 re aujourd’hui l’une des trois grandes puissances de la planète, ce n’est pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit :
4783 auvre en matières premières, l’Europe avait moins de chances matérielles que l’Inde de sortir de sa pauvreté primitive. Co
4784 ope avait moins de chances matérielles que l’Inde de sortir de sa pauvreté primitive. Comment alors expliquer la différenc
4785 moins de chances matérielles que l’Inde de sortir de sa pauvreté primitive. Comment alors expliquer la différence spectacu
4786 rence spectaculaire que l’on sait entre le destin de la péninsule indienne et celui de la péninsule européenne ? Sinon par
4787 entre le destin de la péninsule indienne et celui de la péninsule européenne ? Sinon par la différence des cultures, au se
4788 cultures, au sens le plus large du terme, qui va de la religion à la technique en passant par la philosophie, les science
4789 u de choses plus une certaine culture, qui a fait d’ une pauvre terre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau de la pl
4790 erre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau de la planète, pour plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’êt
4791 ée le cœur et le cerveau de la planète, pour plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’être fini ! Selon la plus c
4792 r plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’ être fini ! Selon la plus célèbre équation de notre époque, celle d’Ei
4793 loin d’être fini ! Selon la plus célèbre équation de notre époque, celle d’Einstein, l’énergie est égale au produit de la
4794 n la plus célèbre équation de notre époque, celle d’ Einstein, l’énergie est égale au produit de la masse par le carré de l
4795 celle d’Einstein, l’énergie est égale au produit de la masse par le carré de la vitesse de la lumière, et cela s’écrit :
4796 gie est égale au produit de la masse par le carré de la vitesse de la lumière, et cela s’écrit : E = mc2 En désignant l’E
4797 au produit de la masse par le carré de la vitesse de la lumière, et cela s’écrit : E = mc2 En désignant l’Europe par E, l
4798 ésignant l’Europe par E, la petite masse physique de notre continent par m, et sa culture par c, nous obtenons une équatio
4799 enons une équation semblable et non moins chargée de conséquences : E = mc2 Europe = Cap de l’Asie x culture intensive
4800 ste depuis des millénaires. Il n’est pas question de la créer ; mais simplement, les circonstances du xxe siècle, — très
4801 es, d’ailleurs ! — nous commandent impérieusement de réunir nos peuples et de mettre en pool leurs ressources, trop longte
4802 ommandent impérieusement de réunir nos peuples et de mettre en pool leurs ressources, trop longtemps divisées entre une vi
4803 rces, trop longtemps divisées entre une vingtaine d’ États tous trop petits désormais pour se suffire. Tel étant le problèm
4804 el. Car c’est la politique nationaliste (le tabou de la souveraineté absolue, les résidus d’attitudes impérialistes, l’org
4805 (le tabou de la souveraineté absolue, les résidus d’ attitudes impérialistes, l’orgueil national, les méfiances traditionne
4806 l’orgueil national, les méfiances traditionnelles de peuple à peuple, etc.) qui s’oppose à l’union nécessaire, admise et r
4807 conomistes. Or cette attitude politique, ce tabou de la souveraineté, cet orgueil national, ces méfiances séculaires, pour
4808 rofondément enracinés dans un millénaire au moins de culture européenne. L’obstacle principal à notre union réside dans le
4809 s faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique ou de calcu
4810 t de le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d
4811 e. Et ceci n’est pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d’habitudes de pe
4812 nique ou de calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment a
4813 lculs tarifaires, mais une question de mentalité, d’ habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de r
4814 ires, mais une question de mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc
4815 une question de mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc une questio
4816 lité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc une question de culture, d’éduca
4817 sée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc une question de culture, d’éducation nouvelle. Mais « fa
4818 sentiment autant que de raison. Donc une question de culture, d’éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne veut pas di
4819 tant que de raison. Donc une question de culture, d’ éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne veut pas dire seulement
4820 . Et c’est là qu’intervient à nouveau la culture, d’ une manière positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocra
4821 le. Un ingénieur, un technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan géométrique d’un
4822 ent vous faire en trois jours un plan géométrique d’ unification rigoureuse du continent, supprimant non seulement les doua
4823 mais toutes les différences locales et nationales de traditions et de régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan ser
4824 ifférences locales et nationales de traditions et de régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan serait rentable, et
4825 an serait rentable, et que votre intérêt commande de l’appliquer. Un autre groupe peut vous rappeler que depuis Dante et P
4826 jusqu’à Coudenhove-Kalergi, Briand et Churchill, de nos jours, — depuis six siècles donc, les meilleurs esprits et les me
4827 lleurs hommes politiques du continent n’ont cessé de préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant leurs divers
4828 nent n’ont cessé de préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant leurs diversités. Aux premiers vous direz : v
4829 euse serait sans nul doute plus conforme au génie de nos peuples divers, mais voilà six-cents ans qu’elle échoue dans tous
4830 eux seuls. Leur dialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique, et encore moins économi
4831 C’est vraiment un dialogue culturel. La synthèse de ces deux doctrines, c’est l’attitude fédéraliste : l’union dans la di
4832 deux termes ensemble. Tel est le secret spirituel de notre avenir. L’énergie tout à fait extraordinaire qu’ont dégagée les
4833 à fait extraordinaire qu’ont dégagée les peuples de ce continent, et qui leur a permis de dominer le monde, a sa source d
4834 les peuples de ce continent, et qui leur a permis de dominer le monde, a sa source dans les tensions produites par nos div
4835 dans les tensions produites par nos diversités, —  de religions, de races et de coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais l
4836 ons produites par nos diversités, — de religions, de races et de coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces div
4837 s par nos diversités, — de religions, de races et de coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces diversités s’ab
4838 ersités, — de religions, de races et de coutumes, d’ idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces diversités s’absolutisent, s
4839 religions, de races et de coutumes, d’idéologies, d’ ambitions. Mais lorsque ces diversités s’absolutisent, se ferment sur
4840 ion à laquelle j’appartiens, et l’Europe a risqué d’ en périr. Insister sur nos seules diversités détruit l’Europe matériel
4841 , mais unie dans ses diversités, — voilà la tâche de la culture et sa vocation prospective. Il n’y aurait pas d’Europe sa
4842 re et sa vocation prospective. Il n’y aurait pas d’ Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pauvres condition
4843 s d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pauvres conditions physiques. De la culture aussi sont venues nos
4844 e a su tirer de nos pauvres conditions physiques. De la culture aussi sont venues nos divisions, presque mortelles. De la
4845 ssi sont venues nos divisions, presque mortelles. De la culture enfin doit venir le remède à nos maux, et il est double :
4846 jugés nationalistes, qui s’opposent à toute forme d’ union ; et proposer un modèle efficace d’union spécifiquement européen
4847 te forme d’union ; et proposer un modèle efficace d’ union spécifiquement européenne, qui s’appelle le fédéralisme. Doub
4848 elle le fédéralisme. Double mission européenne de la culture Traduisons maintenant ces principes en termes d’activit
4849 commun des instituts, mouvements et associations de culture que notre Fondation entend soutenir, doit comprendre les deux
4850 2° créer un état d’esprit favorable à l’avènement d’ une union fédérale, seule conforme au génie « un et divers » de la cul
4851 édérale, seule conforme au génie « un et divers » de la culture européenne. L’Europe n’est pas une addition de cultures n
4852 ture européenne. L’Europe n’est pas une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relativement réce
4853 es, et plus ou moins artificielles, qui ont tenté de prendre forme, grâce à l’École surtout, pendant l’ère nationaliste et
4854 é du xxe siècle — en s’appuyant sur la diversité de nos langues. La première tâche sera donc d’illustrer l’unité de base
4855 rsité de nos langues. La première tâche sera donc d’ illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument « nation
4856 . La première tâche sera donc d’illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument « nationales » ; de montrer
4857 mière tâche sera donc d’illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument « nationales » ; de montrer que la c
4858 toutes ces cultures prétendument « nationales » ; de montrer que la culture commune des Européens est beaucoup plus ancien
4859 nt « souverains » mais qui seraient bien en peine de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phéno
4860 qui seraient bien en peine de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phénomène à la fois pré-nat
4861 rsifié selon les époques, les régions, les écoles de pensée, mais fondamentalement commun. En inculquant ces vérités incon
4862 a presse et le film, par un meilleur enseignement de l’histoire, par des comparaisons globales entre l’Europe et les cultu
4863 tinents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu d’ une coopération supranationale des savants, des sociologues, des éduca
4864 nt encore la construction économique et politique de l’Europe. La seconde tâche consiste à prendre au sérieux les principe
4865 tâche consiste à prendre au sérieux les principes de notre culture occidentale, et d’abord à les mieux connaître. Que serv
4866 , et d’abord à les mieux connaître. Que servirait de doter l’Europe d’institutions communes même techniquement parfaites,
4867 mieux connaître. Que servirait de doter l’Europe d’ institutions communes même techniquement parfaites, si les Européens d
4868 es même techniquement parfaites, si les Européens de demain ne croyaient plus à leurs valeurs, à leurs idéaux, à tout ce q
4869 à leurs idéaux, à tout ce qui a fait la grandeur de l’Europe ? Et que sert de prêcher l’union européenne à des gens qui r
4870 qui a fait la grandeur de l’Europe ? Et que sert de prêcher l’union européenne à des gens qui répondent que l’Europe n’es
4871 ent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’a pas d’ idéal à opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni de valeurs à
4872 opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni de valeurs à proposer au tiers-monde récemment libéré ? Vouloir faire l’
4873 pe par des procédés techniques, sans tenir compte de cette situation morale, ne serait pas seulement dangereux mais vain.
4874 x nos principes et nos valeurs, c’est une affaire d’ éducation. Contrairement à l’Asie et à l’URSS, l’Europe a toujours vou
4875 sables. C’est là son grand atout, c’est le secret de son dynamisme incomparable. Et cela se traduit dans le domaine de la
4876 incomparable. Et cela se traduit dans le domaine de la recherche, par la double exigence de la liberté d’investigation in
4877 e domaine de la recherche, par la double exigence de la liberté d’investigation individuelle d’une part, et de l’organisat
4878 a recherche, par la double exigence de la liberté d’ investigation individuelle d’une part, et de l’organisation du travail
4879 berté d’investigation individuelle d’une part, et de l’organisation du travail en équipe selon un plan commun, d’autre par
4880 lon un plan commun, d’autre part. Dans le domaine de l’éducation civique, par la double exigence du développement de l’esp
4881 civique, par la double exigence du développement de l’esprit critique et de l’information d’une part, de l’esprit communa
4882 exigence du développement de l’esprit critique et de l’information d’une part, de l’esprit communautaire et du sens des re
4883 l’esprit critique et de l’information d’une part, de l’esprit communautaire et du sens des responsabilités sociales d’autr
4884 hes, je le répète, sont vitales et elles relèvent de la culture au premier chef, j’entends par là : de la recherche pure,
4885 de la culture au premier chef, j’entends par là : de la recherche pure, de la philosophie, des sciences humaines, et surto
4886 er chef, j’entends par là : de la recherche pure, de la philosophie, des sciences humaines, et surtout de l’éducation. Si
4887 la philosophie, des sciences humaines, et surtout de l’éducation. Si les programmes des instituts européens, des chercheur
4888 ntenant, les plus belles réalisations économiques de l’OCDE et du Marché commun resteront pauvres de substance humaine, ma
4889 s de l’OCDE et du Marché commun resteront pauvres de substance humaine, mal intégrées à la manière de vivre européenne et
4890 de vivre européenne et à la vocation fédéraliste de l’Europe. Contre la volonté de leurs initiateurs, elles risqueront, u
4891 cation fédéraliste de l’Europe. Contre la volonté de leurs initiateurs, elles risqueront, un jour, de dénaturer cette Euro
4892 de leurs initiateurs, elles risqueront, un jour, de dénaturer cette Europe que l’on croyait « faire ». Car, en fin de com
4893 Sinon pour mettre ou remettre l’Europe en mesure d’ exercer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’animation, d’éc
4894 rcer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’ animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’h
4895 ion planétaire, qui est une fonction d’animation, d’ échanges, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers
4896 qui est une fonction d’animation, d’échanges, et d’ équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers les libertés pe
4897 changes, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers les libertés personnelles, — non vers les grandeurs n
4898 es, — non vers les grandeurs nationales. Au terme de l’intégration européenne, s’il ne devait y avoir que dividendes, bomb
4899 idaires, les forces culturelles auraient le droit de s’occuper dès maintenant d’autre chose. Mais sans l’action éducatrice
4900 les auraient le droit de s’occuper dès maintenant d’ autre chose. Mais sans l’action éducatrice de toutes nos forces cultur
4901 nant d’autre chose. Mais sans l’action éducatrice de toutes nos forces culturelles, décuplées par une aide puissante que l
4902 ensable union économique ne pourra jamais prendre vie  : trop de contre-courants psychologiques, trop de préjugés traditionn
4903 on économique ne pourra jamais prendre vie : trop de contre-courants psychologiques, trop de préjugés traditionnels et sco
4904 ie : trop de contre-courants psychologiques, trop de préjugés traditionnels et scolaires, trop de réflexes nationalistes c
4905 trop de préjugés traditionnels et scolaires, trop de réflexes nationalistes continueront à la freiner. Et les Autres arriv
4906 les Autres arriveront avant nous à des positions de puissance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’homme, du moin
4907 positions de puissance dont ils ne manqueront pas d’ abuser contre l’homme, du moins tel que nous le concevons. En admettan
4908 e nous le concevons. En admettant qu’une armature d’ institutions s’impose tout de même à nos peuples passifs, si les force
4909 tout de même à nos peuples passifs, si les forces de culture ne l’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera ja
4910 rienter ces mesures, conformément au génie propre de l’Europe, qui est celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du
4911 mément au génie propre de l’Europe, qui est celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me di
4912 la méfiance courante à l’endroit de la culture et de son « utilité ». On verra qu’elles s’opposent diamétralement. Si les
4913 u que l’on a fait jusqu’ici pour la culture était de trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il est g
4914 logiques — et pratiques. ai. Rougemont Denis de , « La culture et l’union de l’Europe », Caractère et culture de l’Eur
4915 ai. Rougemont Denis de, « La culture et l’union de l’Europe », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, avril 1962,
4916 re et l’union de l’Europe », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, avril 1962, p. 9-13.
28 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
4917 Journal d’ un témoin (23-24 juin 1962)aj ak Dans l’ouvrage si opportun que La
4918 j ak Dans l’ouvrage si opportun que La Tribune de Genève vient de publier, M. Jon Kimche parle beaucoup des mouvements
4919 lier, M. Jon Kimche parle beaucoup des mouvements de résistance qui se développèrent en Suisse pendant la crise de mai à a
4920 e qui se développèrent en Suisse pendant la crise de mai à août 1940. Il insiste notamment sur la fameuse « ligue des offi
4921 se « ligue des officiers », affaire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux q
4922 ribuent à combler certaines lacunes dans le récit de M. Kimche, à jeter quelques lumières sur les circonstances qui firent
4923 e des officiers, et surtout à replacer le lecteur d’ aujourd’hui dans le climat de cette période angoissée, telle que j’ai
4924 replacer le lecteur d’aujourd’hui dans le climat de cette période angoissée, telle que j’ai pu la voir de près, à Berne.
4925 ette période angoissée, telle que j’ai pu la voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal privé, néces­
4926 e que j’ai pu la voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal privé, néces­sairement trop personnelles,
4927 voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal privé, néces­sairement trop personnelles, mais prises sur
4928 reste la meilleure source des historiens soucieux de reconstituer la psychologie d’une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance g
4929 istoriens soucieux de reconstituer la psychologie d’ une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale de l’armée (Ve section,
4930 d’une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale de l’armée (Ve section, Armée et Foyer), j’avais proposé et obtenu de ré
4931 ction, Armée et Foyer), j’avais proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage des officiers chargés de fai
4932 ), j’avais proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théorie » quo
4933 lans de causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théorie » quotidienne à leur troupe. C’était au mois de ma
4934 orie » quotidienne à leur troupe. C’était au mois de mars 1940. L’un de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me
4935 à leur troupe. C’était au mois de mars 1940. L’un de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette épo
4936 u mois de mars 1940. L’un de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette époque : il décrit en effet
4937 ue et stratégique du Saint-Gothard dès les débuts de notre histoire. Le 11 mai, les nazis ayant envahi la Belgique et la H
4938 velle mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui
4939 c un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques volontaires. Il nous expos
4940 amarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques volontaires. Il nous expose notre tâche
4941 he : prendre le commandement des pelotons chargés d’ arrêter à la première heure d’une agression allemande les 70 chefs de
4942 es pelotons chargés d’arrêter à la première heure d’ une agression allemande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dan
4943 ière heure d’une agression allemande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions sont a
4944 ans la cour pour cette éventualité. Voici le plan de la ville, les maisons, les étages et les noms de ces messieurs. Vous
4945 de la ville, les maisons, les étages et les noms de ces messieurs. Vous forcez la porte, vous coupez d’abord les fils de
4946 ous forcez la porte, vous coupez d’abord les fils de téléphone, puis vous arrêtez les agents et ramassez leurs papiers. Co
4947 ilm des semaines qui suivirent, d’après mes notes de journal de l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, pour l’émi
4948 aines qui suivirent, d’après mes notes de journal de l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, pour l’émission natio
4949 nne, pour l’émission nationale, Theophil Spoerri, de l’Université de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse
4950 sion nationale, Theophil Spoerri, de l’Université de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En s
4951 heophil Spoerri, de l’Université de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En sortant du studio,
4952 ersité de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En sortant du studio, nous apprenons que Paris
4953 sortant du studio, nous apprenons que Paris vient d’ être bombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramène à B
4954 s à Spoerri : « Si la France est battue, le moral de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de céder à diverses pre
4955 de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de céder à diverses pressions. Pourtant, nous sommes les seuls à pouvoir
4956 s années, je pense au Saint-Gothard comme au cœur de l’Europe, à son bastion sacré, et je l’ai dit hier soir encore. Or il
4957 . Or il se trouve que le Gothard est le type même de la position imprenable dans la guerre actuelle. Il faudrait déclenche
4958 sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’ en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard direct le
4959  ! » J’ai senti sous son regard direct le danger d’ avoir une idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calcu
4960 s son regard direct le danger d’avoir une idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calculé la dépense. Le 12
4961 ne idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’ avoir calculé la dépense. Le 12 juin 1940 Débâcle française sur la Sei
4962 prouve, on nous aidera, mais allez vite ! Vertige de sentir une idée qui s’incarne, qui « prend corps ». Samedi 15 juin 19
4963 ns mon bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient d’ entendre à la radio que les Allemands sont entrés à Paris. » — Merci.
4964 Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ai écrit
4965 oment. J’ai écrit deux pages sur la confrontation d’ Hitler et de Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette de Lausa
4966 écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et de Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette de Lausanne . « Voye
4967 Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette de Lausanne . « Voyez si les prescriptions de la censure vous permettent
4968 azette de Lausanne . « Voyez si les prescriptions de la censure vous permettent de publier cela. » Lundi 17 juin 1940 au s
4969 i les prescriptions de la censure vous permettent de publier cela. » Lundi 17 juin 1940 au soir Faisons le point, bon exer
4970 Faisons le point, bon exercice pour rester maître de soi-même. Petite maison louée, à mi-pente du Gurten. Au-dessous, des
4971 a maison, des prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des
4972 s prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des avions passe
4973 Cette prairie dominant la ville serait un terrain d’ atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la regarde de tem
4974 out désigné pour des parachutistes. Je la regarde de temps à autre en écartant le rideau, mais rien encore. Au milieu de l
4975 illé par deux détonations qui semblaient provenir de la forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre do
4976 forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’ une fenêtre donnant au nord, j’ai regardé longtemps la ville, apparemm
4977 ux éteints, montant lentement vers le Gurten. Pas d’ autre bruit. Me suis recouché pensant que s’il se passait quelque chos
4978 téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant d’ entrer à mon bureau, près de la gare, acheté comme chaque matin la Ga
4979 — je n’y pensais plus — en première page, à côté d’ un appel à se taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait
4980 és. Cela passera donc sans histoires. Vers la fin de la matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure.
4981 s histoires. Vers la fin de la matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histo
4982 à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M. du Général. — Ici colonel Masson. C’est bien vous qui avez éc
4983 , mon colonel. — Avez-vous demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas of
4984 n colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé d’injur
4985 Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé d’ injures à chef d’État étranger. Vous mettez en danger la sécurité de l
4986 ’État étranger. Vous mettez en danger la sécurité de la Suisse. C’est grave, c’est… très grave ! Terminé. — Terminé. Bon.
4987 ecret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de same
4988 matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques
4989 venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre nos aérodromes.
4990 dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre nos aérodromes. Mais on veillait partout. Hier soir,
4991 soir, des barrages ont été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automobilistes munis de passeports f
4992 ille. La troupe a arrêté des automobilistes munis de passeports français, mais aucun n’était Français. La population, sort
4993 n, sortie pour voir, avait l’air en fête. Raisons de croire que le coup nazi, raté cette nuit, sera suivi à bref délai de
4994 up nazi, raté cette nuit, sera suivi à bref délai de manifestations plus énergiques. Mardi 18 juin 1940 À sept heures préc
4995 cises au bureau. Sur ma table, une note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mon cher. As
4996 ne note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (Je me dis : C’est d
4997 ’ai beaucoup aimé votre article… Mais la Légation d’ Allemagne a protesté, hier matin. J’ai l’ordre de vous faire conduire
4998 d’Allemagne a protesté, hier matin. J’ai l’ordre de vous faire conduire chez vous pour y prendre les arrêts. Voulez-vous
4999 pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouve point — c’est le lieuten
5000 rticle. Là n’est pas la question… La question est de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Éco
5001 sommée, la Suisse cernée par l’Axe — les colonnes de Guderian descendent du Nord vers la Faucille. aj. Rougemont Denis
5002 du Nord vers la Faucille. aj. Rougemont Denis de , « Journal d’un témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiqu
5003 la Faucille. aj. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiques de juin 194
5004 I : La Suisse pendant les événements dramatiques de juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 23 juin 1962, p. 1. ak. Préc
5005 es événements dramatiques de juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 23 juin 1962, p. 1. ak. Précédé du chapeau suivant :
5006 uivant : « Nos lecteurs se souviennent sans doute de l’étude du journaliste anglo-suisse Jon Kimche parue cet hiver dans n
5007 aspects souterrains — ou simplement peu connus — de notre histoire pendant le dernier conflit mondial. Dans cet ouvrage,
5008 e, Kimche avait signalé la formation durant l’été de 1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un ci
5009 e avait signalé la formation durant l’été de 1940 d’ un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’a
5010 a formation durant l’été de 1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’autre formé d’offi
5011 — il en distingue deux, l’un civil, l’autre formé d’ officiers — qui entendait barrer la route à ceux qui auraient pu être
5012 arrer la route à ceux qui auraient pu être tentés d’ intégrer notre pays au système du Troisième Reich alors triomphant. Le
5013 brièvement mentionné, après la guerre, l’épisode de « la conjuration des officiers » dont l’acte d’indiscipline fut sanct
5014 e de « la conjuration des officiers » dont l’acte d’ indiscipline fut sanctionné, mais dont les objectifs eurent sa sympath
5015 ont les objectifs eurent sa sympathie. L’attitude de notre gouvernement et de notre commandant en chef rendit inutile tout
5016 sa sympathie. L’attitude de notre gouvernement et de notre commandant en chef rendit inutile toute action directe de ces m
5017 ndant en chef rendit inutile toute action directe de ces mouvements qui ont toutefois joué un rôle non négligeable en fais
5018 sme ambiant. Denis de Rougemont, témoin et acteur de ces événements nous a envoyé certains feuillets de son journal de jui
5019 e ces événements nous a envoyé certains feuillets de son journal de juin et juillet 1940 qui les éclairent et les explique
5020 s nous a envoyé certains feuillets de son journal de juin et juillet 1940 qui les éclairent et les expliquent… Nous avons
5021 es éclairent et les expliquent… Nous avons choisi de publier ces pages en cette fin de juin, à peu près à l’époque, vingt-
5022 us avons choisi de publier ces pages en cette fin de juin, à peu près à l’époque, vingt-deux après, où Denis de Rougemont
5023 s de Rougemont les vécut. » al. Pour les besoins de cette édition numérique, on a attribué un style spécifique aux dates
5024 ique, on a attribué un style spécifique aux dates de ce journal.
29 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
5025 La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 1
5026 thard : premier mouvement de résistance : Journal d’ un témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d
5027 in 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’ imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concre
5028 cumule par petites touches précises, les éléments d’ un énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone m’apporte, heure
5029 léphone m’apporte, heure par heure, les nouvelles de l’action entreprise pour notre « défense à tout prix ». (Beaucoup de
5030 . 20 juin 1940 Mon colonel se présente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans c
5031 tenant, écoutez. La justice militaire ne veut pas de votre cas. C’est donc le général lui-même qui vous condamne au maximu
5032 le général lui-même qui vous condamne au maximum de la peine : quinze jours au fort de Saint-Maurice, au pain et à l’eau,
5033 mne au maximum de la peine : quinze jours au fort de Saint-Maurice, au pain et à l’eau, sans visites ni courrier. Vous ave
5034 Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femm
5035 ous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femme à chaque bras. — À vos ordres
5036 e colonel a bien voulu prendre un verre, au terme de cette petite cérémonie. 22 juin 1940 Céder à l’ennemi sur le point de
5037 1940 Céder à l’ennemi sur le point de la liberté d’ expression, n’est-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raiso
5038 t de se battre, l’une des raisons que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est ch
5039 s que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? Je relis les
5040 ues de cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? Je relis les instructions données au général Guisan le 31
5041 9 par le Conseil fédéral : Vous avez pour mission de sauvegarder l’indépendance du pays et de maintenir l’intégrité du ter
5042 mission de sauvegarder l’indépendance du pays et de maintenir l’intégrité du territoire. Il est clair que pour défendre u
5043 ur défendre un territoire, il est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle une retraite stratégique. On peut m
5044 arti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Londres, il y a quelques jours. En ce moment même, chez Mottu, nos co
5045 njurés sont réunis pour la fondation du mouvement de résistance à tout prix, contre tous les défaitismes et opportunismes
5046 . (En Suisse romande, des éditoriaux parlent déjà de « la nécessité de nous adapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Re
5047 de, des éditoriaux parlent déjà de « la nécessité de nous adapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Repris mon service à
5048 ». Pendant mes vacances forcées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom de « Ligue
5049 forcées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom de « Ligue du Gothard », pour ma p
5050 e manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom de « Ligue du Gothard », pour ma plus grande satisfaction. Discuté et co
5051 matin, avec les fondateurs, dans une petite salle de café enfumée par les cigares de l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’
5052 une petite salle de café enfumée par les cigares de l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’organisation de la Ligue est dou
5053 l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’organisation de la Ligue est double. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’un
5054 ouble. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’ un groupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et
5055 estine dans l’armée, sous l’impulsion d’un groupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et devant l’op
5056 t devant l’opinion suisse, sous la responsabilité d’ un directoire de dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse es
5057 on suisse, sous la responsabilité d’un directoire de dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse est réduite à elle
5058 « la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas d’ autre garantie que son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas d
5059 Elle n’a pas d’autre garantie que son armée, pas d’ autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail ». Que
5060 son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas d’ autre espoir que son travail ». Que les Suisses oublient donc leurs di
5061 oublient donc leurs divisions partisanes. Venus de tous les points de l’horizon politique, décidés à faire converger nos
5062 s divisions partisanes. Venus de tous les points de l’horizon politique, décidés à faire converger nos efforts, nous fond
5063 nous fondons la Ligue du Gothard. Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le gr
5064 ue du Gothard. Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour
5065 un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’ être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux
5066 mmun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’ être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans cha
5067 cun, nous avons acheté une page entière. (Formule de la publicité politique ou philanthropique aux États-Unis.) Frais payé
5068 que nous a remise le capitaine E., l’un des chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 26 juin 19
5069 l possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, discours de Pilet-Golaz. À propos du cessez-le-feu en France, il a parlé de notre
5070 . À propos du cessez-le-feu en France, il a parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses manières, ma
5071 é de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses manières, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’
5072 u’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai e
5073 E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres qu
5074 du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie , j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidien
5075 « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’ être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à
5076 s de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à la campagne, soit avec
5077 la campagne, soit avec des membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l
5078 irectoire de la Ligue, soit avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Ligue civile : le sergent L
5079 la Ligue civile : le sergent Lindt41. Une maison de Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets avec les re
5080 rmet des contacts discrets avec les représentants de la Ligue dans l’armée. La presse a publié le Manifeste. Elle en parle
5081 e Manifeste. Elle en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlets, d’articles, nous accusent tour à tour de tendances fascist
5082 lle en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlets, d’ articles, nous accusent tour à tour de tendances fascistes, ou marxist
5083 pamphlets, d’articles, nous accusent tour à tour de tendances fascistes, ou marxistes, ou corporatistes. Nos vrais « mene
5084 marxistes, ou corporatistes. Nos vrais « meneurs de jeu » seraient à la fois : la grande industrie, les Groupes d’Oxford,
5085 ient à la fois : la grande industrie, les Groupes d’ Oxford, la Migros, les Anglais, voire Gonzague de Reynold, dont on ann
5086 eynold, dont on annonce par ailleurs la démission de notre Directoire : or il n’en a jamais été membre. Rien de plus norma
5087 pris toute l’ampleur du péril, c’est bien le tout de notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui est rad
5088 e l’ampleur du péril, c’est bien le tout de notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui est radicalement
5089 alement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance de « s’arranger » avec l’occupant hitlérien. Pour les intérêts matériels
5090 la grande industrie boude la Ligue : elle attend de voir comment les choses tournent. Le Conseil fédéral paraît hésitant.
5091 t. Selon nos renseignements très précis, certains de ses membres seraient prêts à accéder aux exigences des nazis, formulé
5092 t « résistants ». Un ou deux indécis. Sur la base de ces informations et de leur analyse détaillée, le directoire de la Li
5093 deux indécis. Sur la base de ces informations et de leur analyse détaillée, le directoire de la Ligue du Gothard entrepre
5094 tions et de leur analyse détaillée, le directoire de la Ligue du Gothard entreprend alors une démarche que je crois sans p
5095 ans l’histoire des conjurations politiques. Trois de ses membres, conduits par le professeur Theo Spoerri, solliciteront u
5096 une audience du Conseil fédéral. Ils ont mission de lui déclarer que s’il cède aux exigences des nazis, tout est prêt pou
5097 des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contraire le Conse
5098 eil fédéral résiste, il aura l’appui sans réserve de la Ligue civile et militaire. L’audience est aussitôt demandée, et ac
5099 dée, et accordée. Trop compromis depuis l’affaire de la Gazette de Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne
5100 e. Trop compromis depuis l’affaire de la Gazette de Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne puis faire par
5101 mes fonctions militaires, je ne puis faire partie de la délégation. J’attends les résultats de la démarche dans un café pr
5102 partie de la délégation. J’attends les résultats de la démarche dans un café proche du Palais fédéral. Les délégués m’y r
5103 e les a reçus avec beaucoup de calme, a pris note de leur déclaration pour la transmettre à ses collègues, et bien sûr, n’
5104 age. Mais les banderilles ont été plantées. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les archives fédérales. On
5105 les ont été plantées. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les archives fédérales. On devait s’y attendre. E
5106 mprend donc que M. Kimche n’ait pas pu faire état de l’incident, si pittoresque et surprenant qu’il puisse apparaître, apr
5107 isse apparaître, après coup. Il y avait une sorte de pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouvernement : « No
5108 vait une sorte de pari insensé dans cette manière d’ aller dire à un gouvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe un
5109 rche était ratée, et au surplus couvrait la Ligue de ridicule. En fait, celui qui reçut cette délégation comprit très bien
5110 tion comprit très bien qu’il s’agissait pour nous d’ appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait
5111 qu’il s’agissait pour nous d’appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait donc nous croire et ne
5112 ista, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me d
5113 rgent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me dit, quelques jours plus tard : « Vous êtes i
5114 r bonheur, c’est moi qui suis chargé des rapports d’ écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos conversations ! » 41.
5115 enregistrant vos conversations ! » 41. Il s’agit de M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur de Suisse à Washington, apr
5116 agit de M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur de Suisse à Washington, après avoir été haut-commissaire de l’Organisati
5117 se à Washington, après avoir été haut-commissaire de l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés. am. Rougemont D
5118 ns unies pour les réfugiés. am. Rougemont Denis de , « Journal d’un témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de
5119 les réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de résistance »,
5120 émoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de résistance », Tribune de Genève, Genève, 25 juin 1962, p. 1. an. Pré
5121 thard, premier mouvement de résistance », Tribune de Genève, Genève, 25 juin 1962, p. 1. an. Précédé du chapeau suivant :
5122 0, la débâcle des armées françaises. Au lendemain de l’entrée des Allemands à Paris, Denis de Rougemont, alors incorporé à
5123 Rougemont, alors incorporé à l’Adjudance générale de l’Armée (section Armée et Foyer) envoie à Gazette de Lausanne un ar
5124 ’Armée (section Armée et Foyer) envoie à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait
5125 e à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut d’ être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral
5126 moral des Suisses va-t-il flancher devant le raz de marée nazi ? Le Gothard, pense Rougemont, devrait fournir le symbole
5127 Rougemont, devrait fournir le symbole et la clef d’ une résistance à tout prix. Voici la suite du journal de ces jours dra
5128 résistance à tout prix. Voici la suite du journal de ces jours dramatiques. »
30 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
5129 conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’ un témoin III (26 juin 1962)ao ap 10 juillet 1940 Réunion avec troi
5130 p 10 juillet 1940 Réunion avec trois officiers de l’E.-M. G. chargés de préparer le message du 1er août du général. Apr
5131 éunion avec trois officiers de l’E.-M. G. chargés de préparer le message du 1er août du général. Après quelques heures d’e
5132 age du 1er août du général. Après quelques heures d’ essais peu convaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me con
5133 ne part, le général ne saura pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin
5134 a Ligue du Gothard ? Dernière page : La création de la Ligue du Gothard a produit un choc salutaire sur l’opinion suisse.
5135 aître un grand espoir et dissipé certaines brumes de défaitisme. La crainte de la concurrence a produit une émulation inat
5136 issipé certaines brumes de défaitisme. La crainte de la concurrence a produit une émulation inattendue du côté des partis.
5137 ncontestable que sans la Ligue, les « communautés de travail », esquissées dans divers cantons, n’auraient pas vu si tôt l
5138 oupements naguère hostiles, nous créons le visage de la nouvelle génération et nous marchons dans la seule voie possible.
5139 ement menacée, mais que notre action la renforce. De tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est no
5140 lieu le rapport du Grütli. Tout notre dispositif de défense regroupé autour du Gothard ! Notre rêve devient vrai ! Profon
5141 uelques pages. Mi-août 1940 Réunion du Directoire de la Ligue à Zurich, dans une villa de l’Utliberg. Tandis que nous nous
5142 e nos petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement
5143 me dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’être arrêtés, sur l’ordre du colonel
5144 t. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’ être arrêtés, sur l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité d’ar
5145 r l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité d’ armée de Sargans. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant une p
5146 e du colonel Labhardt, commandant l’unité d’armée de Sargans. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant une partie de
5147 nt l’unité d’armée de Sargans. Ils avaient essayé d’ obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il leur a laissé croi
5148 ent essayé d’obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il leur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heures ce mat
5149 un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger » m’avait proposé d’al
5150 tariat des Suisses à l’étranger » m’avait proposé d’ aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (mu
5151 ’étranger » m’avait proposé d’aller à New York et d’ y faire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (musique d’Arthur Honegge
5152 ire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (musique d’ Arthur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair. J’avais longtemps te
5153 de Flüe (musique d’Arthur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair. J’avais longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. P
5154 sé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’étais certes plus persona grata. Pourtant
5155 lles du drame européen ; 2) la mission européenne de la Suisse ; 3) le fédéralisme ; 4) le théâtre communautaire en Suisse
5156 ort diplomatique (censé me faciliter la traversée de l’Espagne) à condition toutefois que je m’abstienne aux États-Unis « 
5157 ion toutefois que je m’abstienne aux États-Unis «  de toute activité ayant un caractère politique quelconque. Des sujets de
5158 ant un caractère politique quelconque. Des sujets de conférence comme ceux qui sont indiqués sous les chiffres 1 à 3 devra
5159 e B.) ⁂ Ces prudences officielles — bien typiques de l’époque — n’eurent d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décid
5160 fficielles — bien typiques de l’époque — n’eurent d’ autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir comp
5161 typiques de l’époque — n’eurent d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte, je finis par a
5162 enir compte, je finis par accepter la proposition de voyage aux États-Unis. Pour la Suisse, cet été-là, le péril militaire
5163 ional 42 il se dressait vraiment comme ce bastion de l’Europe libre dont nous avions rêvé sans oser croire qu’en quelques
5164 ie. La Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’ organiser les volontés de résistance, voyait ainsi son premier objecti
5165 fondée sur l’idée simple d’organiser les volontés de résistance, voyait ainsi son premier objectif atteint. Elle s’orienta
5166 nt. Elle s’orientait vers un programme plus vaste d’ entraide sociale et de rénovation économique et politique. Elle avait
5167 ers un programme plus vaste d’entraide sociale et de rénovation économique et politique. Elle avait au départ formé le noy
5168 ait au départ formé le noyau du premier mouvement de résistance, au sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans l
5169 nats et tortures en moins. Les mêmes peuvent rire de l’armée suisse parce qu’elle n’eut pas l’occasion de se battre. Pourt
5170 l’armée suisse parce qu’elle n’eut pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probablement, si les Allemands
5171 e et moins bien alertée. Et notre petit mouvement de résistance, pour préventif qu’il soit resté, eût certainement passé à
5172 e ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’ août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise o
5173 t, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise où elle
5174 », inutile. ⁂ L’armée démobilisait les deux tiers de ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais prat
5175 e ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’ écrivain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en public que l
5176 ent, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également intolérable, tant qu’Hitler
5177 ment décisif allait venir et ne pouvait venir que de l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il me serait donné, quo
5178 là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos
5179 uoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’ entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décida
5180 20 août, à 7 heures du matin, je prenais la route de Lisbonne. J’avais acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journ
5181 monter dans l’autobus, trois journaux du matin et de la veille : tous les trois consacraient leur éditorial au programme d
5182 es trois consacraient leur éditorial au programme de la Ligue. Les notes personnelles qu’on vient de lire me paraissent de
5183 es personnelles qu’on vient de lire me paraissent de nature à confirmer la description d’ensemble que M, Jon Kimche donne
5184 e paraissent de nature à confirmer la description d’ ensemble que M, Jon Kimche donne de la « crise » consécutive à l’effon
5185 la description d’ensemble que M, Jon Kimche donne de la « crise » consécutive à l’effondrement des Alliés en mai 1940. Dan
5186 aux dates qu’indique M. Kimche (seconde quinzaine de juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont
5187 M. Kimche (seconde quinzaine de juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et se
5188 correctement définis, sauf sur un point, qui est d’ importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aie
5189 nstant que les officiers ligueurs aient pu douter de la volonté de résistance à tout prix du Général. Leur complot ne visa
5190 officiers ligueurs aient pu douter de la volonté de résistance à tout prix du Général. Leur complot ne visait que le Cons
5191 écrit dans son rapport que leur seule faute fut «  d’ agir en secret ». Mais s’ils avaient agi « ouvertement », le Conseil f
5192 une curieuse erreur en confondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu’il appelle tantôt « l’Action nationale de résist
5193 avec ce qu’il appelle tantôt « l’Action nationale de résistance », tantôt le « Mouvement de résistance national ». Si j’en
5194 nationale de résistance », tantôt le « Mouvement de résistance national ». Si j’en juge par les noms qu’il donne des resp
5195 en juge par les noms qu’il donne des responsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’une organisation civ
5196 de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’ une organisation civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de
5197 organisation civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de ses chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement e
5198 civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de ses chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en me disant d’
5199 doublement en me disant d’une part que « l’Action de résistance » n’intervint qu’« après mon départ pour les États-Unis »,
5200 le en liaison avec les officiers pendant la crise de l’été 1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et l
5201 iers pendant la crise de l’été 1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue
5202 rise de l’été 1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue d’un mouvement q
5203 Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue d’ un mouvement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pa
5204 bstitution à cette ligue d’un mouvement qui n’eut d’ autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la pério
5205 ement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la période que décrit Kimche, n’est pas se
5206 que décrit Kimche, n’est pas seulement une erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche d’évaluer
5207 l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche d’ évaluer correctement la situation psychologique qui régnait au mois de
5208 nt la situation psychologique qui régnait au mois de juin 1940, lorsque fut prise la décision de créer le Réduit national.
5209 mois de juin 1940, lorsque fut prise la décision de créer le Réduit national. Elle empêche en particulier M. Kimche de se
5210 t national. Elle empêche en particulier M. Kimche de se poser la question suivante : peut-on voir une « simple » coïnciden
5211 fait que la Ligue civile et militaire prit le nom de ce Gothard qui, quelques semaines plus tard, allait devenir le centre
5212 allait devenir le centre du Réduit ? Je tenterai de répondre à cette question dans un prochain article. 42. On se rappe
5213 ral Guisan convoqua tous les officiers supérieurs de l’armée sur la prairie du Grütli pour leur exposer son plan de défens
5214 r la prairie du Grütli pour leur exposer son plan de défense à outrance autour du massif du Gothard. ao. Rougemont Denis
5215 utour du massif du Gothard. ao. Rougemont Denis de , « Journal d’un témoin III : La conjuration des officiers en juin 194
5216 f du Gothard. ao. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune d
5217 conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 26 juin 1962, p. 1. ap. Précédé du chapeau suivant :
5218  Denis de Rougemont retrace ici les circonstances de l’action de résistance qu’il entreprit avec quelques amis groupés sou
5219 ugemont retrace ici les circonstances de l’action de résistance qu’il entreprit avec quelques amis groupés sous l’enseigne
5220 reprit avec quelques amis groupés sous l’enseigne de la Ligue du Gothard alors que le Troisième Reich venait de triompher
5221 her des armées franco-anglaises et que la volonté de résistance paraissait s’émousser chez certains de nos compatriotes im
5222 de résistance paraissait s’émousser chez certains de nos compatriotes impressionnés par l’ampleur des succès nazis (voir
5223 par l’ampleur des succès nazis (voir La Tribune de Genève des 23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension de cet ar
5224 23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension de cet article, que l’auteur de L’Amour et l’Occident se trouvait alor
5225 our la compréhension de cet article, que l’auteur de L’Amour et l’Occident se trouvait alors en situation délicate auprè
5226 at-major général — pour avoir écrit, au lendemain de la chute de Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui
5227 éral — pour avoir écrit, au lendemain de la chute de Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui n’était pas
5228 emain de la chute de Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui n’était pas tendre pour le Führer triomphan
31 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
5229 ination débridée court vers l’avenir dans le sens de nos désirs ou de nos craintes, selon notre tempérament. La mémoire au
5230 court vers l’avenir dans le sens de nos désirs ou de nos craintes, selon notre tempérament. La mémoire aussitôt la bride p
5231 ament. La mémoire aussitôt la bride par le rappel d’ échecs ou de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords
5232 moire aussitôt la bride par le rappel d’échecs ou de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords par vent deb
5233 oilier tirant des bords par vent debout, essayons d’ avancer dans l’inconnu que nous découvrirons en l’inventant, et qui pe
5234 dans la mesure où nous le formerons. Pour tenter d’ estimer l’ordre de grandeur des changements qu’apporteront les dix-hui
5235 nous le formerons. Pour tenter d’estimer l’ordre de grandeur des changements qu’apporteront les dix-huit ans qui nous sép
5236 qu’apporteront les dix-huit ans qui nous séparent de 1980, voyons d’abord quels changements ont apportés les dix-huit ans
5237 s ont apportés les dix-huit ans qui nous séparent de la fin de la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé de la ruine
5238 rtés les dix-huit ans qui nous séparent de la fin de la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé de la ruine générale
5239 e la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé de la ruine générale à une prospérité sans précédent : d’une position dé
5240 ruine générale à une prospérité sans précédent : d’ une position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle 
5241 e des États-Unis à une position concurrentielle ; d’ un affrontement presque mortel des nationalismes autarciques au succès
5242 tériellement la réconciliation franco-allemande ; de l’alliance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libératio
5243 a réconciliation franco-allemande ; de l’alliance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte d
5244 ande ; de l’alliance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omnip
5245 liance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omniprésence commun
5246 e Berlin, et de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli
5247 t de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli général du
5248 ; du chômage endémique au suremploi ; des empires d’ outre-mer français, anglais, hollandais et belge à la décolonisation p
5249 du Sud, dans le monde arabe et en Afrique ; bref, de la misère avec les colonies et dans la désunion, à la richesse sans l
5250 ers-monde et par l’union. Si l’on relit la presse de l’époque, on s’aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient été p
5251 se sont produits beaucoup plus vite et avec plus d’ intensité que personne n’osait le croire ou le redouter. Sommes-nous a
5252 ter. Sommes-nous autorisés à prolonger les lignes de cette récente évolution et à prévoir une accélération continuée des r
5253 ée des rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union de l’Europe est stoppée par l’échec des négociations entre les Anglais e
5254 ne renaissance des nationalismes ; la dislocation de l’alliance atlantique ; l’anarchie continuée de nos relations avec le
5255 n de l’alliance atlantique ; l’anarchie continuée de nos relations avec le tiers-monde, d’où l’affaiblissement général des
5256 e continuée de nos relations avec le tiers-monde, d’ où l’affaiblissement général des positions occidentales, une série de
5257 ent général des positions occidentales, une série de crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs détenant l
5258 ond désormais avec les vœux, les buts, la volonté de ceux qui luttent pour cette union. Car il ne s’agit pas — je le dis u
5259 r il ne s’agit pas — je le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qui vient, mais de la faire. Dans cette seconde hy
5260 s de plus — de deviner l’histoire qui vient, mais de la faire. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980 est redevenu
5261 la faire. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980 est redevenue à tous égards le centre du monde humain. Les géogr
5262 ont démontré depuis longtemps qu’elle est le pôle de « l’hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 % de la populatio
5263 hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 % de la population et de la production du globe. À cette réalité de géogra
5264 é » qui comprend environ 95 % de la population et de la production du globe. À cette réalité de géographie humaine corresp
5265 ion et de la production du globe. À cette réalité de géographie humaine correspond une activité politique, économique et c
5266 , elle les dose, elle les adapte aux possibilités d’ assimilation du tiers-monde, après en avoir discuté avec les responsab
5267 des autres continents. (Cela s’opère sur la base d’ un Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres
5268 ue des cultures, organisé notamment par une série de centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction dès 1963
5269 s 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèle d’ une communauté organisée selon la méthode fédéraliste, antidote ou ant
5270 e) que les petits pays neufs s’efforçaient encore de copier dans les années 1950 à 1970. Le succès du fédéralisme européen
5271 leurs nouvelles générations, au-delà des ivresses de l’indépendance, découvrent les réalités de l’interdépendance. La civi
5272 resses de l’indépendance, découvrent les réalités de l’interdépendance. La civilisation technique s’humanise — c’est un mo
5273 ; on découvre au contraire les charmes souverains de la lenteur. Le silence est devenu le luxe suprême : peu sont en mesur
5274 e est devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagées en Fran
5275 erche encore — on va trouver — un système général de freinage ou de décantation du progrès mécanique, qui l’adapte et le s
5276 on va trouver — un système général de freinage ou de décantation du progrès mécanique, qui l’adapte et le subordonne à la
5277 nne à la sécurité, à la santé et aux « aménités » de la vie, selon l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation de la po
5278 la sécurité, à la santé et aux « aménités » de la vie , selon l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation de la populatio
5279 et aux « aménités » de la vie, selon l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation de la population — 630 millions sur la
5280 on l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation de la population — 630 millions sur la même superficie que les 440 milli
5281 perficie que les 440 millions que compte l’Europe d’ aujourd’hui, Russie exclue — y contraint autant que l’évolution des id
5282 , initiatrice et première bénéficiaire ou victime de la civilisation technique, désormais universalisée, a compris qu’elle
5283 ésormais universalisée, a compris qu’elle se doit d’ inventer les moyens d’humaniser l’usage des ressources matérielles fom
5284 , a compris qu’elle se doit d’inventer les moyens d’ humaniser l’usage des ressources matérielles fomentées par son aventur
5285 es autoroutes à six pistes, lesquelles permettent d’ aller aussi vite d’une ville à l’autre que les trains express (quelque
5286 pistes, lesquelles permettent d’aller aussi vite d’ une ville à l’autre que les trains express (quelques-uns déjà souterra
5287 dense dans les régions méridionales, la mobilité de l’industrie permettant au phototropisme naturel de se manifester libr
5288 e l’industrie permettant au phototropisme naturel de se manifester librement : boom sur les rives de la Méditerranée, aban
5289 l de se manifester librement : boom sur les rives de la Méditerranée, abandon progressif des villes du Nord qui avaient pr
5290 noire. L’énergie électrique ou nucléaire a permis de généraliser la maison transparente, pour les masses. Les élites redéc
5291 loin des lieux du travail, réduit à cinq journées de six heures par semaine, en moyenne. (Dans le secteur tertiaire, le we
5292 moyenne. (Dans le secteur tertiaire, le week-end de deux jours et demi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne
5293 week-end de deux jours et demi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était
5294 ux jours et demi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était sous la IIIe R
5295 disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple Entente aujourd’hui. Face à la Chine, à l
5296 en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple Entente aujourd’hui. Face à la Chine, à l’Inde, et aux ligu
5297 et aux ligues encore instables du monde arabe et de l’Afrique noire, l’Occident se regroupe autour de l’Europe unie, de S
5298 , l’Occident se regroupe autour de l’Europe unie, de San Francisco à Vladivostok (réseau d’accords économiques et culturel
5299 rope unie, de San Francisco à Vladivostok (réseau d’ accords économiques et culturels). En Europe, deux grandes tendances
5300 es s’affrontent, en lieu et place de la droite et de la gauche anciennes : la tendance fédéraliste, qui défend les autonom
5301 et néo-libéraux s’opposent au sujet des problèmes d’ aménagement du territoire européen, d’urbanisme, d’éducation, de forma
5302 s problèmes d’aménagement du territoire européen, d’ urbanisme, d’éducation, de formation professionnelle, et de répartitio
5303 ’aménagement du territoire européen, d’urbanisme, d’ éducation, de formation professionnelle, et de répartition des compéte
5304 du territoire européen, d’urbanisme, d’éducation, de formation professionnelle, et de répartition des compétences entre le
5305 me, d’éducation, de formation professionnelle, et de répartition des compétences entre le pouvoir central européen et les
5306 sées, sont au premier plan des soucis publics. La vie culturelle est devenue la partie sérieuse de l’existence, en lieu et
5307 La vie culturelle est devenue la partie sérieuse de l’existence, en lieu et place du travail et du gain, désormais assuré
5308 il et du gain, désormais assurés à moindres frais d’ énergie. L’accroissement du temps des loisirs et l’accroissement de la
5309 oissement du temps des loisirs et l’accroissement de la population produisent des résultantes contradictoires, qui sont le
5310 D’une part, l’individu est plus que jamais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se laisser « être-vécu » par le
5311 amais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se laisser « être-vécu » par les divertissements (au sens pascalien)
5312 s pascalien) que lui offre une production massive de spectacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de
5313 ue lui offre une production massive de spectacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de co
5314 production massive de spectacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les
5315 ive de spectacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voya
5316 tacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de man
5317 us ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations
5318 e magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations sportives, e
5319 ilms et de disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations sportives, etc. Le règne des grands nombre
5320 isques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations sportives, etc. Le règne des grands nombres, des stand
5321 Le règne des grands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre part,
5322 andards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre part, des possibilités plus vastes de
5323 niste. D’autre part, des possibilités plus vastes de création et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc prob
5324 part, des possibilités plus vastes de création et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la dif
5325 bilités plus vastes de création et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la différence s’accen
5326 divisées en facultés démodées, les établissements de formation interdisciplinaire se sont multipliés. Ils se distinguent p
5327 ie des études, sont remplacés par des certificats d’ aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande
5328 s par des certificats d’aptitude et par des tests d’ entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les
5329 visibles et sensibles ; ils affectent l’ensemble de la population. En revanche, la généralisation des bénéfices du progrè
5330 ndue possible par l’union économique et politique de nos pays, et d’autre part l’accroissement de la population et l’urban
5331 ique de nos pays, et d’autre part l’accroissement de la population et l’urbanisation du continent développent des mécanism
5332 anisation du continent développent des mécanismes de freinage. La nécessité d’humaniser la technique, de recréer des zones
5333 eloppent des mécanismes de freinage. La nécessité d’ humaniser la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur,
5334 freinage. La nécessité d’humaniser la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équi
5335 té d’humaniser la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la
5336 la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la quasi-aboliti
5337 e, de recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la quasi-abolition des dista
5338 ibue à ralentir et contraint à ordonner le rythme de l’innovation à tout hasard et à tous risques. Bref, les inventions le
5339 à l’homme. J’écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par hasard mon petit essai ; et pour que certa
5340 voient un peu mieux vers quoi nous devons choisir d’ aller. aq. Rougemont Denis de, « Dans vingt ans, une Europe neuve »
5341 us devons choisir d’aller. aq. Rougemont Denis de , « Dans vingt ans, une Europe neuve », Problèmes, Paris, novembre 196
5342 e Revue française . Son premier livre, Politique de la personne (1934) lança le mot d’ordre d’engagement de l’écrivain d
5343 tique de la personne (1934) lança le mot d’ordre d’ engagement de l’écrivain dont il devait renier plus tard les interprét
5344 ersonne (1934) lança le mot d’ordre d’engagement de l’écrivain dont il devait renier plus tard les interprétations qui en
5345 3 le principal rédacteur des émissions françaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le
5346 pal rédacteur des émissions françaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le mouvement
5347 rganisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès européen de la culture. L’année suivante, il fondait à Genève le Centre européen
32 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
5348 La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)as Anciens villages et
5349 re-décembre 1962)as Anciens villages et villes d’ Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
5350 c’est par leur complication, ou par leur manière d’ être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
5351 leur manière d’être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe, Unité non point
5352 mière formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe, Unité non point faite d’uniformité, mais au contrai
5353 mettra de définir l’Europe, Unité non point faite d’ uniformité, mais au contraire, de variété des formes, de complexité de
5354 non point faite d’uniformité, mais au contraire, de variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de
5355 ormité, mais au contraire, de variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses
5356 s, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisa
5357 s structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins milit
5358 sage : tous ces accidents naturels peuvent servir de prétexte à une concentration qui deviendra communauté humaine, villag
5359 aine, village ou ville, au-delà du stade originel de la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les village
5360 rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’ en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
5361 les clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’ un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
5362 ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
5363 haut des airs, nous nous posons enfin sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voic
5364 in sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’ une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œi
5365 l de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autou
5366 place, banale et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
5367 le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
5368 Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’ erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
5369 r sans trop d’erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil munic
5370 gieux, une séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
5371 ipal, une heure de classe, les discussions autour d’ une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
5372 ure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
5373 les discussions autour d’une table de bistrot ou d’ un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
5374 ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
5375 strot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
5376 rop évidents) du dynamisme européen, c’est-à-dire de la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respect général et
5377 est-à-dire de la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
5378 n publique, l’échange des opinions individuelles ( de préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
5379 travail — une vitalité librement ordonnée, faite de visions multiples, entrecroisées. Que la mairie (l’hôtel de ville, le
5380 e tire son sens originel. Les partis qui décident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’
5381 artis qui décident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
5382 se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Ombr
5383 . Ombre et soleil changent avec les heures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marc
5384 angent avec les heures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et car
5385 eures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et carrefour principal
5386 régionaux et des courants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, ca
5387 onaux et des courants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, carac
5388 ’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La dernièr
5389 vie des conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très préci
5390 ques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des
5391 ace principale.) Lire et parler Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
5392 n, sur le libre jeu des partis, et sur la liberté de l’opposition, majorité de possible de demain. Or, les partis de l’opi
5393 rtis, et sur la liberté de l’opposition, majorité de possible de demain. Or, les partis de l’opinion, et l’opposition nota
5394 la liberté de l’opposition, majorité de possible de demain. Or, les partis de l’opinion, et l’opposition notamment, se ma
5395 n, majorité de possible de demain. Or, les partis de l’opinion, et l’opposition notamment, se manifestent par la presse, d
5396 se manifestent par la presse, dans l’ère moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
5397 t étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
5398 crit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui créeront les fa
5399 sées dans l’Europe entière, en dépit des censures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
5400 ditoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
5401 ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
5402 énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’ études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
5403 hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
5404 a place, la présence du kiosque à journaux, point d’ insertion de la rumeur du monde entre le café et le marché. Face à l’h
5405 présence du kiosque à journaux, point d’insertion de la rumeur du monde entre le café et le marché. Face à l’hôtel de vill
5406 ée et non plus temple), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les
5407 le), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les partis, les ambitio
5408 ons et les doctrines en vogue. La mairie, symbole de la commune, qui est dans le cadre concret du civisme, a survécu tant
5409 t du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus d’ un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
5410 , a survécu tant bien que mal, à plus d’un siècle d’ empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
5411 t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
5412 l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
5413 et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
5414 plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
5415 râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
5416 industriels et une répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
5417 plus centralisées, comme la France, le mouvement de restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
5418 tement. Au plan européen, le Conseil des communes d’ Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
5419 puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’ arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
5420 ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’ un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, « 
5421 is au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, « La commune, bas
5422 e l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de , « La commune, base essentielle de notre civilisation », Communes d’E
5423 ougemont Denis de, « La commune, base essentielle de notre civilisation », Communes d’Europe, Paris, novembre–décembre 196
5424 ase essentielle de notre civilisation », Communes d’ Europe, Paris, novembre–décembre 1962, p. 5 et 20.